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Amérique Latine : Pourquoi les secteurs qui profitent des révolutions progressistes se tournent-ils contre elles ?

26 Novembre 2019, 21:49pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par Patricia Barba Ávila

Les Révolutions, leurs victoires, leurs échecs.

 

« Celui qui veut être un aigle, qu'il vole, celui qui veut être un vers de terre qu'il rampe mais qu'il ne crie pas quand on lui marche dessus. » Général Emiliano Zapata Salazar

 

Pour le 109° anniversaire de la Révolution Mexicaine, il semble nécessaire de faire un petit rappel et une analyse des processus révolutionnaires et des courants progressistes nés en Amérique Latine et dans le reste du monde, en particulier pendant les XX° et XXI° siècles, et de leur importance.

 

L'histoire de l'humanité est marquée par d'innombrables mouvements de protestation contre les conditions qui ont porté ostensiblement atteinte aux droits des classes ouvrières et de la grande majorité pauvre cont la tolérance envers l'injustice s'épuise enfin. Au XX° siècle, il y a eu en Amérique Latine et sur le reste de la planète plusieurs explosions sociales comme la Révolution Mexicaine de 1910 contre la dictature de Porfirio Díaz comme point de départ. En 1918 éclata le Révolution Bolchevique contre le régie des tsars et cette même année vit aussi l'émergence du mouvement allemand contre la monarchie des Hohenzollern. La Révolution cubaine débuta en 1956 et triompha en 1959, mettant fin à la longue ingérence des Etats-Unis et à leur exploitation de la richesse nationale. La Révolution en Iran eut lieu en 1979 et s'acheva avec le renversement du shah Mohammad Reza Pahlaví. Il y eut aussi les mouvements d'émancipation aux Etats-Unis dirigés par des personnalités comme Martin Luther King, la révolution pacifique dirigée par Mahatma Gandhi qui démarra avec la Marche du Sel et s'acheva par l'indépendance de l'Inde par rapport à l'empire Britannique en 1947, le mouvement révolutionnaire en Afrique du Sud dirigé par Nelson Mandela contre l'apartheid, la Révolution chinoise en 1927 qui s'acheva, après une longue guerre civile, en 1949, par la Révolution communiste, entre autres.

 

Les révolutions font leur apparition quand s'affrontent les intérêts des grandes majorités affectées et de petits groupes qui concentrent la richesse et le pouvoir mais on peut percevoir dans plusieurs mouvements d'émancipation une absence de coïncidence entre les.conceptions et les objectifs des participants. S'il est certain que la spoliation et l'abus sont les fils qui connectent les différents groupes à la tête des insurrections et des luttes de libération il est certain aussi qu'à plus d'une occasion, des désaccords ont surgi, allant du degré de profondeur idéologique, de différends dans les concepts, parfois jusqu'à l'affrontement d'égos encouragé par la perspective attrayante de conquérir e pouvoir -même avec les meilleures intentions – qui désunissent et tronquent la consolidation de ces efforts. Les exemples sont connus. La Révolution Mexicaine a affronté les visions de personnages aussi importants que Flores Magón, Emiliano Zapata, Francisco Villa d'une part, qui aspiraient, à une radicalisation – dans le meilleur sens de ce terme tellement déformé qu'il est devenu synonyme d'extrémisme – des luttes pour parvenir à un authentique pouvoir du peuple et, d'autre part, Francisco I. Madero dont le drapeau de lutte s'accrochait au slogan « suffrage effectif, pas réélection » basé sur a longue et brutale dictature de Porfirio Díaz.

 

Il faut dire que l’un des corollaires les plus regrettables du processus révolutionnaire mexicain a été que l'actuel PRI (“la dictature parfaite”) en découle. PRI qui, sauf pendant les 6 années du Général Lázaro Cárdenas del Río, est devenu un pouvoir unique, répressif et dictatorial qui n'a pas permis, pendant des décennies, la participation d'autres groupes politiques et a répondu aux intérêts des oligarchies nationales et étrangères. Il faut dire ici que, bien qu'en l'an 2000 et en accord avec le Consensus de Washington, ce parti hégémonique déjà très discrédité ait permis et reconnu la victoire de « l'opposant » PAN et de son prête-nom Vicente Fox, cela n'a pas représenté du tout un changement de paradigme mais une ratification et un renforcement de la politique néolibérale imposée par le Cartel Financier International et son bras exécutant, le FMI.

 

La Révolution Bolchevique est un autre exemple important de la divergence de buts et de concepts idéologiques qui comprend également l'ambition du pouvoir universel et a atteint son paroxysme avec l'accession au pouvoir de Joseph Staline et son affrontement avec Léon Trotsky qui a fini par être assassiné au Mexique sur ordre de celui-ci. Nous connaissons trop bien la fin lamentable de ce processus avec le chute de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques en 1991.

 

Alors, comment éviter que les buts pour lesquels on lutte se diluent et débouchent sur des régimes autoritaires et corrompus ? De quoi dépend le succès ou l'échec d'un projet progressiste qui cherche à modifier le statu quo en faveur des grandes majorités ? Sans doute n'est-ce pas la première fois que nous envisageons des questions. On a beaucoup parlé de la désunion des gauches depuis la naissance de ce concept jusqu'à aujourd'hui. On a suggéré qu'une partie de la raison est que nous prenons le débat des idées comme une partie essentielle de notre idéologie mais qu'il faudrait explorer d'autres angles comme l'importante ingérence de la hiérarchie ecclésiastique, en particulier de la hiérarchie évangélique qui a été l'un des piliers de l'accession au pouvoir d’authentiques fascistes comme Bolsonaro au Brésil et le gouvernement autoproclamé et putschiste de Bolivie. Mais je pense que le problème est plus profond et a à voir avec l'essence même des êtres humains : d'où venons-nous, quel est la voie que nous avons suivi jusqu'à présent, quels sont nos objectifs, que cherchons-nous, quel est notre conception du succès, du sentiment de réalisation, du bonheur. Ces questions sont très peu abordées dans les congrès, les réunions, les séminaires organisés par la gauche. 

 

Il est possible que la tendance à éviter ces sujets soit due, en partie, à la peur de devoir reconnaître que la tendance naturelle de l'être humain est le capitalisme car si nous remontons à la préhistoire, pour garantir la survie, parmi nos ancêtres prévalaient des instincts aussi puissants que la territorialité, c'est à dite la lutte contre les tribus voisines pour s'emparer d'espaces et de ressources. Cela a continué et s'est renforcé avec la naissance de l'agriculture d'abord et, ensuite, avec la Révolution Industrielle qui ont débouché sur l'émergence de 2 classes : celle qui contrôlait les ressources et celle qui les produisait.

 

Il faut analyser ici l'effet que la domination des richesses a dans la sensation de sécurité que nous recherchons tous, c'est à dire, l'énorme plasir qu'on éprouve en ayant le pouvoir qui garantir une vie sans vicissitudes et sans souffrance. Il est évident que cela a dégénéré en une sorte d'insanité dominante chez les élites oligarchiques qui cherchent à instaurer un ordre mondial qui leur soit favorable. Et pour y parvenir, elles ont employé des méthodes d'inoculation de paradigmes, d'anti-valeurs et de croyances en de larges conglomérats humains grâce à des armes aussi puissantes que les médias (télévision, cinéma, revues, livres, périodiques et actuellement Internet). Elles ont semé dans l'esprit de millions de millions de personnes l'idée que la victoire, c'est d'accumuler des richesses à tout prix et que l'être humain a de la valeur dans la mesure de ce qu'il possède. Alors, quand des Gouvernements progressistes sortent de al misère des secteurs pauvres et les font entrer dans la classe moyenne sans une stratégie parallèle de conscientisation et de politisation, cette classe moyenne aspire à gravir l'échelon socio-économique suivant et, pour ce faire, votera pour les prête-noms de ces mêmes élites qui sont responsables de leur pauvreté initiale. Quand les méthodes de manipulation n'ont pas fonctionné à 100%, elles les complètent par la création de troubles grâce à des ONG patronnées,par la cooptation de membres de l'armée et de la police, etc... mais toujours avec la bénédiction des secteurs populaires manipulés. Et c'est là que se situe la critique des mouvements et des Gouvernements de gauche qui n'ont pas créé de stratégies efficaces de conscientisation et de politisation des masses.

 

Et le problème de fond reste : comment surmonter ces tendances qui ont souvent servi à nos ancêtres pour survivre et qui actuellement sont les obstacles – cupidité exacerbée, amour de l'argent qui garantit le pouvoir – que génèrent des « idéologies » comme le néolibéralisme ? Nous, les militants, les communicants, les Gouvernements progressistes et de gauche, serons-nous capables de concevoir des stratégies d'éducation, de communication et de conscientisation politique ? Sera-t-il possible de faire ce saut quantique dans l'évolution qui nous conduise à des stades supérieurs où la possession excessive de biens inutiles cesse d'être une priorité et où par contre, le succès soit représenté par le bien-être pour tous, le respect des droits de tous et la continuité de notre espèce en harmonie avec tous les êtres vivants et la Nature ? 

 

« Quand un peuple énergique et viril pleure, l'injustice tremble » Fidel Castro Ruz, 15 octobre 1976, Place de la Révolution.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2019/11/21/pensamiento-critico-por-que-los-sectores-favorecidos-por-revoluciones-progresistas-muchas-veces-se-tornan-en-su-contra/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2019/11/amerique-latine-pourquoi-les-secteurs-qui-profitent-des-revolutions-progressistes-se-tournent-ils-contre-elles.html