Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Venezuela : Pourquoi les paysans marchent-ils vers Caracas?

24 Juillet 2018, 15:05pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par Neirlay Andrade

Une colonne de paysans marche vers Caracas. Ils sont partis le 12 juillet dernier d'Acarigua (Portuguesa) et se dirigent vers le Palais du Gouvernement. On a appelé cette initiative Marche Paysanne Admirable et ce qualificatif n'est pas injustifié: qu'au milieu de la cruelle offensive du capital transnational (et de ses serviteurs locaux) contre les travailleurs de a ville et des champs vénézuéliens surgisse un détachement d'hommes et de femmes prêts à mettre sur la table la discussion sur la situation des champs et du système national de production agro-alimentaire ne mérite pas un qualificatif plus faible.

 

La crise mondiale que traverse le mode de production capitaliste avec sa particularité vénézuélienne empêche les tergiversations, l'aggravation de la lutte des classes dans le pays oblige à serrer les rangs avec la cause des opprimés (ou d'essayer de maquiller la trahison en intérêts de la majorité) et la colonne de paysans l'a déjà fait : ils sont du côté du peuple et utilisent l'arme de la critique pour ouvrir des perspectives pour un processus de changement qui stagne et a une tendance ouverte au retour en arrière.

 

Cette colonne de la dignité est née au sein des mouvements regroupés dans la Plateforme Paysanne de l'état de Portuguesa face à une escalade de violations, d'injustices et de crimes enregistrés ces dernières années dans les champs vénézuéliens dans l'indifférence des autorités compétentes ou – pire encore – avec la complicité de fonctionnaires qui ont lié leur sort aux propriétaires terriens.

 

Des procédures agraires paralysées par l'Institut National des terres (INTII), des attentes infinies pour l'adjudication de terrains,des expulsions et des déplacements violents sont les raisons centrales de cette marche qui a déjà traversé 3 états du pays en ajoutant des réclamations et des histoires honteuses qui montrent clairement une fois de plus que la réconciliation des classes et la construction de la souveraineté (encore moins agro-alimentaire) ne vont pas de pair.

 

Offensive restauratrice

 

Une des pièces de ce casse-tête d'injustices est l'affaire de la coopérative paysanne El Roble Viejo de la municipalité Papelón (Portuguesa) à laquelle a été donné par adjudication 150 hectares de terre en 2013 e t5 ans plus tard, ils sont expulsés parce que l'INTII a décidé de rendre les terres à la femme du patron de l'entreprise ESIMSEP et pour comble, en oins de 36 heures, ils lui ont accordé un crédit à la construction. C'est ce qu'ont dénoncé Oswaldo Mena et Celso González, des membres du Courant Paysan Nicomedes Abreu du Parti Communiste du Venezuela qui font aujourd'hui partie de la colonne qui marche vers la capitale.

 

De semblables histoires se multiplient dans tout le pays. Au sud du lac de Maracaibo (Zulia), le destin de plus de 600 hectares du fonds La Victoria, dans la municipalité Javier Lorenzo Pulgar, est en suspens. Depuis 2014, plus d'une centaine de familles occupent la propriété et ont engagé une procédure de protection. Il y a quelques ois, tout était prêt pour que la procédure arrive à son terme heureux et sans aucune justification, l'adjudication a été paralysée. Et comme si ça ne suffisait pas, on a déchaîné une escalade de harcèlements qui se sont aggravés : au moins 32 paysans ont été accusés.

 

Sur cette affaire et sur l'offensive de rétablissement de la grande propriété au sud du lac, le PCV a beaucoup insisté : récemment, le Bureau Politique a prévenu qu'une ligne de criminalisation des petits et moyens producteurs a été mise en place alors qu'on évite d'enquêter sur l'action des entreprises d'Etat de production d'aliments.

 

Sur ce point, Eduardo Linárez, Secrétaire National du PCV pour l'Agriculture a dit que les plaintes du mouvement rural mettent sur le tapis une autre des propositions centrales du Courant de Classe Paysan Nicomedes Abreu, à savoir la gestion multiple des EPS: « Il s'agit d'unir les efforts des paysans, des travailleurs agricoles et des conseils communaux pour activer des espaces de production et mettre un point final aux accords avec les grands propriétaires terriens, » a déclaré le dirigeant après avoir décrit le scénario actuel : absence de matières premières et de semences « parce qu' Agropatrie est devenue un monstre au service des grands propriétaires terriens et des mafias. »

 

« A Caracas à pattes »

 

Sans doute, le trajet parcouru n'est pas facile. Depuis le départ d'Acarigua, le 12 juillet dernier, ceux qui qualifient cette marche de « malvenue » n'ont pas manqué. Sur la route de Cojedes, le président de l'INTI est venu pour mettre en place immédiatement des tables de travail pour aborder ces problèmes. Cela n'a pas été accepté par la colonne paysanne : elle a répondu : « Des tables, oui, mais à Caracas et avec le Président Maduro. »

 

L'attente d'être reçus par le Président a pris de la force avec les jours, même des membres du Gouvernement ont manifesté leur sympathie pour cette initiative. C'est le cas du Ministre du Pouvoir Populaire pour l'Education, Elías Jaua, qui a profité de son émission de radio hebdomadaire pour interviewer des membres du bloc paysan. Pour sa part, le Conseil Législatif de l'état de Miranda a anticipé l'arrivée de la marche avec un accord de solidarité envers les luttes des paysans.

 

Peu à peu, les tentatives pour diaboliser cette initiative ont été neutralisées. Ce qui est encore latent, ce sont les menaces de mort. L'assassinat de paysans dépasse les 300 cas. L'Etat a désigné des procureurs spéciaux et des commissions pour traiter ce sujet, la plus récente a été nommée à l'Assemblée Nationale Constituante mais la réponse des tribunaux n'a pas été ferme.

 

Un contingent de l'armée d'hommes et de femmes qui se lèvent et se couchent au soleil a commencé une croisade modeste mais héroïque (comme toutes les batailles du peuple contre ses puissants ennemis). De la solidarité du mouvement ouvrier et populaire dépendra que ce rayon de lumière perce l'obscurité ou non.

 

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2018/07/20/por-que-marchan-ls-campesinos-a-caracas/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/07/venezuela-pourquoi-les-paysans-marchent-ils-vers-caracas.html