Bolivie : Pourquoi le Gouvernement de fait s'en prend au Chapare
15 avril : un groupe de 85 policiers entrent dans le tropiques de Cochabamba. Selon le Gouvernement de fait, pour « réaliser des tâches de sécurité et faire respecter la quarantaine. » Il n’y a pas eu de coordination préalable de l’arrivée de la force ni avec les autorités ni avec les forces armées locales.
16 avril :Un groupe d’habitants a provoqué de façon spontanée le repli de huit policiers à Shinahota vers la caserne de Chimore. Dans cette région, il y a cinq mois que la police n’opère plus mais il y a plusieurs unités militaires et l’UMOPAR. Il n’y a pas de problème avec ces institutions parce que leur arrivée a été coordonnée avec les autorités locales.
Les policiers sont entrés sans respecter les protocoles contre le Covid–19. Cette force est suspectée d’être infectée, c’est pourquoi la population est inquiète. La région du Tropiques n’a pas de cas de Covid–19 à cause de la quarantaine stricte et des soins de santé que le peuple a organisés lui-même de façon responsable. Ce rejet de la police après le coup d’Etat a son origine dans les émeutes que la démission du président Morales à provoquées et dans le massacre de Sakaba, survenu le 10 novembre 2019 dans cette région, qui a fait neuf morts et des dizaines de blessés.
Le ministre du Gouvernement Arturo Murillo a rendu les dirigeants cocaleros et certains maires responsables de l’expulsion du groupe de policiers et les a menacés de poursuites pénales. Il a accusé Evo Morales d’avoir organisé cette incident dans le cadre d’une campagne de diabolisation du MAS dirigée par Eric Foronda, agent de la CIA et secrétaire d’Añez pour en tirer un avantage politique. Le chef de la neuvième division de l’Armée a démenti la version de Murillo et qualifié de « très mauvaise » l’arrivée de la police au Chapare sans coordination préalable.
Dans un communiqué, la Coordination des six Fédérations du Tropiques de Cochabamba déplore les incidents lors desquelles huit policiers ont dû abandonner leur local. Elle affirme que cette action n’a pas été organisée par les dirigeants et que c’était une manifestation spontanée provoquée par le massacre de Sakaba. Elle en rende responsables le commandement de la police et le Gouvernement de fait parce qu’ils n’ont pas coordonné l’arrivée de la police avec les autorités locales. Elle affirme que la quarantaine est respectée en coordination avec les unités militaires de la région du Tropique et soutient la position du chef militaire de la neuvième division de l’armée.
17 avril : Le Gouvernement de fait, en représailles, ordonne la fermeture de toutes les banques et ses stations d'essence de la région, gèle les activités financières du Tropique, ce qui empêche le paiement des bons, des retraites, etc... et l’achat de médicaments par les pharmacies et les postes sanitaires. Cela provoquera également au secteur de la pisciculture de grosses pertes à cause de la mort de 21 000 000 de poissons parce que 6000 piscines fonctionnent avec des pompes qui utilisent de l’essence. Des mesures de cette envergure rappellent le blocus économique et financier génocide contre des pays comme Cuba et le Venezuela, blocus aujourd’hui condamné par le monde entier.
18 avril : Le Conseil Municipal de Villa Tunari est arrêté à son retour de la municipalité de Tomina de Chuquisaca où il avait distribué des fruits à la population. Il est condamné à la prison domiciliaire.
19 avril: On commence à enclaver la région en interdisant l’entrée et la sortie des personnes à l’exception des gens en uniforme, et on interdit même les ambulances. Ce qui empêchera de continuer la campagne Tropique Solidaire qui distribue des fruits aux gens à faible revenus ainsi que le troc de produits.
21 avril : Andronico Rodriguèz, dans une conférence de presse, dénonces le Gouvernement de fait devant le Bureau de la Haute Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l'Homme et devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme de l’OEA pour violation des droits de l’homme dans la région et en Bolivie. « Malheureusement, la solidarité a été criminalisée (…) Aujourd’hui, tout est menaces, intimidations et procédures pénales. Nous disons au Gouvernement que la quarantaine se respecte avec des aliments et des médicaments chez soi et pas avec des armes en soumettant le peuple. Notre aide solidaire du Tropique est précisément faite pour que la quarantaine puisse être respectée et pour que les gens ne sortent pas dans les rues à cause de la faim.»
22 avril : Un accord est signé entre le colonel de la police Franz Sellis, Andronico Rodriguez, le gouverneur de Cochabamba , le défenseur du peuple, l’église catholique, entre autres autorités, pour résoudre le conflit qui permettrait le retour de la police, des fournisseurs et le rétablissement des services bancaires. On a décidé de développer les services policiers en coordination avec les autorités locales et les organisations sociales.
23 avril : la police retourne au Chapare et les banques recommencent à fonctionner normalement. On enregistre une embuscade des membres de l´UMOPAR à Entre ríos et elle est présenté lors d'un « grand show » dans les médias.
24 avril : Murillo prévient qu’il va envoyer des avions de guerre au Tropique s'il y a une autre attaque de l’UMOPAR. Le problème, c’est que Juliana Quispe a accusé de montage l’opération destinée à ce que la région se sente mal et a signalé les nombreux « Narco jets » qui sortent du Beni dont est originaire Añez. Le 28 janvier, a été arrêté une avionnette de cocaïne au Mexique. Murillo a soutenu : « la drogue du narco-jet a été chargée dans le Chapare, » mais ensuite, face aux preuves, il a admis que la cocaïne avait été transportée dans le des véhicules de l’YPFB et chargée à l’aéroport de Guayaramerín.
25 avril : Léonardo Loza, un dirigeant du Tropique, à soutenu que les embuscades et les arrestations pour trafic de drogue sont un «show monté » pour occulter les failles dans la lutte contre le Covid–19. Aujourd’hui, le combustible a commencé à être fourni, après qu’on ait annoncé la mort de millions de poissons, ce qui a provoqué des pertes économiques au secteur de la pisciculture en pleine pandémie . Un attentat contre la vie.
Le Chapare, noyau dur de la résistance indigène
Le président des six Fédérations du Tropique de Cochabamba que noyautent les cocaleros est Evo Morales et le vice président, Andronico Rodriguez qui, à 30 ans, a eu le puissant appui de la base en tant que candidat à la vice-présidence de la Bolivie.
C’est un jeune dirigeant très apprécié par les Boliviens à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Sa figure représente la résistance, l’unité et le renouveau politique. Le Chapare est dans le Tropique de Cochabamba et représente la résistance indigène face au coup d’Etat.
Ce secteur a résisté à la répression de l’UMOPAR et de la DEA dans le passé. En 1997, des militaires ont frappé et tiré sur Evo Morales lui-même à Nueva Senda. En 2008, Evo a expulsé la DEA de Bolivie parce qu’elle finançait les tentatives de coup d’Etat dans le pays et a engagé sa propre stratégie contre les drogues.
En 2006, le New York Times met en avant la lutte du pays contre la drogue. Evo Morales est venu annoncer sa démission au Chapare, et de là est parti en exil, protégé par plus de 10000 cocaleros. Cette zone a vécu des moments de forte tension pendant le dernier coup d’Etat mais elle a toujours été signalée comme une zone rouge à cause de cette lutte héroïque contre l’éradication de la feuille de coca et pour la défense de la dignité et de la culture indigène qui s’identifie avec la consommation ancestrale de la feuille de coca. On a démontré au monde grâce à des études de l’université de Harvard des États-Unis les propriétés médicinales et nutritives de la feuille de coca. En 2013, on a obtenu la reconnaissance mondiale du droit à la boulette de feuilles de coca ainsi que sa dépénalisation, ce ui implique la non éradication totale de la feuille de coca en Bolivie après plus de 50 ans de criminalisation de cette tradition. On a obtenu un changement dans la Convention sur les Stupéfiants de l’ONU est par là la reconnaissance mondiale de l’identité du pays, avec le soutien de 169 pays et l’objection de seulement 50 dont les États-Unis sont à la tête. Sur ce secteur retombe des accusations de «Trafic de drogue » et toutes sortes d’attaques à cause de sa lutte anti-coloniale inébranlable dans laquelle la conscience de classe fusionne avec la conscience de l’identité indigène et du territoire et réussit une synthèse qui permet de surmonter et de rompre le schéma théorique marxiste. Le Chapare est le réservoir moral et révolutionnaire de la Bolivie et l’espoir d’un peuple indigène qui traverse les frontières en tant que nation.
C’est un exemple de résistance aux politiques Impériales contre la fausse « lutte contre le trafic de drogue » et les politiques coloniales basées sur le contrôle qui provoquent la peur, la fragmentation, la violence et la trahison et brisent tout lien d’union et d’organisation populaire comme à l’époque coloniale. Le Chapare doit être respecté parce que c’est l’avant-garde de la lutte indigène dont la Whipala flotte bien haut depuis plus de 500 ans pour la liberté, la souveraineté, l’indépendance, la reconnaissance et le respect de notre identité.
Véronica Zapata, journaliste et psychologue de Cochabamba, Bolivie.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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