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Venezuela : Renouveler le dossier : un nouveau rapport traite le Venezuela comme une entreprise criminelle 

5 Juin 2019, 16:42pm

Publié par Bolivar Infos

 

Le Centre d'Etudes Internationales et Stratégiques (CSIS) a présenté le 26 mai à Washington D.C. un rapport intitulé « La dernière défense de Maduro: la survie du Venezuela grâce à l'entreprise criminelle conjointe bolivarienne » écrit par Douglas Farah et Caitlyn Yates, membres d'IBI Consultants, LLC et sont « collègues invités » de la National Defense University (INSS).

 

La présentation du document a été suivie d'une discussion avec un panel composé de Farah en personne, José Cárdenas (ancien secrétaire assistant pour l'Amérique Latine et les Caraïbes de l'USAID et directeur du think-tank Vision Americas) entre autres et modéré par le Vénézuélien Moisés Rendón (Directeur Associé de CSIS Americas), bien connu pour le rôle d'activiste qu'il a joué dans l'attaque de l'ambassade du Venezuela à Washington.

 

Le CSIS, de tendance néoconservatrice marquée, a organisé un débat et une table ronde qui ont évalué la possibilité d'une invasion du Venezuela. 

 

Il existe des indices évidents qui permettent de considérer l’élaboration de ce rapport et sa présentation comme une nouvelle opération d'information, une action de renseignement à buts multiples.

 

Le rapport

 

Selon IBI Consultants, Farah est « conseiller et analyste en sécurité nationale. En 2004 , il a travaillé pendant 9 mois avec le Consortium pour l'Etude du Renseignement, a étudié les groupes armés et la réforme du renseignement. Pendant les 20 années précédentes, il a été correspondant étranger et journaliste d'investigation pour le Washington Post et d'autres journaux, a couvert l'Amérique Latine et l'Afrique Occidentale».

 

C'est aussi un « spécialiste » consulté pour trouver des schémas concernant le lien entre l'Hezbolá et l'Amérique Latine ou les raisons qui font que la Bolivie est soi-disant un « narco-Etat. »

 

IBI Consultants est ce qu'on appelle une entreprise de renseignement privée qui est engagée directement ou indirectement par des Gouvernements ou des corporations liées à des conflits armés ou politiques de moyenne ou de forte intensité.

 

Bien que cette soi-disant enquête affirme dans sa déclaration initiale qu'elle « ne représente pas nécessairement la position de l'Université Nationale de la Défense, du Département de la Défense ou de tout autre organisme du Gouvernement étasunien, » il est logique de penser que le Gouvernement Trump tire parti de cette firme pour justifier l'étape suivante du cycle de sanctions de 2019: designer la Gouvernement de Nicolás Maduro comme une « organisation criminelle transnationale » ou inclure le pays sur la liste des Etats qui soutiennent le terrorisme. Deux tours de vis.

 

Farah et Yates affirment que « l'alliance des Etats bolivariens et des FARC a fusionné dans ce que nous qualifions d'Entreprise Criminelle conjointe Bolivarienne. » 

 

Dans cette entreprise, ils incluent divers acteurs liés à l'affrontement avec les Etats-Unis, en particulier les guérillas (inspirées par la doctrine cubaine de la guerre asymétrique) : le Front Farabundo Martí et le Front Sandiniste qui sont ensuite arrivés au pouvoir au Salvador et au Nicaragua, l'ex-guérilla des FARC (accusée de trafic de drogues depuis les années 1980 par les autorités étasuniennes et colombiennes) et le Venezuela sous les Gouvernements d'Hugo Chávez et de Nicolás Maduro. 

 

Le rapport catalogue comme « faits criminels » des actes qui n'ont pas été prouvées et qui, dans la première phase du texte, ne correspondent à aucune qualification concrète. Ils prennent pour base, par exemple, une accusation de détournement d'argent de PDVSA faite par le Procureur du district Sud de la Floride pour essayer de faire croire que cette imputation correspondrait à un réseau en relation avec des actes terroristes et d'autres délits qui mettent en danger la sécurité de l'hémisphère occidental. Une manœuvre de propagande constituée par des demi-vérités, des liens trompeurs et de la désinformation sur la portée de l'enquête du Bureau du Procureur du district Sud de la Floride.

 

Ailleurs, il dit que « la somme concernée par ces faits criminels n'est pas connue avec exactitude mais une enquête récente réalisée par un consortium de journalistes latino-américains a révélé que le Venezuela a détourné 28 000 000 000 de dollars étasuniens de PDVSA. Nous avons localisé au moins 10 000 000 000 de dollars étasuniens de fonds liés au Venezuela qui ont été déplacés entre 2007 et 2018. » 

 

D’une part, BI Consultants affirme qu'ils ont découvert des fonds sans aucune preuve mais de l'autre, ils établissent une base de justification de l'élargissement du rayon des confiscations et du pillage des actifs vénézuéliens par le Gouvernement des Etats-Unis.

 

De cette façon, ils essaient de convaincre que « dans plusieurs filiales pétrolières de la région, grâce à sa succursale PDV Caraïbes » les mouvements légitimes de fonds que fait PDVSA grâce à cette filiale sont illégaux. Il condamnent les accords de PDVSA avec l'ALBA (en particulier avec les Gouvernements du Nicaragua et du Salvador) et montrent que les bénéfices qui proviennent de cet accord représentent des « fonds illicites. » Mais le rapport ne donne pas de preuves de cette affirmation.

 

En s'appuyant sur des dossiers de presse et des interviews qui ne peuvent pas être vérifiés ou contrôlées par des sources publiques, le rapport affirme qu'à partir des entreprises Alba Petróleo et Albanisa (Nicaragua) de l'argent a été détourné vers des paradis fiscaux et des entreprises façades mises en place dans d'autres pays grâce à des prête-noms.

 

Ainsi, Douglas Farrah et Caitlyn Yates parient sur la crédibilité de IBI Consultants pour mentir sur le Venezuela. Ils se paient et se rendent la monnaie.

 

Ils centrent leurs accusations sur l'accord avec l'ALBA et le Nicaragua, des pays qui ont été qualifiés par John Bolton de «troïka du mal» et désignent particulièrement le Venezuela, Cuba et le Nicaragua comme cibles de la guerre non conventionnelle internationale organisée par le Gouvernement Trump pour briser l'alternative représentée par l'ALBA dans le cadre des relations internationales de l'hémisphère occidental.

 

Le rapport met fortement l'accent sur la figure du patron vénézuélien des médias et des assurances Raúl Gorrín. Selon le texte, « on estime que ce schéma aurait blanchi entre 1 2 000 000 000 et 2 400 000 000 de dollars étasuniens en utilisant le système financier des Etats-Unis pendant 4 ans. La participation de Gorrín atteindrait environ 159 000 000.

 

Farrah et Yates non seulement sont (délibérément) imprécis lorsqu'ils manient des données et des accusations mais ils cherchent aussi à relier Raúl Gorrín au Gouvernement vénézuélien. Le rapport ne démontre pas cette relation.

 

Les auteurs utilisent des dossiers de presse et des rapports de Bloomberg pour construire une machination dans laquelle le Gouvernement vénézuélien aurait soi-disant une relation avec l'entreprise Kaloti Suriname Mint House et où il n'est pas prouvé que cela soit vrai mais qui fait peser des charges criminelles sur le président du Suriname, Desi Bouterse, en s'appuyant sur des reportage partiaux de médias digitaux.

 

« Etant donné que les réserves d'or de la Banque Centrale du Venezuela ont augmenté de 11 tonnes en 2018 malgré la vente massive en cours, tout laisse penser qu'une importante quantité de marchandise était obtenue illégalement par les groupes dissidents 

des FARC et de l'ELN. » Bien qu'il n'y ait aucune preuve de cela ou que les groupes guérilléros colombiens en question soient liés à des activités concernant l'or, le rapport fait passer pour une vérité indubitable une opinion partiale et biaisée, impossible à vérifier ou à contrôler par les « enquêteurs. »

 

Ils accusent le Gouvernement vénézuélien de blanchir de l’argent «  de banque à banque » et grâce à « de faux projets d'infrastructures. » Mais ils soulignent, dans la première partie, qu'ils n'ont pas d'informations solides pour soutenir leurs dénonciations.

 

Enfin, la rapport essaie de lier la pénurie de médicaments entre autres choses qui affectent le bon développement les droits de l'homme de la population vénézuélienne à l'ensemble de données et d'informations biaisées qu'ils donnent dans leur soi-disant enquête. Ainsi, il cherche à faire passer le Gouvernement vénézuélien pour un « Etat criminel, » oublie et blanchit le blocus et les sanctions qui sont le facteur le plus important dans la violation des droits de l'homme de la population vénézuélienne.

 

La qualification du Gouvernement vénézuélien « d'Etat criminel » ou « d'entreprise criminelle conjointe » est incohérente. Le Venezuela est victime d'une opération de haute intensité contre son économie, son système politique et sa stabilité, et il n'est pas logique qu'un Etat victime de ces opérations de guerre hybride puisse être qualifié « d'Etat criminel. »

 

Le rapport conclut que le résultat de ce processus de structuration de l'Entreprise Criminelle Conjointe Bolivarienne « est une opération criminelle totale qui sape l'autorité de la loi, la gouvernabilité démocratique et les alliances étasuniennes dans tout l'hémisphère occidental. »

 

Il faut citer in extenso le second paragraphe de la conclusion :

 

« La structure bolivarienne a démontré qu'elle est adaptable et résistante, avec de nombreuses capacités redondantes. Sur le plan opérationnel, quand l'une des facettes du réseau criminel subit des pressions, l'Entreprise Criminelle Conjointe Bolivarienne est capable de transférer ses opérations dans de nouveaux domaines ou de trouver de nouveaux alliés, en général en nourrissant des forces et des connexions différentes de l'histoire partagée et des objectifs communs de l'Entreprise. Le Gouvernement étasunien a récemment fait des efforts plus unis et globaux pour affronter ces acteurs criminels avec des résultats significatifs. Les efforts pour canaliser certains des fonds qui viennent de PDVSA et de la structure bolivarienne vers le Gouvernement légitimement reconnu de Guaidó – et hors des mains du régime de Maduro - sont innovants et nécessaires. Mais, comme l'a dit l'ex-chef du Commandement Sud, l'amiral James Stavridis: « On a besoin d'un réseau pour combattre un réseau. »

 

La rapport s'achève en soulignant la nécessité d'affronter la « structure bolivarienne » conjointement en combinant « les ressources et les autorités... pour affronter les multiples noyaux de l'Entreprise. »

 

Ces actions combinées entre la Défense, le Trésor et l'Etat, par exemple, ont été patentes dans les manœuvres contre le Venezuela mais les auteurs insistent : « Maintenant que les impulsions idéologiques de la Révolution Bolivarienne ont été largement repoussées, les Etats-Unis ont l'opportunité de se confronter avec audace à la région et d'affronter la portée et la complexité de cette entreprise criminelle. »

 

Considérations finales :

 

Le but multiple : La structure du rapport est destinée à justifier des catégories qui englobent le pénal et le judiciaire comme ce qui est du domaine le moral et de l'information. Dans le premier cas, il offre une qualification destinée à faire avancer les prochains pas des Etats-Unis pour atteindre l'objectif de « résoudre le problème vénézuélien » non comme un problème situé dans le cadre du Droit International mais en forçant sa discussion et sa résolution comme un élément de justice de droit commun (dans le système étasunien), en traitant le Venezuela comme une affaire domestique, ce qui revient à remettre sur la bonne voie la « menace inhabituelle et extraordinaire. » La méthode Noriega.

 

Sur le plan intitulé ici « moral/informatif, » il donne de l'oxygène à l'appareil de distribution de fausses informations contre le Venezuela en transférant la justification de l'intervention et du contrôle du récit (qui a pris de nombreux coups surtout depuis le 30 avril, ce qui l'a empêché de renforcer le blocus de l'information) vers un problème moral. Dans la même logique, le plan moral supplantera le médiocre succès de la tentative d'appuyer les sanctions et le blocus comme quelque chose de légitime sous la protection d'une cause hautement morale. Dans ce sens aussi, il fonctionne comme un contrôle des dégâts.

 

Mettre l'accent sur la méthode plus que sur le contenu : cette sorte d'agressions dans le domaine de l'information est essentiellement conçue pour qu'il soit difficile d'amener une bataille d’arguments, une bataille des idées et de ce qui les sous-tend. Techniquement, cela rappelle beaucoup le Gish Galop, une tactique spécifique du débat destinée à saturer l'espace de débat avec des débris de discours apparemment connexes qui empêchent un affrontement direct et qui, dans l'arène de la discussion, est destinée à gagner par l'usure. Parce que plus que de se focaliser sur le contenu directement, il convient de l'aborder du point de vue de la forme : comment il est conçu, à quoi ça sert de le dire (sources, traitement des données, orientation politique et ou qui est concerné) à quel moment on le dit, qui réagit et enfin à qui profite cette opération. On ne doit pas perdre de vue que dans la logique de réflexion des services de renseignement, ce jeu d'éléments produit l'effet de la négation plausible, la devise de la CIA: «Nous ne pouvons pas nier ni confirmer cette information. »

 

Désactiver les foyers d'énonciation : avec ce qui est dit à propos de la rencontre de début avril organisée par le CSIS sur une possible invasion militaire du Venezuela, nous suggérons de voir s'il est possible d'engager contre ces entités et leurs auteurs des actions en justice qui fixent une ligne de défense élémentaire en matière d'accusations fausses ou faibles faites par des entités privées. Cela, dans le système nord-américain même, pourrait avoir comme conséquence d'établir un précédent.

 

Ce type d'accusations n'est pas nouveau et il vient toujours des mêmes. Si nous prenons pour exemple le sénateur Marco Rubio, son insistance marquée, avec le hashtag #MaduroCrimeFamily, à évoquer le Président et le Gouvernement en général, surtout à partir du 23 janvier de cette année et de l'auto-proclamation de Guaidó, on voit mieux où ce concept prend forme et comment il aspire à présent à remplir le vide que représente en soi la diarrhée verbale de twitts de Rubio.

 

Il faut considérer 2 éléments : 1) le degré de volontarisme d'un secteur idéologique spécifique avec une influence sur le pouvoir exécutif et opérationnel à propos du problème du Venezuela (le quarteron Bolton-Pompeo-Pence-Rubio) qui a besoin d'accentuer encore plus l'idée que l’intervention directe et rapide est impérative (en faisant pression contre l'inertie et les va-et-viens de leur président?) et 2) en plus de ce processus, d'asseoir une nouvelle catégorie à la fois « judiciaire » et « morale » (en fait néo-conservatrice) pour faire agir, comme nous l'avons dit, la justice contre une structure « mafieuse et corrompue » et insérer dans sa représentation médiatique le concept comme idée « mobilisatrice » qui donne un autre niveau d'encouragement à une opération de changement de régime qui n'a pas atteint ses objectifs à court et moyen terme.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

http://misionverdad.com/la-guerra-en-venezuela/el-csis-protagoniza-una-nueva-operacion-informativa-contra-venezuela-informe

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2019/06/venezuela-renouveler-le-dossier-un-nouveau-rapport-traite-le-venezuela-comme-une-entreprise-criminelle.html