Venezuela: Un statut de transition pour l’intervention
par Ana Cristina Bracho
Le 4 février, 12 jours après l'auto-investiture de Juan Guaidó, l'Assemblée Nationale a tenu une session ordinaire pour discuter et approuver un instrument intitulé « Statut qui régit la transition vers la Démocratie pour Rétablir la Validité de la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela. »
Il s'agit d'un document de 18 pages et 39 articles précédés d'une exposition des Motifs avec 5 « considérant que... » qualifiés par l'opinion publique de nouveau « Décret Carmona. »
Le contenu
Dans son article 2, « la transition » est définie comme « l’itinéraire de démocratisation et de ré-institutionnalisation. » Cet article stipule qu'un processus est engagé et qu'il faudra 3 phases avant d'appeler à de soi-disant élections libres. Le langage employé ne correspond pas à celui de la Constitution de 1999 : il utilise des catégories présentes dans la Constitution de 1961 et gomme la caractère bolivarien de la Force armée et la participation active de la démocratie qu'ils comprennent comme un espace pour les partis politiques.
Dans ce cadre, le « statut » est destiné à revenir sur les décisions prises en toute souveraineté ces dernières années et insiste en particulier sur le fait de « réinsérer pleinement l'Etat vénézuélien » dans le régime de l'OEA et de ses organismes de Droits de l'Homme.
Ensuite, il donne les caractéristique de la situation actuelle du Venezuela. Dans le domaine social, c'est une « urgence humanitaire complexe » et dans le domaine politique, une situation de fait découlant d'une « usurpation du Pouvoir Exécutif National » sur laquelle ils estiment pouvoir appuyer la nullité des actes de tous les Pouvoirs Publics, y compris du Pouvoir Electoral, du Pouvoir Citoyen et du Pouvoir Judiciaire.
Etant donné leur vision de la situation du pays, ils signalent dans l’article 11 que tous les citoyens doivent suivre le régime qu'ils ont choisi et que l tous les fonctionnaires seront considérés comme responsables d'avoir « contribué à l'usurpation » s'ils reconnaissent le reste du Pouvoir Public et exécutent leurs ordres. A ce sujet, nous n'avons pas de détails sur le projet d'amnistie.
Dans le chapitre III du Statut, toutes les compétences du Pouvoir Public National sont attribuées à l'Assemblée Nationale sans dire en quels termes celui-ci devra être exercé et en rompant avec la séparation des pouvoirs prévue dans la Constitution depuis 1811.
Ainsi, ils dessinent un Pouvoir Législatif qui accumule les compétences du Président de la République et du Pouvoir Législatif, qui représente à l'étranger la République et qui a tout pouvoir sur le patrimoine de la République sans qu'il existe d'organe qui le contrôle qu'ils reconnaissent hors de cette enceinte.
Cela implique l'annulation pure et simple du Pouvoir Citoyen et du Pouvoir Judiciaire qui, en principe, ne font pas partie de ce présupposé qui provoque la déclaration d’une « transition » et qui avait même été déjà remplacé par l'Assemblée Nationale en 2017. s
Selon le Statut, les décisions concernant le pétrole vénézuélien se prennent à Washington en même temps que l'exigence permanente de l'aide internationale – à la lumière des dernières déclarations de Guaidó et il semble prévenir que l’intervention étrangère est souhaitée par ceux qui ont conçu ce document. Les délais concernant cette situation sont complètement flous.
Ce n'est pas une loi
Quand on parle de documents de l'Assemblée Nationale, on parle d'une loi de la République. Pour une raison simple : pour qu'un document, au Venezuela, devienne une loi, il faut qu'il ait suivi la procédure législative prévue dans l'article 202 de la Constitution, c'est à dire qu'il ait été soumis à 2 discussions avant d'être approuvé pour ensuite être promulgué et publié par le Pouvoir Exécutif.
En plus, jusqu'à ce que cesse la non reconnaissance du Tribunal Suprême de Justice par l'Assemblée Nationale, toutes ses décisions, ses actes de contrôle politique ou les lois qu'elle approuve sont nuls et non avenus.
Qu'est-ce que c'est ?
Selon le statut, c'est « un acte exécutoire directement et immédiatement conformément à l'article 333. » L'Assemblée Nationale ne dispose d'aucun mécanisme pour décider d'un régime juridique mais le fait qu'elle ne respecte pas la Constitution ne lui fait pas perdre sa validité et sa possibilité d'appeler toutes les autorités à éviter, arrêter ou corriger une violation de la Constitution.
Pour ces raisons, il est difficile de qualifier juridiquement la nature d'un instrument qui n'est pas prévu dans notre Constitution et qui constitue la séparation d'un secteur de l'Assemblée Nationale envers la logique de l'Etat vénézuélien qui détermine que les 5 pouvoirs sont égaux, que les conflits politiques se résolvent dans le cadre de la Constitution et que le Venezuela est constitué en République indépendante.
C'est une violation de la Constitution
Une Assemblée Nationale peut-elle ne pas reconnaître la Constitution qui détermine son existence et son fonctionnement ? Sans doute non parce que la Constitution est la norme suprême et constitutive de tout le Pouvoir Public National.
Une Constitution peut être interprétée et c'est ce que fait la Cour Constitutionnelle et ses sentences doivent être appliquées par tous les pouvoirs et enfin, respectées par tous les citoyens. Mais aucun des pouvoirs ne peut gommer le contenu de la Constitution, reformuler les fonctions et les branches du Pouvoir ou changer le caractère de la démocratie ou les droits en vigueur.
Ce document est produit en s'attribuant des pouvoirs qui ne reviennent qu'à l'Assemblée Nationale Constituante et ce ne sont que les décisions de cette instance qui doivent être respectées par tout le Pouvoir Public National sans qu'il puisse s'y opposer, selon ce que stipule l'article 349. De cette façon, le fait qu'au moins depuis 2016, l'opposition refuse d'entrer dans le jeu politique conformément à notre législation est confirmé.
C'est un mensonge
Selon l'Exposition des Motifs, « pendant 20 ans de Révolution Bolivarienne, on a imposé un système politique éloigné des principes de la Constitution. » Quelque chose de totalement faux : d'abord est venue la Constitution et ensuite, sur demande du président Chávez, c'est l'Assemblée Nationale qui a mis la Constitution en vigueur. Ensuite, ils disent que leurs actes sont réalisés dans le cadre d'une « situation de libération » parce que le président Nicolás Maduro Moros « n'a pas été élu, n'a pas été investi et s'est saisi du Pouvoir Exécutif de fait pour renforcer l'usurpation. »
De même, selon ce texte, au Venezuela, il n'y a pas eu d'élections ou celles-ci sont entachées de nullité pour avoir été organisées par l'Assemblée Nationale Constituante. Autre mensonge : conformément à l'article 349, ce qu'ordonne l'ANC doit être mis en place par tous les pouvoirs.
De plus, les choses ne se sont pas passées ainsi. Voyons rapidement le chemin qui nous a amenés au 10 janvier :
Tout d'abord, a été émis le « Décret Constituant sur l’organisation des Elections pour la Présidence de la République Bolivarienne du Venezuela, » publié au Journal Officiel Extraordinaire N°6361 du 23 janvier 2018, dans lequel l'Assemblée Nationale Constituante, dans l'exercice de son pouvoir suprême et en préservant les intérêts de la République, a convoqué « pour le premier quadrimestre de 2018, les élections pour choisir le Président de la République Bolivarienne du Venezuela. »
Un ordre qui fut ensuite modifié le 1° mars 2018 par le « Décret Constituant sur l’organisation des Elections en République Bolivarienne du Venezuela, » publié au Journal Officiel Ordinaire N°41351 de la même date qui modifie la date des élections et les propose pour mai de cette année-là. Le conseil National Electoral a obéi ensuite et les a convoquées comme cela s'est fait pour toutes les élections depuis août 2017.
en plus, on peut vérifier sur le site officiel du Conseil National Electoral qu'en République Bolivarienne du Venezuela, les élections présidentielles ont eu lieu le 20 mai 2018 pour que le peuple décide, grâce à son vote et conformément à ce que stipule l'article 228 de la Constitution, qui sera Président de la République pour la période constitutionnelle 2019-2025.
Pour ces élections, 20 526 978 Vénézuéliens avaient le droit de vote légalement : 8 209 777 ont effectivement voté et le vainqueur a été le candidat Nicolás Maduro Moros avec 6 248 864 voix valides. Qui, selon ce « statut, » n'existent pas ou dont les voix doivent être écartées à cause de l'abstention de gens dont ils pensent qu'ils n'ont pas voté pour que Nicolás Maduro Moros ne soit pas président.
Cette affirmation insensée fait abstraction du fait qu'au Venezuela, les élections se gagnent avec les voix et qu'aucun analyste politique ne peut soutenir que d'abstention signifie uniquement que ceux qui n'ont pas voté sont favorable à une certaine option. Car il y a des gens qui ne votent jamais, d'autres qui n'étaient pas dans le pays et d'autres qui simplement, ne voulaient pas le faire.
Enfin, le statut et d'autres instruments ont été adoptés lors de sessions dont on peut se demander s'il y avait le quorum réglementaire et parce qu'ils ne respectent pas l'article 202, ce ne sont pas des lois de la République.
Ce Statut et ces instruments sont plus dangereux que le Décret Carmona qui était destiné à mettre en ordre une situation de fait car ils doivent être lus à l'étranger pour demander et justifier une intervention.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
http://misionverdad.com/columnistas%20/estatuto-de-la-transicion
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2019/02/venezuela-un-statut-de-transition-pour-l-intervention.html