Venezuela : Pompeo provoque une crise dans l'opposition
Les réactions des dirigeants anti-chavistes aux déclarations du chef de la diplomatie étasuniennes, Mike Pompeo, révélées par le Washington Post il y a quelques jours sont diverses et variées.
Ce qui pourrait sembler une faute de communication pourrait être, en réalité, une prise de distance par rapport au groupe de ploutocrates qui commande à la Maison Blanche pour, comme cela a été le cas à d'autres occasions, prendre un virage dans son ordre du jour et écarter les agents actuels en déclin.
Le démantèlement des plateformes anti-chavistes au Venezuela par les Gouvernements étasuniens a eu des moments différents. C'est déjà arrivé avec la Coordination Démocratique au début de ce siècle et plus récemment avec la Table de l'Unité Démocratique (MUD).
Les tensions intestines des diverses tendances de l'anti-chavisme ont fait ressortir ce qui, en plus de confirmer les paroles de Pompeo, donne une opportunité à chacun d'attaquer ou de défendre le groupe d'agents de service : volonté Populaire.
Défaite déclarée ?
Le représentant spécial du Gouvernement Trump pour le Venezuela, Elliott Abrams, a recommandé aux chavistes de revenir au Parlement et de se mettre d'accord avec l'opposition pour une transition qui déboucherait sur des élections, une déclaration qui indique un changement de langage et le renoncement à une issue abrupte de la crise politique.
Celui qui est favorable à « toutes les options » semblerait écarté étant donné que les menaces sont faites sur un autre ton, en tant qu'elles sont destinées à intensifier les sanctions, provoquer le mécontentement et ouvrir un scénario électoral pour obtenir un résultat semblable à celui des législatives de 2015.
Ainsi, Abrams admet que le coup d'Etat destiné à renverser le Gouvernement vénézuélien a échoué, qu'ils ne peuvent voir un avenir immédiat sans que le chavisme fasse partie de la culture politique du pays et que l'Etat profond qui tient réellement les rênes des Etats-Unis voit l’intervention militaire comme un trop grand risque.
Prendre le pouvoir par l'attaque au milieu de l'agitation sociale tend à disparaître alors que l'anti-chavisme reconnaît déjà que les dialogues à Oslo, Norvège, sont contraignants dans leur action. Pour essayer d'occulter leurs fractures, le politologue anti-chaviste Luis Salamanca a déclaré que le Gouvernement étasunien opte pour présenter contre le Gouvernement constitutionnel du Venezuela une stratégie sur plusieurs fronts avec toutes les options sur la table comme celle du « président par interim » qui n'a pas écarté la voie du dialogue en Norvège.
« La stratégie de Guaidó va la main dans la main avec celle des Etats-Unis, je n'y vois pas de contradiction. Il faut lutter sur tous les fronts et c'est ce que fait Guaidó sur le front électoral, le front international, le front de la négociation et le front militaire, » ajoute-t-il sans nommer le front économique.
Options divergentes comme l'anti-chavisme
L'un des personnages qui a donné son opinion a été l'ex-candidat à la présidence Henri Falcón, qui a été d'accord, jeudi dernier avec les déclarations de Pompeo concernant la classe politique anti-chaviste vénézuélienne : « Pompeo a dit la vérité. Il a confirmé ce que nous avons critiqué dans l'opposition, » a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.
Le dirigeant du parti Avancée Progressiste a ajouté : « Nous lançons un appel à réfléchir sur l'exhortation de Pompeo et à la voir comme une critique constructive pour favoriser à partir de là, une profonde révision de la stratégie actuelle de l'opposition qui a échoué à chasser ce mauvais Gouvernement. »
Pour sa part, Andrés Velásquez, un autre ex-candidat à la présidence issu de la gauche et dirigeant politique de la Cause R, a soutenu les déclarations du secrétaire d'Etat des Etats-Unis en déclarant : « Ce qu'affirme Pompeo n'est pas une nouveauté. Je pense que c'est insuffisant. En plus de l'opposition, il faut compter aussi ceux qui aspirent au PSUV, à l'ex-chavisme, ceux du parti militaire, ceux qui veulent cohabiter, les évangélistes et les proches. »
Opposés à ces déclaration, Salamanca et les députés Williams Dávila, d’Action Démocratique, et Luis Lippa, de Primero Justicia,ont déclaré que malgré les divergences internes, la direction de l'anti-chavisme a soutenu Guaidó et qu'il existe une convergence entre les partis politiques sur un objectif commun : le départ (forcé) du président Maduro du pouvoir.
A ce sujet, Salamanca a déclaré que la MUD était morte bien que personne n'ait officialisé sa mort et il a dit que, par ses déclarations, Pompeo « n'essaie pas d'affaiblir l'opposition vénézuélienne mais de lui envoyer un message pour qu'elle s'entende par-delà les différences. » Il a ajouté que Guaidó a obtenu « la convergence autour de la stratégie qu'il a mise en place pour faire cesser l'usurpation et aller vers des élections démocratiques. »
De plus, il a déclaré que « la seule force qu'a l'opposition unie, c'est la force électorale, elle n'a pas la force militaire, elle n'a pas la capacité de mettre KO. Maduro a fermé la voie électorale démocratique parce qu'il sait qu'il perdrait et c'est la seule force de l'opposition » sans évoquer l'appel aux élections législatives que Maduro vient de faire.
Lippa, pour sa part, a déclaré qu'ils en reviendront pas à l'anti-politique qui a fait dans le passé que « le régime chaviste » s’assoie au pouvoir alors que Dávila indiquait que « ce qui est important, c'est de renforcer l'unité, que les partis se renforcent et de renforcer Guaidó, qui est le leader que nous avons».
Guaidó limite les dégâts : « c'est la démocratie »
Pour sa part, en réponse à Pompeo, Guaidó en personne a affirmé jeudi que l'anti-chavisme est uni « dans le désir » d'obtenir le départ de Nicolás Maduro du pouvoir : « Nous sommes unis dans le désir et dans le besoin de nous défaire de Maduro, » a-t-il dit dans une interview accordée à Bloomberg. « Si 40 personnes veulent entrer en compétition pour la présidence, elles sont les bienvenues. C'est la démocratie, » a-t-il ajouté.
En outre, il a insisté sur le maintien des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis, considérant que toute levée de ces sanctions en ferait que « normaliser » la crise. Ces mesures ont constitué une sorte d'extorsion envers la population vénézuélienne et bien qu'elles soient supposées n'affecter que les hauts fonctionnaires du chavisme, elles ont eu un impact négatif sur l'économie en général et la vie des gens.
Tout à coup, le discours électoral est revenu au discours anti-chaviste en même temps que disparaissait la distance et le refus des conversations à Oslo. Il semblerait que le mot de passe venant du siège de l'Etat profond transnational qui gouverne aux Etats-Unis, c'est à dire l'American Enterprise Institute (AEI) ait changé.
De là sont issus des personnages du Gouvernement Trump comme le conseiller à la sécurité nationale qui est l'un des principaux acteurs de la politique agressive contre le Venezuela, John Bolton, le criminel de guerre Elliott Abrams qui régulièrement participé aux sommets de l'AEI et a été invité dans ses panels et dans ses podcasts, le vice-président Mike Pence et le secrétaire d'Etat Mike Pompeo qui ont été invités à une réunion « secrète » de l'AEI début mars.
Il semblerait que l'anti-chavisme se dirige vers l'option électorale avec comme fer de lance le hurlement de l'économie vénézuélienne, le plan Guaidó fait naufrage et Pompeo fait tourner l'ordre du jour pour réduire le nombre d'employés directs de la Maison Blanche.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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