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Colombie : Guérir la métastase ?

3 Décembre 2019, 18:17pm

Publié par Bolivar Infos

Colombie : Guérir la métastase ?

 

Aujourd'hui, la Colombie tout entière vit dans une effervescence populaire de confrontation avec un gouvernement néolibéral qui consacre plus d'argent et de temps de travail à tenter de déstabiliser le Venezuela qu'à contribuer au développement de son propre pays

 

Auteur: Elson Concepcion Pérez, | internet@granma.cu

2 décembre 2019 14:12:55

 

Un article du quotidien étasunien The New York Times, intitulé « Colombie, le pays des urgences ajournées », décrit le drame vécu par le jeune étudiant Dilan Cruz, âgé de 18 ans, qui demandait, aux côtés de milliers d'autres jeunes, l'accès à l'enseignement supérieur, lorsqu'il a été assassiné par la brigade antiémeute de la police colombienne, le 23 novembre, le jour même où il venait d’obtenir son titre de bachelier.

 

Je commence mon commentaire un utilisant cette source d'information pour rappeler que certaines vérités sont impossibles à cacher : les événements aujourd'hui, en Colombie, en sont une.

 

Ce pays, peut-être comme très peu d'autres dans la région, connaît très bien les fléaux de la violence, de la terreur, du trafic de drogue, du paramilitarisme, mais aussi l'absence d'une politique cohérente de la part des gouvernements de droite visant à endiguer l'impunité totale et les agissements hypocrites des fonctionnaires, voire des gouvernants qui ont coexisté avec cette réalité.

 

Dans ce paysage politique et social, des mouvements de guérilla ont existé, et existent encore, sans pour autant avoir réussi à s'unir pour ne former qu’une seule force ; elles ont coexisté et souffert dans un environnement d'actions militaires, d'actes terroristes exécutés par des forces paramilitaires, ainsi que dans l'impunité des trafiquants de drogue, protégés par ceux qui reçoivent d’importants pots-de-vin pour que l'armée ou la police ne les combatte pas.

 

Ce n'est pas par hasard qu'il est très courant d'entendre dire qu'en Colombie, le pouvoir du gouvernement est tenu par d'innombrables fils, dont celui des narcotrafiquants et des paramilitaires.

 

50 ans de guerre, au cours desquels des centaines de milliers de personnes ont été tuées et blessées, semblaient arriver à leur terme lorsque les guérilleros des FARC et le gouvernement du président Juan Manuel Santos, après de longues négociations et d’efforts internationaux pour éviter qu’elles ne soient interrompues, ont signé à La Havane l'Accord de paix, considéré comme l'événement le plus important de ces dernières années dans ce pays.

 

Entre-temps, l'autre guérilla, l'Armée de libération nationale (ELN), a entamé des pourparlers de paix avec le gouvernement, qui ont été brusquement suspendues lors de l’arrivée au pouvoir du président Ivan Duque en 2018.

 

Le nouveau président du parti Centre démocratique semble s’être laissé entraîner par les habiles manœuvres d'Alvaro Uribe, qui a toujours parié sur la rupture des Accords de paix et l’appui, – sinon le soutien direct –, à une nécessaire discrétion permettant aux paramilitaires de continuer à imposer leur loi, en assassinant les anciens guérilleros, les paysans, les indigènes et les leaders sociaux partisans de la paix.

 

Uribe, en plus de s’être rallié à une politique absolument contraire au processus de paix avec les guérillas, entretient de nombreux liens avec des secteurs intéressés par la déstabilisation du Venezuela, et il s'oppose également à tout processus d'intégration.

 

Pour cet homme, l'Amérique latine ne doit jamais devenir une Zone de paix, comme il fut convenu au Sommet de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (Celac). En effet, cela conduirait à la non-justification de l'impunité dont jouissent les groupes paramilitaires.

 

N'oublions pas en outre que 9 bases militaires étasuniennes, régulièrement dénoncées pour des crimes présumés, sont installées sur le territoire colombien, et que les États-Unis sont le plus grand consommateur de drogues au monde.

 

La Colombie souffre d'un véritable cancer qui, grâce à Alvaro Uribe et à ses partisans, a transformé la frontière entre la Colombie et le Venezuela en un scénario de conflit, par où les paramilitaires de ce pays pénètrent pour mener des actions terroristes sur le sol voisin et où ces forces, soutenues par Duque, ont amené le président autoproclamé Juan Guaido en Colombie, sous la direction et la protection du groupe criminel « Los Rastrojos ».

 

Aujourd'hui, la Colombie tout entière vit dans une effervescence populaire de confrontation avec un gouvernement néolibéral qui applique des mesures contraires aux besoins des citoyens et consacre plus d'argent et de temps de travail à tenter de déstabiliser le Venezuela qu'à contribuer au développement de son propre pays, à ceux qui souffrent de la pauvreté, du coût élevé des études supérieures et de l'insécurité citoyenne.

 

Les manifestations massives de ces dernières semaines ont commencé par le rejet des réformes du travail et des retraites du gouvernement d'Ivan Duque, mais elles se sont tellement amplifiées qu'elles exigent aujourd'hui la démission du président, la dissolution de l'Escadron mobile anti-émeutes (Esmad), déjà responsable de plusieurs morts et de plus de 700 blessés.

 

Permettez-moi de conclure avec une opinion qui fait autorité sur la Colombie. Il s’agit de celle de l'économiste britannique James Robinson, professeur à l'Université de Chicago, qui affirme : « L'élite en Colombie vit comme si elle était dans le Premier monde, alors qu’elle vit dans un pays majoritairement pauvre et inégalitaire. »

 

Co-auteur du livre « Prospérité, puissance et pauvreté : Pourquoi certains pays réussissent mieux que d'autres », Robinson signale que « la prospérité d'un pays dépend de l’inclusion sociale, politique et économique ». Et dans le cas de la Colombie, l'exclusion a engendré des guerres, de la pauvreté, du trafic de drogue, a-t-il souligné dans une interview accordée à BBC Mundo.

 

Pour toutes ces raisons, me semble-t-il, il sera très difficile, mais possible et nécessaire, de trouver un remède au cancer colombien.

 

http://fr.granma.cu/mundo/2019-12-02/guerir-la-metastase