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Bolivie : Une compagnie d’électricité provoque une crise dans le Gouvernement de fait

1 Octobre 2020, 16:38pm

Publié par Bolivar Infos

Par Emmanuel Gentile

 

La présidente autoproclamée Jeanine Áñez a organisé la privatisation de l’entreprise accusée de délits fiscaux.

 

En moins de 2 heures, 3 ministres du Gouvernement de fait ont démissionné de leur charge ce lundi lors d’une journée fatidique qui a brouillé encore plus la gestion de la présidente autoproclamée Jeanine Áñez à moins de 3 semaines des élections qui mettront fin au cycle politique qui a débuté après le coup d’Etat contra Evo Morales.

 

La crise a éclaté avec le premier départ. Vers 10 heures du matin, le ministre de l’Economie, Óscar Ortíz, a annoncé lors d’une conférence de presse qu’il abandonnait son poste à cause de « divergences profondes » avec le ministre du Gouvernement , Arturo Murillo et il a allégué qu’il s’opposait à la privatisation de la Compagnie d’Electricité et de l’Energie Electrique Cochabamba (ELFEC). Ortíz a précisé qu’il n’avait pas démissionné mais qu’après avoir refusé de signer le décret, le Gouvernement avait décidé de nommer une autre personne à sa place.

 

Ensuite, les ministres du Travail, Óscar Mercado, et du Développement Productif, José Martínez, ont présenté leur démission. Une semaine auparavant, le procureur général de l’Etat, José María Cabrera, qui s’opposait aussi au plan destiné à « rendre » la compagnie d’électricité aux « habitants de Cochabamba » comme le promouvait Murillo et comme l’avait promis avec enthousiasme Áñez lors d’une cérémonie, le 14 septembre, avait été remercié.

 

Quels intérêts derrière ELFEC ?

 

Avant d’analyser la mesure du Gouvernement de fait et ses implications politiques, il faut revenir sur l’histoire de la compagnie en question.  ELFEC est considérée comme l’entreprise la plus ancienne de Cochabamba et c’est elle qui distribue l’électricité dans le troisième plus important département du pays par rapport à la taille de son économie. Son origine et son histoire sont étroitement liées aux élites de cette région.

 

En 1999, la corporation étasunienne Pennsylvania Power and Light Global (PPLG) a acheté EMEL qui est ainsi restée sous le contrôle d’ELFEC, une situation qui devait changer après l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir, en 2006.

 

En 2007,  la Corporation Téléphonique Cochabamba (COMTECO) qui contrôlait les services de téléphonie, la TV par câble et l’internet dans le district, a décidé d’acheter la majorité des actions d’ELFEC. Pour cela, elle a profité de la peur des investisseurs nord-américains qui prévoyaient un processus de nationalisation des entreprises avec l’arrivée d’Evo Morales à la présidence.

 

 Avant de concrétiser l’achat,  COMTECO a créé 3 compagnies ‘offshore’ au Panamá par l’intermédiaire du cabinet d’avocats Mossack Fonseca & Co (MF & Co), célèbres pour avoir aidé des centaines d’entreprises internationales à ne pas payer d’impôts dans leurs pays, selon le journal Los Tiempos qui se base sur les investigations des Papiers de Panama.

 

Sur ces 3 compagnies créées,  Cochabambina de Electricidad S.A., Trabajadores de Luz y Fuerza S.A. et Sociedad Eléctrica Bolivia-Soelbo S.A., il ne reste que la dernière, SOELBO, à laquelle la compagnie nord-américaine PPLG a vendu 100% de ses actions.

 

L’opération s’est concrétisée le 9 avril 2008, quand les titres d’ELFEC sont passés aux mains de COMTECO à travers SOELBO. COMTECO, c’est-à-dire ses 120 000 actionnaires qu’Áñez appelle « les familles de Cochabamba, » contrôlait ainsi 60% de la compagnie alors que les 40 % restants appartenaient aux 360 travailleurs de la compagnie d’électricité.

 

En 2010, Morales a ordonné de nationaliser ELFEC grâce au décret suprême 494  mais la renaissance économique des actionnaires n’a jamais eu lieu et à la suite d’une intervention du gouvernement dans l’entreprise, le réseau opaque qui était derrière tout mouvement a commencé à se révéler.

 

Enrichissement illégal présumé grâce à des entreprises fantômes

 

En novembre 2011, Javier de Udaeta, gérant général de SOEBO et l’ex-gérante de l’administration et des finances d’ELFEC, Ximena Rivero, et l’ex-secrétaire général du syndicat d’ELFEC, Alfredo Viscarra, ont été accusés d’enrichissement illégal, association de malfaiteurs et création de sociétés fictives. Udaeta et Rivero sont toujours en fuite.

 

En 2015, le procureur de Bolivie a mis en examen 11 ex-directeurs de COMTECO pour dommages économiques présumés.  On soupçonne la compagnie d’avoir payé 17 000 000 de $ à une entreprise « fantôme » et à partir de là, a été créée Luz del Valle S.A., située en Bolivie.

 

En août de la même année, l’avocat Óscar Gualberto Claure Villarroel, directeur et conseiller juridique de COMTECO, a été assassiné d’une balle dans la tête sur le parking de la compagnie.

 

Et maintenant ?

 

Peu de choses sont claires dans la gestion d’ELFEC et de COMTECO. Le journal Le Devoir a demandé au patron ultra-conservateur Arturo Murillo, l’un des fonctionnaires les plus puissants du Gouvernement de fait, qui seraient les patrons de cette entreprise si elle cessait d’appartenir à ENDE, la compagnie d’électricité d’Etat.  Murillo a répondu que la compagnie n’avait jamais été aux mains de l’Etat.

 

« ELFEC a acheté COMTECO mais pourquoi ne la rendons-nous pas à COMTECO ?  Pour une raison simple : parce qu’il y a des problèmes. Il y a beaucoup de plaintes, il     y a beaucoup de problèmes , alors, on a divisé les actions, » a-t-il dit en reconnaissant les difficultés légales de cette mesure, une des dernières que prendra le Gouvernement d’Áñez mais il n’a pas précisé comment se fera cette division ni qui en bénéficiera.

« ELFEC est un très bon exemple de la façon dont on n’a pas su agir dans le respect de la Constitution et des lois. C’est un décret qu’on a prétendu faire signer au cabinet  sans qu’il y ait auparavant de contrôle juridique, » a dit l’ex-ministre de l’Economie Óscar Ortíz en annonçant qu’il quittait le cabinet d’Áñez. Et il a ajouté : « je ne pense pas que le Gouvernement, pendant ses dernières semaines, doive signer de nouveaux contrats ou réaliser des adjudications importantes qui devraient être laissés au prochain Gouvernement. »

 

Une enquête réalisée par le collège d’auditeurs de Cochabamba conclut que COMTECO et les travailleurs d’ELFEC ont obtenu de façon tout à fait illégale les actions de la compagnie d’électricité et que, dans le cas des travailleurs, il n’y a aucune preuve qu’ils aient payé pour acheter ces participations qu’ils ont réclamées dans des lettres ouvertes aussi bien au président Morales qu’à  Áñez. Ca aurait été un cadeau de Javier de Udaeta et de son équipe une fois qu’il les a eues obtenues grâce à un processus peu transparent avec la création des entreprises fantômes à Panamá.

 

Source: RT

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2020/09/29/bolivia-como-una-empresa-de-electricidad-genero-una-crisis-de-gabinete-en-el-gobierno-de-facto/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2020/10/bolivie-une-compagnie-d-electricite-provoque-une-crise-dans-le-gouvernement-de-fait.html