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Guatemala: Comment la CIA a renversé Jacobo Árbenz

16 Septembre 2019, 16:35pm

Publié par Bolivar Infos

 

Árbenz est né le 14 septembre 1913 

 

Il a démissionné le 27 juin 1954.

 

Jacobo Árbenz Vilanova porte le nom des on père et dans sa mémoire, le terrible souvenir de ce 27 juin, il y a 65 ans, quand les bombes ont commencé à éclater sur Ciudad de Guatemala.

 

Ce jour-là, les forces des Etats-Unis, soutenues par plusieurs Gouvernements d'Amérique Centrale et des Caraïbes, ont lancé leur dernière attaque contre le Gouvernement de son père, Jacobo Árbenz Guzmán, un militaire progressiste qui avait engagé un mouvement de rénovation face à la pauvreté au Guatemala.

 

Le coup d'Etat avait commencé quelques jours auparavant : dans la nuit du 18 juin 1954, presque 500 soldats sous les ordres du colonel Carlos Castillo Armas avaient passé la frontière du Honduras dans le seul but d'en finir avec le Gouvernement d'Árbenz.

 

Une semaine plus tard, l'attaque avançait inexorablement vers la capitale et les avions de guerre ont commencé à survoler la ville.

 

« Je me souviens que j'ai dû me cacher sous le lit pendant le bombardement, » raconte Árbenz Vilanova dans l'émission Witness de la BBC.

 

Mais à son âge, il n'était pas encore pleinement conscient que ce jour-là se jouait non seulement l'historie du Guatemala mais aussi celle de sa famille.

 

« Mon père la plupart de son temps au Ministère de la Défense. Je me souviens qu'il avait l'air très inquiet, il tournait en rond, fumait, essayait de penser à ce qu'il allait faire après. »

 

Quand les bombes se sont rapprochées du Palais Présidentiel, toute la famille a dû partir.

 

« Je me souviens qu'à mes sœurs et moi, on ne nous a permis d'emporter que quelques jouets. »

 

Le premier coup d'Etat de la CIA

 

Selon ce que l'historien uruguayen Roberto García Ferreira, un spécialiste du coup d'Etat de 1954, déclare à BBC Mundo, l'arrivée d'Árbenz au pouvoir en 1951 a entraîné un changement « inédit » dans le pays.

 

« A ce moment-là, le Guatemala était un pays presque féodal et Árbenz a commencé à prendre une série de mesures de type progressiste pour tenter de résoudre ce problème de retard, » affirme-t-il.

 

Les trois quarts de la population guatémaltèque contrôlaient moins de 10% des terres. Par contre, l'United Fruit Company, une compagnie étasunienne, possédait plus de 50% des terres cultivables dont elle n'ensemençait que 3%.

 

« C'est dans ce contexte qu'Árbenz prend une série de mesures pour obtenir un changement social et qui ont amené les Guatémaltèques les plus pauvres à comprendre qu'ils vivaient une époque extraordinaire, » commente García Ferreira.

 

« Beaucoup comprenaient qu'était arrivé au pouvoir un groupe de personnes sensibles au changement social et à la revendication de cette masse de paysans. » Mais ces mesures n'ont pas été bien vues par tout le monde : l'une des premières réformes faites par mon père a été la réforme agraire.

 

A l'United Fruits Company, qui avait alors un énorme pouvoir au Guatemala, ces changements n'ont pas plu quand elle a vu qu'ils affectaient son monopole.

 

C'était précisément l'apogée de la Guerre Froide et alors, ils en ont profité pour traiter mon père de communiste, ce qui était totalement faux.

 

Et c'est ainsi qu'ils ont encouragé et justifié l'idée d'une invasion.

 

Ils ont entraîné des mercenaires aux Etats-Unis et au Honduras mais au début, quand ils sont passés au Guatemala, l'armée a réussi à les repousser.

 

La campagne contre Árbenz

 

En 1952, les grands propriétaires terriens locaux et l'United Fruits Company ont engagé une campagne de discrédit du Gouvernement d'Árbenz en l'accusant de suivre les instructions de l'Union soviétique.

 

Selon García Ferreira, dans ce contexte, plusieurs Gouvernements de la région ont aussi craint que l'exemple du Guatemala s'étende sur leurs propres pays c'est pourquoi ils ont commencé à faire pression sur les Etats-Unis pour qu'ils mettent fin à cette expérience.

 

D'une part, les Etats-Unis craignaient que le Guatemala devienne un satellite soviétique dans leur zone d’influence sur le continent américain et , d'autre part, les Gouvernements de la région craignaient que l'exemple du Guatemala s'étende en Amérique centrale et dans les Caraïbes. »

 

Ainsi, selon l'historien, ceux qui gouvernaient de fait Cuba, le Honduras, le Nicaragua, le Venezuela et la République Dominicaine s'y sont joints pour tenter de mettre fin à l'expérience sociale d'Árbenz au Guatemala.

 

Mais ils n'en sont pas resté là.

 

Ceux qui la critiquaient la remettaient en question parce qu'elle ouvraient la voie aux partisans du communisme dans le pays à un moment où cette idéologie politique était persécutée – et crainte – dans d'autres parties du monde.

 

Et face au refus d'alliance d'autres formations, Árbenz s'est rapproché du Parti du Travail Guatémaltèque, ouvertement communiste.

 

Pour beaucoup, ce pacte a été la preuve de ses intentions d'amener le modèle de l'URSS au Guatemala.

 

« En réalité, l'Union soviétique n'avait encore aucun intérêt dans la région. Staline était mort l'année précédente et les Soviétiques étaient encore plus occupés par leurs propres problèmes, » déclare García Ferreira.

 

« En outre, nous ne pouvons pas dire que les mesures prises par Árbenz étaient destinées à promouvoir le communisme au Guatemala. Mais bon, c'étaient des idées proches des idéaux de la Révolution Mexicaine. En effet, il a eu des conseillers qui avaient participé à cette Révolution. »

 

Finalement, la CIA s'est décidée à intervenir au Guatemala.

 

Ils ont conçu une opération expérimentale secrète qu'ils ont appelée PBSUCCESS et qui, selon García Ferreira, aurait été une espèce de laboratoire pour de futures interventions étasuniennes en Amérique Latine.

 

L'invasion

 

Quand Árbenz Vilanova est né, en 1946, 2 ans s'étaient écoulés depuis que son père avait rejoint le mouvement civique qui serait appelé ensuite Révolution de 1944.

 

5 ans plus tard, Árbenz était élu démocratiquement président et 8 ans plus tard, se déroulait ce jour tragique qui marquerait le reste de leur vie.

 

Árbenz Vilanoba rappelle que, au début, ses parents ont essayé de faire comme si de rien n'était.

 

« Ils ont fait tout leur possible pour ne pas nous inquiéter mais rapidement, nous nous sommes rendus compte que la situation et les dangers que nous courions étaient graves.

 

Il rappelle qua quand les avions ont commencé à bombarder la Ciudad de Guatemala les officiers les plus proches de son père ont pris peur.

 

C'est alors qu'eut lieu la trahison : « Ils lui ont dit : colonel, nous en pouvons pas continuer à vous soutenir. »

 

Le 27 juin 1954, à 21 heures, Árbenz a démissionné de sa fonction de président du Guatemala.

 

« Dans l'espoir de sauver les conquêtes démocratiques de la Révolution, » a-t-il déclaré. Son image provoque encore des controverses et son héritage continue à être tabou, 65 ans plus tard.

 

Pour beaucoup d'historiens, le coup d'Etat a aussi été la porte par laquelle s'est infiltrée la Guerre Civile qui a désolé le pays pendant des années : plus de 250 000 personnes sont mortes et 50 000 autres ont disparu.

 

Les traces

 

« Malheureusement, l'invasion et le coup d'Etat ont eu un effet catastrophique qui a duré longtemps sur notre famille amis aussi au Guatemala,» rappelle Árbenz Vilanova.

 

Quand sa famille a quitté le Guatemala, les militaires, à l'aéroport, ont obligé son père à se déshabiller pour le contrôler.

 

Les caméras des médias ont enregistré cette humiliation et ce sera l'une des dernières photos d'Árbenz publiées au Guatemala pendant des décennies.

 

Selon García Ferreira, ça n'a pas été tout : la CIA a fait tout ce qu'elle a pu pour ôter toute légitimité à l'ex-président et pour le persécuter de toute part et faire pression sur les Gouvernements des pays auxquels il demandait l'asile.

 

En effet, le seul survivant de cette tragédie familiale rappelle que le coup d'Etat ne fut que le début d'un terrible cauchemar.

 

Árbenz Vilanova a été condamné à un exil de 50 ans dans 9 pays : Le Mexique, la France, la République Tchèque, l'Union Soviétique, l'Uruguay, Cuba, le Salvador et le Costa Rica.

 

« Ca n'a pas été facile. Cela a beaucoup affecté mes sœurs et elles ont beaucoup souffert de ce qui s'est passé. Résultat, l'une d'elles s'est suicidée en 1965 et l'autre a fait la même chose en 2004. »

 

« Mon père, dans ses derniers jours, était devenu très amer, très déçu, frustré parce que ce qu'il avait essayé de faire pour le Guatemala avait été mal compris. »

 

L'ex-président qui avait rêvé de réformer le Guatemala est mort à Mexico le 27 janvier 1971, dans sa baignoire, en un accident étrange...

 

Il était complètement seul.

 

(Extrait de BBC Mundo)

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

source en espagnol :

http://www.cubadebate.cu/especiales/2019/06/30/golpe-de-estado-en-guatemala-como-la-cia-derroco-a-jacobo-arbenz/#.XRmufS3pMRE

URL de cet article :

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