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Brésil : Est-il possible de vaincre le camp du coup d'Etat aux élections ?

31 Août 2018, 17:44pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par Valerio Arcary

La réponse à cette question est compliquée mais inéluctable. Elle est compliquée parce que les réponses simples, oui ou non, ne sont pas satisfaisantes. Et inéluctable parce que l'essence de la lutte électorale est de savoir si le prochain Gouvernement continuera ou non le programme d'ajustements économiques et sociaux mis en place par le Gouvernement Temer qui cherche à replacer le capitalisme périphérique brésilien sur le marché mondial pour attirer des investissements qui puissent donner plus de force à la sortie de la récession.

 

Evidemment, les élections seront des élections à 2 tours et la question laisse en suspens 2 données inconnues en ce moment parce que nous sommes face à une lutte électorale. La première est que l'hypothèse la plus probable est que le second tour ne se fera pas entre candidats qui soutiennent le coup d'Etat. Une hypothèse et une conjecture. On pense que le candidat du PT bénéficiera du transfert des voix de Lula à un niveau qui lui permettra d'accéder au second tour. La seconde chose est qu'il est possible mais encore très incertain que le rejet de Temer, après des années de pouvoir, soit pire que le rejet du PT. 

 

Si nous considérons, par exemple, le non, sans restrictions, c'est une réponse partielle et politiquement sectaire parce qu'elle sous-estime l'impact monumental d'une éventuelle victoire électorale du candidat du PT sur l'état d'esprit des secteurs les plus organisés de la classe ouvrière et des masses populaires 2 ans après la destitution et la terrible expérience du Gouvernement Temer. Cela revient à dire « la révolution ou rien, » ce qui est un discours qui a l’apparence d'un ultimatum. Pire, étant donné la relation des forces actuelle défavorable dans laquelle il n'y a pas, si peu que ce soit, de disposition pour un affrontement de cette gravité, c'est un ultimatum lancé aux travailleurs et pas à l'ennemi de classe.

 

La gauche radicale a pour slogan classique « Seule la lutte change la vie. » C'est un slogan juste. Il doit être répété, inlassablement, parce qu'il est éducateur et inspirateur. Mais ce slogan ne permet pas de conclure que les élections ne changent rien parce que, simplement, ce n'est pas vrai. Les élections sont aussi un terrain sur lequel la lutte des classes se développe et l'indifférence envers leur résultat relève d'une naïveté inadmissible et a pour conséquence qu'on ne sait plus ce qu'on doit combattre en priorité. Comme si tous les candidats étaient également des ennemis. On ne peut pas lutter contre tout avec la même force, tout le temps. En politique, il faut choisir contre qui on lutte en priorité, si on veut vaincre.

 

La réponse contraire, oui, sans restrictions, est insuffisante et politiquement naïve. Elle surestime la signification des élections présidentielles et ignore le poids de la majorité réactionnaire qui, probablement, sera élue par le Congrès National. Elle ignore le poids que le Pouvoir Judiciaire a conquis avec l'Opération Lava Jato, méprise la force économique et sociale de la classe dominante et sous-estime la pression de l'Empire sur le Brésil. Elle oublie le déplacement d'une part importante de la classe moyenne vers la droite et diminue l'impact de la naissance d'un mouvement néo-fasciste. Non moins important, elle imagine qu'un éventuel futur Gouvernement dirigé par le PT serait prêt à aller jusqu'à l'annulation de l'action du coup d'Etat. Ce qui ne serait possible qu'en faisant appel à la mobilisation permanente du peuple, une condition indispensable pour des affrontements prévisibles en commençant par la grâce de Lula. Le PT est auto-limité par les propres contradictions internes de sa direction mises en évidence en 2015, quand Dilma Rousseff a nommé Joaquim Levy et son plan économique.

 

Des réponses simples sans restrictions sont des réponses par lesquelles on se trompe nous-mêmes. Une réponse plus complexe dépend de la façon dont nous entendons ce qu'a été le coup d'Etat de la destitution de Dilma Rousseff et dépend aussi de la façon dont nous définissons ce que serait sa défaite. Si nous entendons que le coup d'Etat a seulement été le renversement du Gouvernement de coalition dirigé par Dilma et si nous entendons que sa défaite équivaut seulement à l'élection du candidat du PT, alors, la réponse est oui et point final. Sauf que cette conclusion est superficielle pour diverses raisons. Et une demi-vérité. Les demi-vérités sont des réponses fausses.

 

Si nous pensons que le coup d'Etat a été plus que la destitution, si nous pensons que le vote au Congrès National a été la façon de faire un changement dans la relation de force entre les classes en passant par-dessus les structures et, en conséquence, une transformation de la relation politique des forces entre les partis, alors, la réponse est plus compliquée. La classe dominante brésilienne s'est unie pour renverser Dilma Rousseff après que quelques millions de personnes de la classe moyenne soient sorties dans la rue parce qu'elle se sont regroupée autour d'un programme : créer les conditions économiques et sociales internes, grâce à un ajustement fiscal de récession brutal pour que le Brésil puisse disputer une parcelle de la gigantesque masse de capitaux disponibles sur le marché mondial au moment où les antagonismes entre les Etats-Unis et la Chine s'intensifient.

 

Une victoire électorale du camp du coup d'Etat, c'est à dire des forces politiques qui ont soutenu le programme d'ajustement provoquerait, certainement, encore en 2019 : a) une offensive pour approuver une réforme de la sécurité sociale qui fixe l'âge de la retraite à 65 ans, b) une offensive pour de nouvelles privatisations des entreprises d'Etat, la dénationalisation de l'économie, faciliterait l'entrée et la sortie des capitaux, c) une offensive sur l'université publique et la privatisation de l'éducation, d) une offensive sur le SUS (Système Unique de Santé) et faciliterait la privatisation de la santé. Etc...

 

Sûr, qu'une défaite électorale des candidats du coup d'Etat -Jair Bolsonaro (Parti Social Libéral-PSL), Geraldo Alckmin (Parti de la Social Démocratie Brésilienne-PSDB), Marina Silva (Red de Sustentabilidad-Rede), Henrique Meirelles (Mouvement Démocratique Brésilien-PMDB), Álvaro Fernandes Dias (Podemos)- serait un dénouement extraordinaire et très positif. En vérité, ce serait spectaculaire et même surprenant.

 

Ce serait spectaculaire parce que ça aurait une certaine justice poétique. A la fin, une défaite électorale du PT aurait été très prévisible en 2018 si le Gouvernement Rousseff avait accompli son mandat jusqu'à la fin à cause de l'aggravation de la longue récession qui a débuté en 2014 et des répercussions de l'opération Lava Jato.

 

Même si on considère un dénouement qui aurait pour conséquence une amélioration de l'état d'esprit de la classe ouvrière et une confusion prévisible, au moins temporaire, dans la classe dominante, ce qui rendrait les conditions de la lutte plus favorables, cela ne permet pas de conclure qu'un futur Gouvernement du PT reviendrait directement à une annulation de l'oeuvre du coup d'Etat. Ce serait un scénario plus favorable mais seulement le début d'une nouvelle situation de lutte.

 

PSOL

 

Dans ce contexte, plus grand serait le nombre de voix obtenues par le binôme Guilherme Boulos/Sonia Guajajara (Parti Socialiste et Liberté-PSOL) au premier tour, meilleures seraient les conditions de la lutte après les élections, indépendamment du résultat du second tour. Pour 3 raisons : 1°) parce que l'accès du PT au second tour, en fonction de l'échelle de la compétition, ne dépend pas du PSOL et de ses alliés. 2°) parce que les conditions seront plus favorables pour que la gauche fasse pression sur le PT. 3°) parce que la réorganisation de la gauche sera stimulée avec plus de force et rendrait les conditions de lutte des masses populaires meilleures.

 

Traduction Ernesto Herrera

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2018/08/30/brasil-es-o-no-posible-derrotar-el-golpe-en-estas-elecciones/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/08/bresil-est-il-possible-de-vaincre-le-camp-du-coup-d-etat-aux-elections.html