Nicaragua: Le Nicaragua et les intellectuels
Par Fernando Bossi
Il est évident qu'un secteur des intellectuels qu'on appelle de gauche ne comprend rien ou pas grand chose à la réalité latino-américaine et caribéenne, à ses luttes historiques, à ses tentatives pour atteindre l'unité, une condition sine qua non pour pouvoir parler d'indépendance ou de socialisme.
Depuis leurs chaises dorées, ils pensent avoir autorité pour absoudre ou condamner n'importe quel processus révolutionnaire sur la planète. Avec une ignorance qui frôle parfois la mauvaise intention, ces personnages croient jouir d'un privilège que personne ne leur a donné.
Dès que les processus révolutionnaires apparaissent, dans les moments où les masses se lèvent et de triomphe populaires, ces individus poussent de tout côté, annonçant qu'ils avaient déjà prédit ce qui va arriver. Sans rougir, ils en viennent à soutenir les Gouvernements révolutionnaires en faisant voit qu'ils ont eu une incidence sur les événements, qu'ils pourraient avoir un rôle important en conseillant et en orientant ( c'est le cas d'Heinz Dieterich, par exemple). Maintenant, quand le processus révolutionnaire commence à faire de faux pas, ce qui, d'autre part, est inévitable dans tout processus révolutionnaire, ces opportunistes commencent à prendre leurs distances.
Dans le cas actuel du Nicaragua sont apparus des intellectuels qui ont une conduite pathétique. Quand le pays frère est harcelé violemment par l'impérialisme et ses alliés naturels, quand on cherche à faire un coup d'Etat financé par les Etats-Unis,eux, bien assis dans leurs fauteuils confortables, viennent rouspéter contre la « dictature d' Ortega-Murillo. »
Une analyse de base et élémentaire : à qui profiterait aujourd'hui la chute du Gouvernement sandiniste ? Au peuple nicaraguayen ? A l'ALBA ? Au Venezuela? A Cuba? A la démocratie? Aux droits de l'homme ? Bien au contraire, nous connaissons la réponse puisque les principaux bénéficiaires aujourd'hui, seraient l'impérialisme yankee, l'oligarchie nicaraguayenne et avec elle, toutes les oligarchies de la région.
Cette équation si simple ne semble pas être importante pour ces intellectuels. Ne soupçonnent-ils jamais que leurs positions coïncident avec celles de ceux qu'ils considèrent comme les forces de la réaction ? Ou serait-ce que pour eux, l'apparence est plus importante que la profondeur, la forme que le contenu ?
D'où sortent les informations qui leur permettent d'affirmer ce qu'ils affirment ? Des médias de droite ? De leurs amis, étant donné que si ce sont leurs amis, ils ont le don de dire la vérité ? Sont-ils si naïfs qu'ils achètent l'ordure médiatique sans faire aucune objection ?
Certains de ces intellectuels qui hier soutenaient le Gouvernement Bolivarien quand il était attaqué par ceux-là même qui attaquent aujourd'hui le Nicaragua ne peuvent comprendre qu'il s'agit de la même action de déstabilisation organisée par l'impérialisme yankee. Ne peuvent-ils comprendre ou ne veulent-ils pas comprendre ?
Serait-ce que le chant des sirènes des « intellectuels sérieux » (Cardenal, Baltodano, Ramírez, Vargas, entre autres) les a troublés ? Quelle sorte de chercheurs sont-ils si leurs sources sont tellement précaires et intéressées ?
D'autre part, il faut souligner le travail fait avec une grande capacité intellectuelle et de recherche comme les camarades Stella Calloni, Stephen Sefton, Carlos Fonseca Terán, Jorge Capelán parmi tant d'autres véritables intellectuels au service du peuple et de la vérité.
Ce n'est pas la faute du porc mais de celui qui lui donne à manger
En dernière instance, ces intellectuels qui s'arrangent sont simplement des intellectuels et il ne faut pas leur donner plus d'importance qu'ils n'en ont réellement. Les intellectuels sont des gens qui, dans de nombreux cas, contribuent au progrès de l'humanité et dans un autre cas sont simplement des « penseurs professionnels » surestimés sur la marché du baratin.
Le problème se trouve dans la militance populaire, dans les organisations révolutionnaires qui souvent font de ces intellectuels des orientateurs, des penseurs infaillibles, des maîtres, des guides. Les conducteurs de peuples ne sont pas nécessairement des intellectuels dans le sens habituel du terme bien que souvent ils le soient aussi comme Fidel et Chávez, Lenin et Mao par exemple.
L'intellectuel de gauche alors doit être au service de la cause du peuple, engagé, être acteur des luttes populaires, pas un simple spectateur, donner quand il faut donner et avoir enquêté ou se taire, ce qui souvent est plus sage que de dire des idioties.
A ce sujet, Mao disait : « Si vous n'avez pas fait de recherches sur un problème, ça vous prive du droit d'ne parler. Est-ce c'est trop brutal ? No, pas le moins du monde. Car celui qui n'a pas fait de recherches sur l'état actuel du problème et sur ses antécédents et ignore son essence ne pourra dire que des idioties à ce sujet... Il y en a beaucoup qui, à peine descendus de leur char, commencent à vociférer, à donner des avis, critiquant celui-ci et censurant celui-là mais, en fait, ils échouent tous sans exception parce que leurs commentaires ou leurs critiques qui ne sont pas basés sur des recherches minutieuses, ne sont rien d'autre que du bavardage. »
Les révolutions n'ont pas besoin de ces intellectuels d'ONG. Les révolutions ont besoin d'hommes et de femmes engagés, de travailleurs manuels et intellectuels qui luttent pour surmonter les obstacles, prêts à assumer les transformations, les bonnes et les mauvaises avec un esprit critique et un esprit d'autocritique, capables de passer par des avancées et des retours en arrière mais toujours prêts à approfondir la révolution face aux attaques de l'ennemi.
Rien ne m'étonne dans les positions sur le Nicaragua d'Alberto Acosta, Pablo Solom ou Edgardo Lander, par exemple, respectivement détracteurs de Rafael Correa, Evo Morales et Nicolás Maduro mais le cas du Chilien Manuel Cabieses m'interpelle mais pas autant que celui du Portugais Boaventura de Sousa Santos. D'autres suivent le chemin qu'ils ont toujours suivi : attaquer par la « gauche » les Gouvernements populaires quand ils ont des difficultés.
Il y a déjà eu le cas de la Libye où une porte-parole de « gauche » demandait à hauts cris le renversement du colonel Khadafi, faisant le jeu de l'OTAN avec les conséquences que l'on sait. Que disent maintenant Alba Rico ou Tarek Alí à ce sujet ? Comme on dit en Argentine, ils font les idiots, ils regardent ailleurs.
Les forces révolutionnaires doivent prendre note, savoir où sont les amis et où sont ceux qui semblent l'être. Nous aussi, souvent, nous sommes responsables de donner de l'importance à ceux qui ne le méritent pas. Comme disait Jésus, savoir séparer le bon grain de l'ivraie.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
http://www.resumenlatinoamericano.org/2018/07/20/nicaragua-y-ciertos-intelectuales/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/07/nicaragua-le-nicaragua-et-les-intellectuels.html