Venezuela : Le Venezuela prépare une déclaration sur l'attribution du nom de domaine .amazon à l'entreprise transnationale Amazon
Suite à la décision de la Corporation d'Internet pour l'Attribution des Noms et des Numéros (ICANN) d'attribuer le nom de domaine de premier niveau .amazon à la transnationale du même nom, les pays de l’Organisation du Traité de Coopération de l’Amazone (OTCA) engageront une procédure pour faire connaître leur mécontentement concernant la décision de cet organisme dont ils pensent qu'il privilégie les grandes transnationales au lieu des peuples et de leur patrimoine.
L'ICANN est une organisation à but non lucratif créée en 1998 qui administre les tâches techniques de grande importance sur internet et prend les décisions concernant les noms de domaine dont dépendent les sites (par exemple albaciudad.org, www.pdvsa.com ou actualidad.rt.com). Jusqu'en 2016, l'ICANN était régie par les lois de l'état de Californie et du Département du Commerce des États-Unis, une chose très controversée car une entité qui dépendait du Gouvernement étasunien prenait des décisions qui touchaient tout internet, un réseau de portée mondiale. Mais depuis octobre de cette année, l'ICANN fonctionne sur un « modèle de gouvernance des multiples parties intéressées. »
Au début, sur internet, les noms de domaine de premier niveau étaient peu nombreux : .com, .org, .net ou les noms de domaine de chaque pays : .es, .ve, .ru ou .pe mais il y a quelques années, l'ICANN a accordé de nouveaux noms de domaine de premier niveau comme .sport, .travel ou .music, qui sont plus commerciaux.
Le nom de domaine de premier niveau .amazon est une possibilité que l'ICANN envisage depuis 2012. S'il est accordé, il permettra que des sites soient enregistrés avec des adresses comme protect.the.amazon, save.amazon, venezuela.amazon, mais aussi que ce nom de domaine soit associé aux magasins Amazon, comme sports.amazon, books.amazon ou buy.in.amazon. D'où l'intérêt aussi bien de l'entreprise Amazon que des pays membres de l'OTCA dans lesquels il sera utilisé.
L'OTCA est un bloc socio-environnemental de pays qui se consacrent à l'Amazonie, constitué par la Bolivie, le Brésil, la Colombie, l'Equateur, le Guyana, le Pérou, le Suriname et le Venezuela.
La position du Venezuela
Jesús Rivera, représentant du Venezuela devant le Comité de Conseil Gouvernemental de l'ICANN a affirmé que lors de la dernière vidéo conférence organisée par l'OTCA, on a décidé qu'après la sentence en faveur d'Amazon, ses pays membres commenceraient à prendre des positions individuelles et conjointes et, éventuellement, pourraient engager une action judiciaire.
« A moyen ou à long terme, une plainte devant la justice mais attaquer Amazon n'est pas une chose facile (…) Il y a une autre possibilité, c'est de former un panel de contrôle indépendant et de déposer une plainte avec des arguments suffisants. L'ICANN commence les démarches pour déléguer à Amazon l'utilisation de ce nom de domaine de premier niveau. Les pays sont sur la position de ne pas s'opposer à Amazon mais de donner leur opinion ou de faire connaitre leur position sur les démarches de l'ICANN qui ne sont pas les plus adéquates parce qu'elles sont en faveur des grandes corporations capitalistes et ne prennent pas en considération le patrimoine de droit souverain des pays, des peuples, dans ce cas de la corne de l'Amazonie, » a-t-il déclaré.
Le Venezuela, à travers la Chancellerie de la République, travaille à l'élaboration, après étude d'experts en la matière, d'une déclaration sur l’utilisation du nom de domaine .amazon dans le cadre d'une plainte devant la justice que 8 pays de l'Amazonie ont déposée en 2012.
Rivera, qui est également chef de la division de Suivi International de Conatel, a précisé que ce document sera présenté lors de chaque forum d'internet et d'activités en relation avec internet dans le monde comme l'ICANN65 qui aura lieu cette année au Maroc.
Depuis 2012, les pays latino-américains membres de l'OTCA discutent à propos de ce nom de domaine .amazon avec l'ICANN sans arriver à un accord qui respecte la souveraineté de la corne de l'Amazonie.
Dans le cas du Venezuela, Rivera a déclaré qu'après de nombreuses conversations entre les parties intéressées (l'OTCA, l'ICANN et Amazon), la situation est arrivée à son point actuel étant donné que les pays membres de l'OTCA ne veulent aucune sorte de marché ou de rémunération pour l'utilisation de ce nom de domaine mais l'arrêt pur et simple de son utilisation.
Il a indiqué que 7 ans ont passé depuis que les conversations avec l'ICANN ont commencé pour obtenir qu'Amazon renonce à utiliser ce nom de domaine qui, en anglais, signifie Amazonie, un territoire qui concerne 8 pays du continent sud-américain.
Mais après presque 10 ans, la résolution de l'ICANN n'a pas favorisé le patrimoine géographique du sud du continent et reste sur une position favorable à l'entreprise Amazon.
Les voix d'internet
Andrés Azpurua, membre de la direction de l'ISOC (Internet Society) au Venezuela, a déclaré que cette décision est injuste pour ces pays et, avec son organisation, défend la position disant que le nom de domaine en question « ne devrait être (exclusivement) à l'usage de l'entreprise (…) et devrait être attribué de préférence aux pays de l'Amazonie en tant que nom de domaine géographique. »
Il dit qu'il pourrait être utilisé pour créer des sites consacrés au tourisme ou à la culture, par exemple, ou destinés à ce que des personnes appartenant à ce secteur en profitent et puissent promouvoir une activité sur ce territoire.
Bien que les lois des pays en ce qui concerne les noms de domaine varient, Azpurua insiste sur le fait qu'une solution viable pourrait être de partager « les responsabilités concernant la région. »
La bataille continue
D'autre part, les Présidents de Bolivie, du Pérou, de Colombie et d'Equateur ont exprimé dans un communiqué publié le 26 mai, leur « profonde inquiétude » face à la mesure prise par l'ICANN qui ne permet pas un accord mutuellement acceptable.
« Par cette décision, l'ICANN non seulement créerait un grave précédent en donnant la priorité aux intérêts commerciaux privés sur les considérations de politique publique des Etats comme le droit des peuples indigènes et la préservation de l'Amazonie en faveur de l'humanité et contre le réchauffement de la planète mais ne respecterait pas la Déclaration de Montevideo de 2013, émise lors de la Quatrième Conférence Ministérielle sur la Société de l'Information, par laquelle les ministres d'Amérique Latine et des Caraïbes ont rejeté toute tentative d'appropriation sans le consentement des pays de la région du nom Amazonie en n'importe quelle langue et de tout autre nom de domaine de premier niveau se référant à des noms géographiques, historiques, culturels ou naturels qui doivent être préservés comme faisant partie du patrimoine et de l'identité culturelle.
C'est pourquoi nous exprimons notre décision d'unir nos efforts pour protéger les intérêts de nos pays en relation avec des noms géographiques et culturels et le droit à l'identité culturelle des peuples indigènes qui pourraient être affectés par les nouvelles technologies comme les noms de domaine de premier niveau d'internet où la gouvernance d'internet n'aurait pas développé ou mis en place correctement des espaces de défense des intérêts publics face aux intérêts privés comme le nouveau domaine d'action de la Communauté Andine. »
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
https://albaciudad.org/2019/06/dominio-amazon-venezuela/
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