Venezuela : Dialogues, sanctions et menaces
Le gouvernement vénézuélien et cinq partis d’opposition de faible importance ont souscrit un premier accord dans le cadre du « dialogue national ».
Les tentatives pour « normaliser » la vie politique nationale se trouvent dans une situation d’échec (du moins, pour le moment) suite aux négociations infructueuses avec les secteurs d’opposition menées par l’intermédiaire de la Norvège. Après l’imposition d’un embargo par l’administration Trump au mois d’août, le gouvernement a suspendu sa participation à la table des négociations. En quoi consiste alors cette nouvelle tentative ?
Le président Nicolas Maduro a dit que ce récent accord « est un pas juste et nécessaire eu égard à la stabilité politique du peuple et c’est une opportunité pour résoudre entre vénézuéliens les affaires qui ne concernent que les vénézuéliens ».
Pour sa part, l’opposition déjà mentionnée fait valoir que « le pays ne peut attendre les prochaines élections pour que l’on commence à prendre des décisions qui sont urgentes », tout en renouvelant son rejet des sanctions, chose qui doit unir tous les vénézuéliens.
D’une façon ou d’une autre, les deux ont raisons. Mais, cet accord sera-t-il vraiment réel et opérationnel ? Voyons cela.
Le pacte a eu pour effet que le PSUV (parti officiel) réintègre l’Assemblée Nationale, bien que le Tribunal Suprême ait réaffirmé que le parlement se trouve toujours « suspendu » et que ses décisions n’ont pas de validité. Néanmoins, en ce qui concerne certains points de l’accord, même s’ils sont prioritaires, la façon dont ils seront mis en application n’est pas claire.
L’on propose ainsi la constitution d’un nouveau Conseil National Électoral, ce qui a été la principale revendication de l’opposition. A ce sujet, on parle de possibles élections législatives à courte échéance, mais il n’y a pas plus de détails sur les changements au sein de l’autorité électorale. Tout comme on dit que l’on accordera des mesures de substitution aux dirigeants de l’opposition en détention, mais de qui parle-t-on ? Quel est le niveau de gravité de leurs actes ?
Sur le plan international, les deux parties ont renouvelé leur rejet des mesures unilatérales prises par les États-Unis considérant cela comme un élément devant unir tous les vénézuéliens. Mais, tant que les partis de droite traditionnels (Voluntad Popular, Primero Justicia, AD, Copei) et leurs pseudo-leaders tel que Juan Guaido continueront de demander des sanctions pour faire tomber le gouvernement, cet appel n’aura qu’une simple valeur symbolique.
De même, on envisage des échanges directs de pétrole contre des aliments/médicaments comme moyen de soulager la crise très dure. Mais, dans quelles conditions ? Et avec quels pays? Les États-Unis ont menacé d’imposer des sanctions (secondaires) contre toute nation ou entreprise qui traiterait avec Caracas ; alors, il manque encore des précisions pour comprendre comment ces échanges échapperaient à l’œil états-unien.
En même temps, l’opposition et ses partisans cherchent de nouveaux mécanismes pour parvenir à leur tant désiré « changement de régime ». Les chanceliers de l’Organisation des États Américains (OEA) qui font partie du Traité Interaméricain d’Assistance Réciproque (TIAR) ont approuvé une résolution qui permet d’identifier les hauts fonctionnaires ou les personnes liées au gouvernement vénézuélien « pour tenter de les capturer ou de congeler leurs actifs dans les pays membres du TIAR». Le TIAR ouvre un espace également pour des sanctions multilatérales contre le Venezuela, même si, pour le moment, ils écartent tous l’éventualité d’une intervention militaire.
De son côté, le bureau de contrôle des actifs étrangers (OFAC) du Département du Trésor des États-Unis a intensifié ses attaques, spécialement contre des entités étrangères qui ont négocié avec la nation bolivarienne. Ils ont même rajouté sur leur liste noire 4 entités et 4 navires au motif qu’ils transportaient du pétrole et autres produits dérivés depuis le Venezuela, quelques jours après avoir sanctionné des entreprises impliquées dans des importations liées à un programme d’aliments subventionnés CLAP.
De même, tandis que le parti au pouvoir cherche un interlocuteur « modéré » dans l’opposition, les mouvements populaires exigent d’être écoutés dans ce dialogue. Avec le renforcement des sanctions et (par conséquent) de la crise, le gouvernement a opté (quelques-uns diront qu’il a été obligé) de plus en plus pour une politique orthodoxe pour tenter de freiner l’inflation en restreignant la consommation et en faisant pencher la relation capital-travail en faveur du premier.
Ce qui est sûr c’est que, tant que ce jeu verrouillé se poursuivra , ce qui pointe à l’horizon c’est davantage de sacrifice pour le peuple vénézuélien. L’opposition, appuyée par les États-Unis continue de parier sur le fait que le coup d’État soit un (violent) échec, et le gouvernement ne trouve toujours pas de solutions réelles face aux défis et pressions économiques.
Les temps sont autres, et l’Union Soviétique n’est pas là pour acheter la canne à sucre dans sa totalité. On exige davantage de la solidarité internationale, et des réponses plus effectives de la part du gouvernement (il ne suffit pas de dénoncer les constantes violations du droit international). Car, dans une situation d’impérialisme, le Che le disait déjà, on ne peut pas faire confiance, même pas un tantinet.
https://www.investigaction.net/fr/amerique-latine-en-resistance-jeu-verrouille/