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Pérou : La géopolitique de la Triple Frontière et le Front Populaire Agricole du Pérou

26 Février 2020, 18:47pm

Publié par Bolivar Infos

Par Róger Rumrrill

Ce qu'on appelle la Triple Frontière que le Pérou partage avec la Colombie et le Brésil, en plus de lac frontière avec le Putumayo, a été, depuis le XIX° siècle, la « frontière chaude » de notre pays en Amazonie, même plus « chaude » que la frontière avec le Brésil à Madre de Dios et avec l'Equateur dans la Cordillère du Cóndor, dans la Région de l'Amazone.

 

Sur cette Triple Frontière, la ville brésilienne la plus importante est Tabatinga. La Colombie a à Leticia (fondée par des Péruviens sur le territoire perdu) comme un véritable contrepoids économique, politique et géopolitique.

 

L'île pauvre et marginale de Santa Rosa à l'orée de l'Amazone péruvienne est le symbole et la représentation non seulement de l'abandon de la zone frontalière par le Pérou mais la preuve de la plus mauvaise négociation de la diplomatie péruvienne avec le Traité Salomón-Lozano qui a permis que les hautes terres non inondables soient cédées à la Colombie et le Pérou, pour sa part, a reçu les basses terres qui chaque année sont noyées par les diluviums croissants du puissant fleuve Amazone et où, comme on peut le supposer, il existe de fortes limitations naturelles à l'installation de populations et au développement économique. La précarité de Santa Rosa, qui flotte à cause de l'inondation annuelle, est l'exemple le plus pathétique de cette histoire.

 

Sur la Triple Frontière se trouve ce qu'on appelle le Trapèze de l’Amazonie, un territoire de 100 000 kilomètres que le Pérou a perdu en faveur de la Colombie avec le Traité Salomón-Lozano signé entre le Pérou et la Colombie le 24 mars 1922, ratifié par le Congrès de la République le 20 décembre 1927. Grâce à cet accord diplomatique, la Colombie a gagné une sortie sur l'Amazone.

 

Le Traité Salomón-Lozano, signé sous la dictature d'Augusto B. Leguía, a été le résultat de l'extraordinaire habileté du diplomate colombien Tadeo Lozano qui a persuadé et convaincu Leguía de son rôle providentialiste et de grand homme d'Etat pour résoudre les conflits qu'affrontaient nos pays à la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle.

 

Tadeo Lozano, l'habile diplomate colombien, a vendu à Leguía l'illusion qu'il passerait dans l'histoire en tant qu'artisan de la paix et de la concorde en Amérique Latine.

 

Mais le Traité Salomón-Lozano a aussi été l'oeuvre de la diplomatie étasunienne, des ambassadeurs au Pérou William E. Gonzáles et Miles Poindexter qui, suivant les ordres de Washington, ont exercé une énorme et irrésistible pression sur le Gouvernement péruvien. La cession du territoire péruvien à la Colombie était la façon des Etats-Unis de dédommager la Colombie de la perte du territoire du Panamá qui lui avait été arraché en 1903.

 

La Triple Frontière reste chaude

 

Malgré les traités et les projets de développement binationaux, la Triple Frontière reste « chaude. » La présence des dissidents des FARC, dans le Putumayo et maintenant d'une nouvelle guérilla qui s'est levée, en armes, contre le Gouvernement colombien d' Iván Duque dans le Putumayo et le reste du territoire de l'Amazonie de ce pays, permettent de prévoir de prochains conflits armés.

 

Mais les conflits armés ne sont pas les seuls à menacer la Triple Frontière où l'Etat le plus faible et qui manque d'une vision géopolitique est l'Etat péruvien mais surtout où règne l'illégalité. Parce que sur cette Triple Frontière, majoritairement du côté péruvien, tous les trafics existent : drogues, aliments, combustibles et trafic d'êtres humains.

 

Depuis les années 90, suite à la pression militaire et policière dans les zones de production des drogues dans les Vallées du Río Apurímac-Ene-Mantaro (VRAEM), les cartels de la drogue se sont déplacés vers le llano de l'Amazonie, la zone péruvienne de la Triple Frontière et ont étendu leurs cultures de la coca Epadú, avec moins d'alcaloïdes que la coca du Haut Huallaga. 

 

Dans la première décennie du XXI° siècle, on a estimé que seulement dans la province de Ramón Castilla, dont la capitale est Caballococha, il y avait plus de 10 000 hectares de culture de coca Epadú. Face à l'expansion de la culture et à l'augmentation de la production de PBC et de cocaïne, le gouvernement a décrété en 2014 un état d'urgence dans la province. Mais ses effets ont été, comme toujours avec les politiques concernant les drogues, plus d'extension et de croissance avec « l'effet ballon, » on exerce une pression d'un côté , il enfle et s'étend d'un autre côté. 

 

Actuellement, la carte de al drogue est en train de changer. L'épicentre du trafic de drogues s'est déplacé de Ayacucho et du VRAEM vers la corne de l'Ucayali, faisant de la ville de Pucallpa la capitale de la drogue au Pérou. Cette nouvelle carte dynamisera le trafic de drogues sur la Triple Frontière où les maîtres du trafic de drogues sont les chefs des artels colombiens. 

 

Le Front Populaire Agricole du Pérou et les Israélites du Nouveau Pacte sur la Triple Frontière 

 

Selon le recensement de la population de 2017, la Provincia de Ramón Castilla, avec pour capitale Caballo Cocha, avait 49 072 habitants cette année-là. Sur cette population totale, environ 30 000 sont membres du Front Populaire Agricole du Pérou (FREPAP) et de l'Association Evangélique de la Mission Israélite du Nouveau Pacte Universel (AEMINPU), concentrés dans la capitale, Caballo Cocha, dans les colonies et les districts du Yavarí, de Pebas, San Pablo et d'autres colonies. Le reste de la population, y compris les Indigènes Ticuna, est dispersé et désorganisé, sans aucune force sociale ni politique.

 

Actuellement, selon un rapport de Telémaco Gaviria, un journaliste qui étudie la réalité sur la frontière, la plupart des districts et la capitale de la province sont sous le contrôle des Israélites. Le maire actuel de la Province de Ramón Castilla es Rodolfo Díaz Soto (2019-2022). 

 

Rarement au cours de leur histoire religieuse et politique, les disciples d'Ezequiel Ataucusi Gamonal ont eu autant de pouvoir économique et politique dans leurs mains qu'en ce moment sur la Triple Frontière. Il faut y ajouter la nouvelle parlementaire pour Loreto, l'Israélite Luz Milagros Cayguaray et le Conseiller du Gouvernement Régional de Loreto, Jesús Jango Tirado, également un acolyte d'Ezequiel Ataucusi Gamonal .

 

Pouvoir politique parce c'est la plus grande organisation sociale et religieuse sans aucun contrepoids, même pas de l'Etat, sur la frontière la plus chaude de l’Amazonie. La frontière de tous les trafics.

 

Pouvoir économique parce qu'ils sont les maîtres et les patrons des grandes propriétés agricoles autogérées et des élevages et aussi parce qu'ils sont liés aux activités illégales de la coca et au trafic de drogues, selon les multiples plaintes et les multiples témoignages de l'ex-directeur même de DEVIDA, Alberto Otárola.

 

Pour beaucoup, la présence des militaires du FREPAP et des croyants de l'AEMINPU sur l'une des frontières les plus chaudes de l'Amazonie avec une économie reposant sur la trafic de drogues, c'est comme demander à un renard affamé de veiller sur un poulailler plein de grosses poules.

 

Pour d'autres, moins pessimistes, le messianisme andin de l'AEMINPU pourrait, sous la pression de la réalité politique et sociale du Pérou du Bicentenaire, se joindre au millénarisme et au messianisme des peuples indigènes de l'Amazonie et commencer un nouvel Ipámamu, un nouveau Pachacuty, en chercheant la Terre Sans Mal, la Terre Promise de l'Amazonie.

 

Tout peut arriver au Pérou.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2020/02/25/peru-la-geopolitica-de-la-triple-frontera-amazonica-y-el-frepap/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2020/02/perou-la-geopolitique-de-la-triple-frontiere-et-le-front-populaire-agricole-du-perou.html