Amérique Latine : Bolsonaro veut transformer le MERCOSUR en zone de libre commerce
Luvis Pareja1,
« Je vous invite à continuer à parier sur le MERCOSUR , » a dit à Montevideo le président argentin Mauricio Macri en prenant mardi la présidence tournante du bloc régional. Ce qu'il ne dit pas, c'est que le MERCOSUR doit être contrôlé puisque le président élu du Brésil, Jair Bolsonaro, cherche à le transformer en une zone de libre commerce semblable à celle qui comprend les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.
La proposition de Bolsonaro, diffusée par la presse brésilienne, comprendrait l'élimination aussi bien des droits de douane externes communs que la restriction concernant les négociations bilatérales avec des pays tiers, des mesures qui changeraient radicalement le profil du bloc.
A propos du MERCOSUR, Macri a déclaré : « Nous proposons de l'adapter aux réalités du XXI° siècle et d'avancer dans un ordre du jour externe de négociations ambitieux. » « Aujourd'hui, je veux vous réaffirmer cette vision et l'engagement de l'Argentine envers le MERCOSUR. Nous devons redoubler d'efforts dans notre ordre du jour externe, » a-t-il indiqué.
Il a invité les autres présidents du bloc régional « à laisser derrière tout débat existentiel improductif (…) Il reste encore beaucoup de travail à faire, on doit continuer à avancer sur les questions concrètes de notre intégration, franchement et sans hésitations, pour obtenir des résultats qui profitent aux gens, » a affirmé Macri.
Il a déclaré que « pendant ces années, on a avancé comme jamais auparavant avec l’Union Européenne mais ce n'est pas la seule négociation puisqu'il y a beaucoup de conversations en cours et que le potentiel de négociation avec plus de pays est énorme. » Ce qui est certain, c'est que depuis 20 ans, on négocie un Traité de Libre Commerce avec l’Union Européenne et que bien qu'il ait accepté les exigences de l'Europe, Macri a échoué dans sa dernière tentative lors du sommet du G-20 à Buenos Aires où le président français, Emmanuel Macron, lui a dit qu'il n'était pas prêt à signer l'accord.
Dans son discours au sommet, le président uruguayen Tabaré Vázquez a souligné « l'engagement envers le MERCOSUR du président sortant du Brésil, le putschiste Michel Temer. Il a soutenu qu'il veut « un MERCOSUR avec un contenu et avec un avenir, composé de pays fortement démocratiques qui respectent et apprécient la démocratie. »
Le MERCOSUR « est ce que nous, qui le composons, avons su ou avons pu construire de mieux ensemble dans un contexte dynamique et complexe, » a déclaré Vázquez et il a ajouté que le bloc est prêt à « exploiter des possibilités, dans des termes et des délais raisonnables mais pas à perdre son temps ni à signer n'importe quelle sorte d'accord. »
Temer, en partant, a déclaré qu'il a rendu au MERCOSUR sa « véritable direction. » « Ouvrons le MERCOSUR et cela doit être la tendance générale, une ouverture de plus en plus efficace. » Il a affirmé que les Gouvernements actuels du bloc partagent « une identité de buts » et une même « détermination » pour obtenir des accords internationaux.
Macri a annonce que la présidence tournante de l'Argentine pariera sur un bloc « ouvert et intégré dans le monde qui soit un lieu où les entrepreneurs et les petites et moyennes entreprises investissent et développent tout le potentiel de notre région. » Il a remarqué que « le MERCOSUR est la plateforme que nous avons choisie pour aller vers le monde, je vous invite à laisser derrière vous tout débat existentiel improductif. »
Mario Abdo Benítez, le président débutant du Paraguay a surpris en affirmant qu'il faut penser « au MERCOSUR des gens » et que pour son pays, l'intégration régionale « est un impératif » mais qu'il doit se construire « en respectant l'autonomie de chaque pays. » Il a évoqué la nécessité de stimuler des mécanismes de facilitation du commerce efficaces et de surmonter les asymétries.
Abdo a plaidé pour l'entrée immédiate dans le MERCOSUR de la Bolivie qui est en phase d'adhésion au bloc en tant que membre de plein droit.
Le président bolivien Evo Morales a commencé son discours en déclarant que l'Uruguay est pour lui « une source d'inspiration » puisque c'est « la terre du grand écrivain Eduardo Galeano. »
« en ces temps où des problèmes économiques se présentent, le MERCOSUR doit être plus uni. Malheureusement, nous sommes souvent victimes de guerres commerciales, du fait que la richesse est concentrées en quelques mains, » a affirmé Morales. Il a dit que le MERCOSUR doit être « destiné à nous intégrer, pas à nous expulser ni à nous marginaliser, » évoquant ainsi clairement la suspension du Venezuela.
Morales a suggéré que les ministres de l'Economie et les présidents des banques centrales des pays du MERCOSUR se réunissent pour étudier « les problèmes que nous pouvons avoir d'ici 5 ou 10 ans dans le domaine économique. » « souvent, nous nous sommes affrontés pour défendre nos peuples, nos modèles, mais nous sommes une grande famille, » a-t-il conclu.
A la fin de la réunion, Tabaré Vázquez a résumé les décisions adoptées à ce sommet parmi lesquelles l'accord qui permet de reconnaître des titres universitaires du MERCOSUR et la restructuration du Fonds de Convergence Structurelle.
Le scénario des Etats-Unis
Même si le sommet s'est déroulé dans un climat cordial entre des présidents dont les visions idéologiques sont parfois opposées, on a évoqué la situation politique et sociale du Venezuela ce qui, pour les analystes locaux, s'est caractérisé par le besoin du président argentin de manifester son alignement sur les diktats des Etats-Unis.
Macri a repris l’argumentation de Washington et a assuré que la région affronte « une crise humanitaire. » Il a demandé d'unir les efforts immédiatement pour sauvegarder « les droits de millions de vénézuéliens qui fuient la faim, la violence, l'absence d'opportunités et la dure répression de son propre Gouvernement. »Il a oublié de mentionner le fait qu'il garde en prison depuis 3 ans Milagro Sala, une dirigeante sociale membre du Parlement du MERCOSUR en violant les règles internationales.
Le président argentin a soutenu que le Gouvernement de Nicolás Maduro « a mené à bien des élections frauduleuses en détruisant la démocratie sous des drapeaux populistes qui ont fait tant de mal à notre région. »
A son tour, le président bolivien Evo Morales a affirmé que “la crise humanitaire” actuelle est provoquée par « le luxe » et « le consumérisme. »
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
NOTE:
1Journaliste uruguayen, analyste associé au Centre Latino-américain d'Analyse Stratégique (CLAE)
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