Brésil : Le rôle de Moro dans l’enquête sur des militaires liés à la famille Bolsonaro
Les documents révélés par le site The Intercept Brésil samedi 25, apportent de nouveaux éléments sur les liens entre le sénateur Flavio Bolsonaro et la police militaire de Rio de Janeiro dirigée par Adriano da Nóbrega, assassiné en février.
Selon les documents classifiés et les données recueillies par le Ministère Public de Rio de Janeiro, Flavio Bolsonaro aurait financé et bénéficié de la construction illégale d’immeubles construits par la police militaire avec de l’argent public.
L’investissement dans les immeubles édifiés par trois entreprises de construction a été fait avec « de l’argent sale » recueilli dans l’ancien bureau de Flavio Bolsonaro à l’Assemblée Législative de Rio, selon les promoteurs et les enquêteurs, qui ont souhaité garder l’anonymat.
Les enquêteurs disent qu’ils sont arrivés à la conclusion, en croisant les informations bancaires de 86 personnes suspectées d’être liées à ce schéma illégal, qu’il a servi à irriguer les affaires immobilières de la police militaire. Les données montreraient que l’actuel sénateur Flavio Bolsonaro aurait touché des bénéfices, selon les enquêteurs, à travers des transferts réalisés par l’ex capitaine de Bope Adriano da Nóbrega et par l’ex adjudant Fabricio Queiróz.
Les progrès réalisés dans l’enquête sur le fils de Jair Bolsonaro sont l’une des raisons pour lesquelles le président a fait pression sur l’ex ministre Sergio Moro pour qu’il change le commandement de la Police Fédérale de Rio qui enquêtait également sur cette affaire et de celle de Brasilia.
Dans une interview accordée à Brazil de Fato , l’avocate Isadora Gama Brito déclare que Sergio Moro avait des motifs politiques pour quitter le ministère et considère qu’il doit aussi y avoir une enquête sur lui pour omission dans les investigations alors qu’il était en charge y compris de l’ex policier militaire Adriano de Nóbrega.
Adriano Magalhães de Nóbrega, ex capitaine de Bope, a été assassiné à Esplanada, Bahia, après une opération policière dont on pensait qu’elle était destinée à l'arrêter mais qui a fini par un échange de coups de feux, selon le Secrétariat à la Sécurité Publique de Bahia (SSP-BA). Au moment de l’assassinat, le journaliste du journal Folha de Sao Paulo a signalé que le ministre Sergio Moro connaissait l’opération à l’époque et avait envisagé la possibilité d’envoyer un hélicoptère pour soutenir la police de Bahia, responsable de l’opération.
Accusé de commander des milices à Río das Ostras, Río de Janeiro, Nóbrega était recherché par la Justice depuis janvier 2019 mais il n’était pas sur la liste des criminels les plus recherchés du pays, libéré par Moro le 30 janvier. Le lendemain de la publication de la liste, l’absence de la milice a amené le PSOL à annoncer qu’il appellerait le ministre Sergio Moro pour qu’il donne des éclaircissements au Congrès.
Dallagnol soupçonnait Moro de protéger Flavio Bolsonaro
L’échange de messages révélé par Intercept en juillet dernier montrait que le coordinateur de l’opération Lava Jato, Deltan Dallagnol, craignait que le ministre de la Justice, Sergio Moreau, protège Flavio Bolsonaro pour ne pas déplaire au président et par conséquent, pour ne pas mettre en danger sa nomination au Tribunal Suprême Fédéral comme Jair Bolsonaro l’avait prévu en mai de cette année.
« Moro doit attendre l’enquête et voir qui sera impliqué. Le fils certainement. Le problème est : le père va-t-il s’en tirer ? Ou pire est-ce que le père est impliqué ? » a demandé le procureur dans une conversation avec ses collègues.
Les messages indiquent que Dallagnol était d’accord avec la position d’autres collègues du Ministère Public Fédéral à propos de l’enquête et d’un schéma de corruption au bureau de Flavio Bolsonaro , connu comme l’affaire Queiroz, pendant le mandat du fils du président Jair Bolsonaro comme conseiller de la ville de Rio de Janeiro pour le Parti Social Libéral.
« Ce qui s’est passé est-il oublié ? Et maintenant, José ? » a dit le procureur dans l’un des chats secrets auxquels le site a eu accès.
Le procureur de Lava Jato a exprimé ses doutes en condamnant plus sévèrement Flavio Bolsonaro que les médias et aurait refusé une invitation à participer à l'émission Fantástico (Rede Globo) en janvier de cette année pour éviter les questions sur cette affaire.
Adriano da Nobrega, Flavio Bolsonaro et Fabricio Queiroz
Au moment de son exécution, l'ex policier militaire se cachait dans la grange de Gilsinho da Dedé, conseiller du PSL à Esplanada. C’est important pour comprendre l’affaire qui s’est achevée par un mandat d’arrêt contre Nóbrega en janvier 2019.
Jusqu’en novembre 2018, quand il était encore membre du PSL, le parti qu’il a quitté en octobre 2019, le sénateur Flavio Bolsonaro (sans parti) a employé la mère et la femme d’Adriano de Nóbrega à son bureau à l’Assemblée Législative de Rio de Janeiro puisqu’il était député de cet état.
Le procureur de l’état de Rio de Janeiro (MPE–RJ) signala Nóbrega comme l’un des responsables de ce qu’on appelle « le bureau du crime » o% aurait été conçu le plan pour assassiner la conseillère Marielle Franco.
Honoré par Flavio Bolsonaro en 2003 quand il a reçu la médaille Tiradentes, la plus haute distinction à Rio de Janeiro, Nóbrega et l’ami de Fabricio Queiroz, l’ex assistant du sénateur, accusé de toucher une partie des salaires du bureau de l’homme politique, une pratique connu comme « recoin1. » Tous deux travaillaient ensemble au 18e bataillon de la police militaire.
Également selon l’enquête du Ministère Public, les comptes de Nóbrega aurait été utilisés par Queiróz pour faire des dépôts d'argent détourné.
Flavio a payé les salaires de ses employés avec l’argent de son bureau à l'Assemblée Législative de Rio de Janeiro (Alerj). Selon Intercept, à partir de ce moment-là, Queiróz , désigné dans l’enquête comme le coordinateur du schéma de déchiffrage, a confisqué 40 % en moyenne des salaires des serviteurs et fait passer une partie de l’argent à l’ex-capitaine de Bope , Adriano da Nóbrega, désigné comme chef du Bureau des Délits, une police spécialisée dans les assassinats sur-mesure.
L’organisation criminelle collecte aussi des « impôts de sécurité » sur la vente de bouteilles de gaz, bouteilles d'eau, dans l’exploitation de signaux de télévision clandestins, dans l’accaparement de terres et la construction civile à Rio das Pedras et Muzema.
Ces deux favelas, où vivent plus de 80 000 personnes, sont situées à Jacarepagua, dans l'est de Rio et ont vu de la construction d’immeubles illégaux augmenter ces dernières années. En avril de l’année dernière, 2 de ces immeubles liés à d’autres milices se sont effondrés, faisant 24 morts et 10 blessés. Les bénéfices de la construction et de la vente de ces immeubles ont aussi été partagés avec Flavio Bolsonaro, selon l’enquête, parce que c’était celui qui finançait le projet avec l’argent public.
Le Ministère Public a utilisé des informations du Conseil de Contrôle des Activités Financières pour indiquer que Fabricio Queiróz, pendant qu’il conseillait le bureau de Flavio Bolsonaro, avait reçu 2 millions de dollars sur son compte en 483 dépôts.
Pendant la même période, l’ex-femme et la mère de Nóbrega, Danielle Mendonça da Costa et Raimunda Veras Magalhães, travaillaient à l’Assemblée Législative de Rio de Janeiro. Elles ont reçu 1 029 042,48 de salaire et ont transféré 203 000 $ à Fabricio Queiróz en respectant le schéma établi par le cabinet pour que ça profite au parlementaire, selon le Ministère Public.
Au total Queirós a transféré 7 millions de dollars en 3 ans. Entre janvier 2016 et janvier 2017, l’ex conseiller de Flavio Bolsonaro a fait plusieurs dépôts et plusieurs retraits pour un total de 1,2 millions de dollars. L’un de ces dépôts, de 24 000 $, a été réalisé sur le compte de la première dame Michelle Bolsonaro, en 2016.
Quand on lui a posé des questions sur les transferts sur le compte de sa femme, Jair Bolsonaro a dit qu’il avait fait un prêt à Queiroz et que ce dépôt faisait partie du remboursement de ce prêt.
Le président a rappelé dans une interview qu’il a été l’ami et l’adjudant de son fils à partir de 1984.
Le Bureau du Crime et la famille Bolsonaro
Ronnie Lessa, Élcio Queiroz, Mad, Leléo et Macaquinho sont dans le catalogue des assassins à la solde du Bureau du Délit, un groupe d’agents des forces de sécurité qui ont travaillé dans la région de Rio das Pedras, à l’ouest de Rio de Janeiro, pendant au moins 20 ans. Chef de l’organisation criminelle, Nóbrega est une figure importante pour comprendre ces délits mais aussi dans la relation entre le clan Bolsonaro et les milices de Rio.
L’avocat de Nóbrega, Paulo Emilio Catta Preta, dans une interview accordée à Globo, à envisagé la possibilité que son client soit mort parce qu’il en savait trop. Mais il n’a pas précisé ce que savait Nóbrega. « Il m’a dit : « Docteur, personne n’est là pour m’arrêter. Ils veulent me tuer. S’ils m’arrêtent, il me tueront en prison. Je suis sûr qu’ils me tueront pour brûler une archive. » Ce sont ses mots, » a dit son défenseur.
L’amitié fait aussi partie de la nature de la relation entre Adriano da Nóbrega et Queiróz , qui se sont connus en 2003, quand ils servaient ensemble au 18e bataillon de la Police Militaire de Rio de Janeiro. C’est précisément là que Nóbrega a reçu le premier hommage de Flavio Bolsonarro à l’assemblée. Le second viendrait en 2005, l’année où Il a été jugé et condamné par le jury populaire pour homicide. Le milicien n’y a pas assisté parce qu’il avait été arrêté.
Pendant son procès, Nobrega a reçu un important de soutien de Jair Bolsonaro , à l’époque député fédéral. Après l’audience qui s’est achevée par la condamnation du milicien, l’actuel Président de la République est allé dans la galerie de la Chambre des Députés et a défendu le militaire : « Il a toujours été un officier brillant. »
En 2007, Nóbrega a fait appel de la décision et à été acquitté. En 2013, il a été expulsé de la Police Militaire pour avoir participé au jeu des animaux.
Un autre personnage important du Bureau du Crime, le major Ronald Paulo Alvès, désigné par Beto Bomba comme le responsable de l’organisation du groupe d’assassins qui a exécuté Marielle Franco et Anderson Gomes, a aussi été honoré par Flavio Bolsonaro.
Un 2004 le fils du président a organisé un acte dirigée par Alvès qui s’est achevé par trois morts. Une année plus tard, en 2003 le major aurait participé au massacre de cinq jeunes dans la boîte de nuit Via Show à Sao Joâo de Méritiez. 4 policiers ont déjà été condamnés dans cette affaire et seul celui qui a été décoré par Flavio Bolsonaro n’a pas encore été jugé.
Le 15 février, après la mort de Nóbrega, Bolsonaro a été interrogé sur ses relations avec les miliciens et a nié tout lien avec eux. « Je ne connais pas la milice de Rio de Janeiro. Je ne sais pas. Il n’y a pas de lien entre moi et la milice de Rio de Janeiro, » a-t-il déclaré.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
NOTE de la traductrice:
1«agrietado». Je n'ai pas trouvé de bonne traduction, « recoin » est très approximatif. Si quelqu'un connaît l'expression qui convient...
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