Venezuela : Caracas, ville tranchée des milices bolivariennes
par Marco Teruggi,
Caracas prend la forme d'une tranchée. En 10 jours, 1700 hommes et femmes ont reçu des instructions pour la défense. L'objectif est d'arriver à 100 000 au mois d'octobre avec des centres de formation dans les 22 paroisses pour englober les 17 axes territoriaux de la capitale : que la ville soit un barrage pour les actions putschistes.
Le premier site de formation est situé au sud de la vile, à Macarao. Là, la droite a brûlé le siège de l’organisation communale le 30 avril dernier pendant que les caméras montraient Juan Guaidó, Leopoldo López et la poignée de militaires dans la tentative ratée. A cette journée d'entraînement participent des dirigeants de mouvements sociaux, d’organisations de base du chavisme, des gens de tous les âges qui tiennent un fusil ou apprennent les techniques de reconnaissance du territoire pour la première fois. Personne ne les a obligés à venir : ce sont des gens simples, des quartiers populaires organisés, dont les efforts quotidiens se sont transformés en bataille pour le gaz, les prix ou le transport.
L'entraînement comprend plusieurs parties comme apprendre à faire des cartes du quartier, se déplacer avec des armes, apprendre les techniques de santé, d'évacuation, de défense personnelle, des exercices physiques. Les instructeurs sont des membres de la Milice Bolivarienne, le corps formé de plus de 2 500 000 hommes et femmes, colonne vertébrale de ce qu'on appelle la doctrine de défense intégrale de la nation. A la tête de la direction politique du plan de formation se trouve la direction du Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV).
« Caracas est une ville de paix, une ville de vie et nous allons la défendre avec l'organisation de notre peuple, l'union civique et militaire et avec la préparation et l'intelligence que nous développons dans cet effort de formation complète, » explique la maire de la municipalité Libertador de Caracas, Erika Farías, membre de la direction du PSUV et du Front Francisco de Miranda.
Le travail de formation est fait par plusieurs acteurs : le PSUV, les partis alliés, les mouvements sociaux, communaux, les membres de l'Assemblée Nationale Constituante. Il y a 3 objectifs : organiser la défense en concevant et en exécutant un plan unifié entre les différents acteurs de façon à former un noyau dans chaque territoire, les exercices en tant que tels et l'effort de production pour que chacune des 22 paroisses ait un centre d'entraînement et de production d'aliments.
« Nous, tous les Vénézuéliens, avons une co-responsabilité dans la défense de la Patrie, c'est écrit dans l'article 326 de la Constitution. Ce n'est pas seulement une question d'armement, nous allons créer une chaîne logistique très importante. Pour chaque combattant qui se forme ici, il doit y avoir 8 ou 9 personnes derrière. L'instruction doit continuer, dans chaque territoire, il doit y avoir toutes les composantes pour la défense totale, » explique le colonel Boris Iván Berroterán de Jesús, commandant de la zone de défense intégrale 414 Caricuao.
L'entraînement mis en place est destiné à apporter une réponse aux principales hypothèses de conflit. La première est déjà connue, il s'agit des actions que la droite a réalisées en 2013, 2014, 2017 et au début de cette année : des attaques de locaux du PSUV, de communes, de centres de santé, de centres pour enfants, de dirigeants chavistes, des actions de provocation nocturnes et des tentatives pour créer le chaos dans les zones populaires. La droite a réalisé un travail d'infiltration et a engagé des groupes armés depuis plusieurs années pour disputer la quotidienneté des territoires populaires et pouvoir les déployer au moment de l'attaque.
La seconde hypothèse est un scénario qui a été dénoncé par le Gouvernement : la possibilité que la droite fasse appel à la stratégie des forces mercenaires composées par divers acteurs comme des paramilitaires, des bandes criminelles, des entrepreneurs privés. Dans ce cadre-là, le territoire de Caracas, ses coteaux surpeuplés en forme de labyrinthes avec des escaliers et des platebandes pourraient être des lieux d'affrontement illégal. La population organisée doit être prête à reconnaître des mouvements, savoir comment agir.
Le plan de formation à Caracas avance simultanément avec l'engagement central de résolution du confit envisagé par le chavisme depuis le mois de janvier : le dialogue pour parvenir à un accord. Ces tentatives ont été faites tout d'abord secrètement pendant des mois et, depuis 2 semaines, se font publiquement avec les rapprochements dans la capitale de la Norvège, Oslo.
Le chavisme s'est montré uni autour de la recherche du dialogue et a affirmé qu'il insisterait pour arriver à un accord. L'opposition, par contre, s'est montrée divisée à ce sujet : alors qu'un secteur fait partie de la table de dialogue comme les représentants de Guaidó – envoyés par les Etats-Unis – et du parti Un Nouveau Temps, un autre secteur a insisté sur la fait qu'il n'y a rien à discuter ni à négocier. Le second secteur continue à dire qu'on en sortira du chavisme que grâce à une action de force internationale. Ils travaillent publiquement en vue de cet objectif, par exemple, pour le retour fictif du Venezuela grâce à l'Assemblée Nationale dans le Traité Inter-américain d'Assistance Réciproque.
Le Gouvernement nord-américain, pour sa part, soutien toujours publiquement que toute solution passe par le départ de Nicolás Maduro, et a redonné, par l'intermédiaire de son vice-président Mike Pence, son soutien à Guaidó. La question qui se pose depuis l'auto-proclamation de Guaidó, est : jusqu'où les Etats-Unis sont-ils prêts à aller ?
Pendant qu'on débat publiquement de ça, que se prépare-t-il à huis clos ? La droite, dans le plan et avec le financement nord-américain, a déjà réalisé des actions violentes dans les jours proches de l'auto-proclamation de Guaidó : elle a tenté une entrée par la force depuis la Colombie le 23 février, attaqué le système électrique, tenté l'action civique et militaire du matin du 30 avril. Que se passera-t-il s'ils en sont pas prêts à accepter à Oslo un processus qui n'implique pas le départ de Maduro? Le chavisme travaille sur tous les scénarios possibles. Caracas est l’épicentre du pouvoir que les putschistes cherchent à attaquer et se prépare, en conséquence, dans une tranchée.
(Extrait de PáginaI12)
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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