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Cuba : Les Constitutions cubaines d'hier à aujourd'hui

20 Juillet 2018, 16:34pm

Publié par Bolivar Infos

Cuba : Les Constitutions cubaines d'hier à aujourd'hui

 

Le terme Constitution est dérivé du mot latin constiture, qui signifie fondation, établissement de quelque chose, origine, base ; cependant, il est difficile de trouver une coïncidence quant à sa signification réelle

 

José Luis Toledo Santander*19 juillet 2018 18:07:36

 

LE terme Constitution est dérivé du mot latin constiture, qui signifie fondation, établissement de quelque chose, origine, base ; cependant, il est difficile de trouver une coïncidence quant à sa signification réelle.

 

Totalement idéologisé, il n'est pas propice à l'harmonisation des critères, au contraire, il suscite des discussions car il appartient à une sphère de débat et de vive controverse et génère donc de nombreuses définitions basées sur des positions différentes ; peut-être pouvons-nous être d'accord avec l’auteur de cette définition :

 

« La Constitution, c’est l'État dans son existence politique concrète. L'État, c’est la Constitution. Sa Constitution est son âme, sa vie concrète et son existence individuelle. »

 

L'histoire constitutionnelle a besoin de la contribution de l'histoire générale, parce que c'est son soutien et son guide. Le terme même « histoire », ainsi que celui de « constitutionnelle », indique pleinement le sens historique qu'il faut donner au processus et à la transformation des institutions politiques et des Constitutions successives d'un peuple.

 

À cet égard, de nombreuses situations constitutionnelles du passé pourraient ne sauraient être comprises si nous ne nous situons pas correctement dans le contexte historique qui sert de toile de fond à ces développements politiques et constitutionnelles.

 

Par conséquent, chaque présent se doit d’être appréhendé dans le passé qui l'a engendré, dans la semence qui l'a produite et même dans les stimuli susceptibles de provoquer les réactions de sa nature.

 

En ce qui concerne ses origines, il faut se remonter à la Constitution de 1215, signée entre le roi Jean-sans-Terre et les évêques et barons d'Angleterre, à laquelle s’ajouta la Pétition des Droits (Petition of Right) de 1628, l'Habeas Corpus de 1679 et le Bill of Right de 1689.

 

Mais il est essentiel de souligner le point de changement généré dans l'histoire constitutionnelle de l'humanité par la Constitution mexicaine de Querétaro, du 5 février 1917, car face aux grandes injustices et aux différences sociales engendrés par l'État libéral qui prévalait à l'époque, le Mexique va marquer la transition du constitutionnalisme libéral individualiste au constitutionnalisme social et va établir, avec ce texte, la justice sociale comme centre de l'ordre constitutionnel.

LE DROIT CONSTITUTIONNEL CUBAIN

 

Le Droit constitutionnel cubain, parallèlement au devenir historique de la nation, peut être divisé en trois grandes étapes : l’étape coloniale, caractérisée par l'extension formelle à l'Île de quatre constitutions espagnoles, ainsi que l'émergence de divers projets constitutionnels, fruits de l'agitation politique du patriarcat cubain naissant, parmi lesquelles se distinguent celles de José Agustin Caballero (1811) et Joaquin Infante (1812).

 

Cette étape sera également marquée par la promulgation de quatre textes constitutionnels pendant la Guerre d'indépendance, qui furent en vigueur dans les territoires occupés par les mambises (combattants pour l’indépendance). Il s'agit des constitutions de Guaimaro (1869), de Baragua (1878), de (1895) et de La Yaya (1897).

 

Dans ce ce contexte que l’on trouve les sources du droit constitutionnel cubain. Elles reflèteront la radicalisation de la pensée politique et leurs documents deviendront une expression du processus de formation de la nation cubaine, dans la mesure où la guerre même dont elles émanent, comme l'a exprimé le poète, essayiste, critique, conférencier et enseignant cubain Cintio Vitier, « est un creuset de races et de classes, une véritable matrice de la nation cubaine ».

 

Un second moment s'inscrit dans la première moitié du XXe siècle avec l'émission des constitutions libérales bourgeoises, caractérisées par des textes qui reflètent une souveraineté limitée, de soumission politique et de dépendance économique.

 

Durant cette période, deux textes fondamentaux méritent d'être mentionnés : les Constitutions de 1901 et de 1940.

 

La troisième étape comprend la période révolutionnaire socialiste, depuis son origine jusqu’à nos jours. Dans son contexte sont exprimés la Loi fondamentale du 7 février 1959 et la Constitution du 24 février 1976, deux textes qui à l’époque étaient l'expression du processus révolutionnaire et sa recherche constante des plus hauts niveaux de justice sociale pour tout le peuple, avec un accent ferme et résolu sur la défense de l'indépendance et de la souveraineté du pays.

 

Dans ce parcours rapide des étapes constitutionnelles de la nation cubaine, il est nécessaire de souligner les particularités de certains de ces moments qui, en raison de leur signification et de leur importance, méritent une réflexion.

 

La Constitution de Guaimaro est la mère nourricière d'un constitutionnalisme cubain qui transcende son époque et se perpétue jusqu’à nos jours.

 

Les fondateurs de l'institutionnalité constitutionnelle de Guaimaro avaient été influencés par des événements internationaux qui justifiaient, dans une certaine mesure, ses objectifs : l'indépendance des Treize Colonies anglaises en Amérique du Nord, la Révolution française et toute la richesse théorique émanant des Lumières à cette époque et, enfin, de profondes appréhensions sur le phénomène du caudillisme qui se développait dans les nations latino-américaines émergentes.

 

Cette trilogie de pensée va trouver, pour le meilleur ou pour le pire –il n'est pas dans notre intention de nous livrer ici à une analyse détaillée de ce phénomène–, une zone de résonance dans le texte rédigé par Agramonte et Zambrana.

 

UN COUP DE POIGNARD DANS LE DOS ET UN JALON MARQUANT

 

Après la fin du conflit armé en 1898, l'Assemblée constituante de 1901 devient le nouveau théâtre des opérations ; il est bon d’ajouter une précision à propos des personnes qui purent accéder à cette institution collégiale, dont le siège se trouvait dans l’actuel Théâtre Marti.

 

À l’issue de leur intervention, les États-Unis adoptèrent des mesures restrictives pour garantir l'exercice du droit électoral à leur convenance et selon leurs intérêts, en vertu desquelles seules les personnes jouissant d’une solvabilité économique et sachant lire et écrire étaient éligibles. Ainsi, la majorité de la population, composée de la masse des citoyens pauvres noirs et blancs, sans tenir compte des mérites obtenus dans la lutte pour l'indépendance du pays, fut exclue d’une participation à ce processus constitutionnel.

 

Néanmoins, il convient de mentionner parmi les constituants des personnalités éminentes de la lutte pour la liberté comme Juan Gualberto Gomez, Manuel Sanguily et Salvador Cisneros Betancourt, entre autres.

 

L'amendement Platt sera le coup de poignard porté par le gouvernement yankee dans le dos de notre nation émergente. Il lui fut imposé sous la menace : soit elle acceptait, soit c’était l’occupation permanente du territoire cubain par l'armée d’intervention. C’est dans ces circonstances que la Constitution de 1901 fut adoptée.

 

Le président Gerardo Machado y Morales, pour satisfaire sa soif dictatoriale de s’accrocher au pouvoir, va porter un coup bas à cette Constitution lorsqu'il entraînera le pays dans un processus connu sous le nom d' « extension des pouvoirs », une manœuvre qui, avec les nombreux des crimes qui caractérisèrent son triste passage par la première magistrature de la nation, allaient agir comme déclencheur du mouvement révolutionnaire des années 1930.

 

La Constitution de 1940 est le fruit de la lutte révolutionnaire qui l'a précédée et elle a constitué un jalon important non seulement dans le domaine juridique, mais aussi dans le domaine politique.

 

Je ne pense pas que quiconque puisse douter que la Constitution de 1940 fut un bon texte, à la fois dans sa formulation normative et en se faisant l'écho des aspirations importantes de la nation à ce moment historique.

 

Cependant, il y a deux aspects à prendre en compte dans son élaboration. Bien qu'elle ait été diffusée directement à la radio pour que ses débats puissent être suivis, la norme qui fut rédigée ne fut jamais soumise à la population, qui n’eut pas l'occasion de l'étudier avant son approbation et d'exprimer ses opinions ni de formuler des propositions sur son contenu qui puissent être connues et évaluées.

 

L'autre aspect : le document n’a pas été soumis à un référendum, le peuple a également été limité dans la possibilité d'exprimer, par son vote libre, égal, direct et secret, son accord ou son désaccord avec le texte constitutionnel. Bien qu'il y ait des mérites à reconnaître à cette Loi suprême de 1940, du point de vue de la participation effective du peuple, elle laisse à désirer, raison pour laquelle elle ne doit pas être citée comme un exemple efficace d'exercice démocratique, ce à quoi s'ajoute le fait que les avancées socio-économiques qu'elle consacre ne se sont pas matérialisées dans la vie du pays, la volonté de ceux qui détenaient le pouvoir de la réaliser n'ayant jamais existé, devenant finalement, au cours de ses plus de 11 ans de vigueur, une expression de la formule appliquée aux Constitutions à l'époque de la colonisation espagnole : « Elles existent mais elles ne sont jamais appliquées ».

 

LE PEUPLE DANS L'EXERCICE DU POUVOIR

 

Cela nous amène à nous demander : est-il plus démocratique, la participation du peuple à l'exercice du pouvoir est elle plus efficace si certaines personnes sont élues pour rédiger et approuver une Constitution sans prendre en compte l’avis ? Ou, au contraire, un exercice efficace de la démocratie et une véritable autonomisation de la nation consiste à placer entre les mains de la nation un projet de Constitution approuvé par ses représentants légitimement élus pour donner leurs opinions, proposer des modifications, des intérêts, des clarifications, etc. qui tous seront soumis, sans distinction aucune, à l'étude, à l'analyse et à la considération de la Commission chargée de travailler sur le texte, et qu'une fois discuté et approuvé à nouveau à l'Assemblée nationale, le document qui en découle soit soumis à un référendum où chaque électeur se rend aux urnes pour exprimera par son vote son opinion ?

 

Le processus d'élaboration de la Constitution de 1976, comme celui en cours, présentait la particularité que, à partir du processus de consultation populaire, véritable expression de la participation directe du peuple à l'exercice du pouvoir, la nation tout entière est devenue un organe constitutif, ayant la possibilité d'étudier, de faire des propositions ou de fournir des explications sur le projet qui lui est soumis. 

 

Contrairement à d'autres pays, ce n'est pas le droit exclusif d'un groupe restreint de personnes qui sont appelées à former une Assemblée constituante et qui, malgré leur élection populaire, n'ont que cette seule possibilité de donner leur avis sur le projet. Dans cette démarche, il est important de souligner que ces personnes accèdent l'assemblée constituante en tant que représentants d'organisations et d'intérêts politiques qui au moment de la rédaction du texte prévaudront sur tout intérêt populaire.

 

Dans le respect des formes et des procédures que chaque pays établit à cet égard, nous, les Cubains, avons conçu le nôtre avec l'intention claire que le peuple joue un rôle de premier plan réel et efficace dans l’élaboration de l’ensemble des textes de lois établissant les bases de notre système politique.

 

Il me semble approprié d’évoquer certains des résultats de la discussion populaire qui a eu lieu dans le cadre de l'actuelle Constitution de 1976.

 

À cette consultation populaire ont assisté 6 216 981 personnes qui ont apporté 12 883 amendements, 2 343 ajouts, 1 022 propositions et 84 clarifications.

 

Cuba, dans l'exercice de sa souveraineté et de son indépendance, a défendu une démocratie où les décisions collectives sont prises à la majorité, avec la participation directe et indirecte de la majorité de ses citoyens.

 

Tout en gardant à l'esprit, en tant que règle fondamentale de la démocratie, que les décisions doivent être prises avec le consensus maximum de ceux qui sont concernés par les décisions ; avec le consensus maximum possible qui se dégage de la majorité qui exprime son identification avec ce qui est proposé.

 

LES PRINCIPES

 

Les deux éléments essentiels qui vont informer de manière exceptionnelle un processus constituant dans l'ordre démocratique sont, premièrement, que le peuple détenteur du pouvoir souverain a la possibilité de s'exprimer et d'être entendu sur le projet de Constitution, de manière directe en consultation ou en discussion populaire et à travers ses représentants légitimement installés ; et ensuite d'aller aux urnes et de décider par son vote libre, direct et secret de son acceptation dans un référendum convoqué à cet effet.

 

C'est sur la base de ces principes que se déroule le processus de réforme constitutionnelle que nous menons actuellement dans notre pays.

 

Il part du fait que la Constitution de la République en vigueur reconnaît dans son article 137 que l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire - l'organe suprême du pouvoir de l'État, composé de députés élus au suffrage libre, direct et secret par notre peuple, selon le principe que la souveraineté appartient au peuple, dont émane tout le pouvoir de l'État, et que ce pouvoir est exercé directement ou par l'intermédiaire des assemblées du pouvoir populaire et d'autres organes qui en découlent – est le seul organe habilité à amender la Constitution (pouvoir constituant) et que cette réforme peut être partielle ou totale.

 

Dans ce cas, compte tenu de la portée et de l'ampleur des changements qui seront apportés au texte constitutionnel et aux Orientations et accords issus des 6e et 7e congrès du Parti communiste de Cuba (PCC), qui ont fait l'objet d'un large débat avec le peuple, indépendamment d’une appartenance ou non au Parti et qu’ensuite l'Assemblée nationale a décidé d'appuyer et d'approuver, ce qui exige nécessairement leur insertion adéquate dans l’ordre juridique de la nation, la réforme constitutionnelle opérée sera de nature totale.

 

Un autre aspect à souligner, c'est la fidélité du projet qui sera élaboré au socialisme et au caractère dirigeant du PCC. Nous devons nous rappeler et garder à l'esprit le processus de plébiscite mené par le peuple cubain entre le 10 et le 17 juin 2002, avec la participation de plus de neuf millions de personnes intéressées par leur signature, pour faire amender la Constitution de la République par l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire qui, en vertu de l'accord No V-74, adopta la Loi de réforme constitutionnelle du 26 juin 2002, laquelle établit expressément le caractère irrévocable du socialisme et du système politique, social et économique qu'elle consacre, ainsi que l'interdiction de négociations sous l’agression, la menace ou la coercition d’une puissance étrangère.

 

Ceci explique l'intangibilité de ces principes dans tout futur texte constitutionnel, en réponse à la volonté expresse du peuple.

 

Le 21 juillet, l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire, le seul organe de l'État investi d’un pouvoir constituant et législatif, discutera et décidera de l'avant-projet de Constitution de la République qui sera soumis par la Commission à laquelle cette mission a été confiée ; il lui reviendra également de soumettre ce texte à une consultation populaire où tous les citoyens auront l'occasion de prendre connaissance du projet de Constitution et de faire des suggestions, de proposer des modifications ou des éclaircissements.

 

Toutes les conditions ont été créées pour pouvoir obtenir ces opinions, qui seront opportunes et dûment prises en compte par la Commission, d'où émergera le projet à examiner par l'Assemblée nationale, qui, s'il est approuvé par un vote par appel nominal de ses députés – au cours duquel chaque député est appelé à participer nominativement, à tour de rôle, de façon à marquer sa position - ; il sera ensuite procédé à soumettre la Constitution résultante à sa ratification par les citoyens ayant des droits électoraux, dans le cadre d'un référendum convoqué à cet effet.

 

En raison de notre engagement envers l'héritage historique, des sacrifices consentis pendant tant d'années de lutte pour préserver notre indépendance et notre souveraineté, de notre loyauté envers les héros et les martyrs de la patrie, de notre devoir envers les générations présentes et futures, et fidèles à la pensée de José Marti, nous garderons toujours à l'esprit, comme il nous l'a enseigné, que « le soleil a des zones d’ombre. Les reconnaissants, eux parlent de sa lumière », et dans cette bataille nous resteront unis, en carré serré, tel l'argent à la racine des Andes, et nous remplirons notre devoir civique de loyauté à cet appel à consacrer une patrie révolutionnaire socialiste avec tous et pour le bien de tous.

 

* Docteur en sciences juridiques. Professeur à l'Université de La Havane

 

Bibliographie consultée :

 

Carl Schmitt. Théorie de la Constitution.

 

Enrique Hernandez Corujo. Histoire constitutionnelle de Cuba.

 

Luis Sanchez Agesta. Le Droit constitutionnel en Angleterre, aux États-Unis, en France, en URSS et au Portugal.

 

Divers auteurs. Historiographie du pouvoir politique à Cuba.


http://fr.granma.cu/cuba/2018-07-19/les-constitutions-cubaines-dhier-a-aujourdhui

http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/07/cuba-les-constitutions-cubaines-d-hier-a-aujourd-hui.html