Guatemala : Les voix qu’on ne veut pas entendre, les dettes qu’on ne veut pas payer
Par Andrés Cabanas
2020 n’est pas 2015. Si nous le savions du point de vue de la chronologie, maintenant, nous le savons du point de vue politique et social.
Entre 2015 et 2020 se déroule une vie complète : une méga-maladie qui modifie nos relations, plusieurs cyclones et des sécheresses récurrentes, une augmentation sauvage et injustifiée (parce que le Guatemala est un pays aux ressources abondantes) de la malnutrition et de la faim… 5 ans de Gouvernements sans lepeuple et contre le peuple.
Le capitalisme mafieux s’est renforcé brutalement et se renforce encore, grâce à une alliance étroite avec le secteur patronal qui agit pour supprimer le mandat de la Commission Internationale contre l’Impunité, la CICIG, et annuler la lutte contre la corruption. Et l’Etat ? Une absence assourdissante, aussi bien en tant que garantie des droits que pour l’action dans les situations difficiles : pandémie, désastres socio-naturels, urgence alimentaire à cause de la malnutrition et perte de cultures.
Le réarmement autoritaire et pro-militaire s’impose pendant ces années-là : de plus en plus, la gestion de l’administration publique et même de l’espace public ressemble à la gestion d’une caserne : état d’urgence, couvre-feu, incorporation de militaires à la retraite ou d’active dans la gestion des institutions de l’Etat pour donner uen continuité au pouvoir actuel et à ses intérêts.
2020 n’est pas 2015 en ce qui concerne les revendications, les acteurs sociaux, les personnalités émergentes, les nouveaux visages présents avec des formes d’action et d’identité caractéristiques.
En 2015, de grandes mobilisations nationales (indépendamment des limites concernant la stimulation d’un ordre du jour de transformation) ont provoqué la naissance de nouveaux sujets urbains, la prise de conscience de certains secteurs de la classe moyenne (ensuite ils sont revenus en arrière) et la coordination partielle des revendications de lutte contre la corruption et pour une réforme modérée de l’Etat avec les revendications historiques et les revendications de transformations structurelles (refondation de l’Etat, Assemblée Constituante Plurinationale). Les revendications centrales étaient la lutte contre la corruption et pour le renouvellement de la classe politique, sa dignité, et le renouvellement des institutions.
En cette année 2020 qui en a fini au mois de mars avec la pandémie et pendant laquelle, en novembre, s’est engagée une nouvelle phase de mobilisations, on peut remarquer ces variantes :
La revendication d’un budget juste est centrale et implique aussi bien le bon usage des fonds (sans malversations ni corruption) que l’usage adéquat, en terme de priorités, des revendications sociales.
C’est pourquoi, la malnutrition, problème structurel de la faim, est l’un des problèmes les plus mis en avant, jusqu’à présent, dans les manifestations et dans les dénonciations publiques, ce qui représente une avancée par rapport aux revendications précédentes limitées.
La génération de jeunes qui participe et souvent organise les mobilisations n’est pas la même qu’ en 2015. Si cette date a représenté une relève des générations qui, de mon point de vue, a apporté du dynamisme, de nouvelles formes et de nouvelles visions et a renouvelé l’action politique, 2020 peut représenter un renouvellement de génération à l’intérieur du renouvellement et une incorporation importante des jeunes dans les luttes politiques pour la justice et pour la transformation du pays.
L’émergence de groupes de jeunes dans les zones urbaines et rurales est visible, en particulier l’émergence et la force de groupes de femmes et de groupes féministes qui apportent une organisation et une capacité de mobilisation immédiate et massive et une pensée politique solide et nouvelle à la fois.
Le cycle 2020 commence avec des mobilisations simultanées dans de nombreux endroits du pays comme une accumulation d’années de revendications et de frustrations. En 2015, les mobilisations se déroulaient surtout sur la place centrale, et allaient très lentement dans les territoires. La place (et sa connotation urbaine et de classe) se redéfinit en tant que lieu privilégié d’action.
2020, état de la question. Dans l’avoir, l’accumulation pour un nouveau cycle de mobilisations qui apporte dans la mesure où les nouveaux acteurs et les acteurs traditionnels se rejoignent, discutent et organisent des actions communes à partir des diversités avec la capacité de prévoir les risques, de jouer des scénarios complexes et de compléter des stratégies et des actions.
Il y a une grande expérience et des constructions qui aident à nous représenter à partir des territoires et des communautés plus qu’à partir des espaces institutionnels, à continuer à construire ou en faisant vivre des communautés et leurs méthodes de consensus et de participation, à coordonner des sujets pluriels, à construire un nouveau pacte qui remplace le « pas de pacte » constitutionnel et son impossibilité à exister en tant que promoteur de al justice et des droits. C’est le moment de renforcer de nouvelles formes d’organisation et d’action pour avancer vers une nouvelle vie.
Dans le devoir de ce moment historique, nous avons une indigestion et uen fatigue qui vont jusqu’à l’exténuation, bouillon de culture pour des tensions et des manifestations extrêmes d’indignation. La sensibilité sociale est à fleur de peau.
L’Etat n’a rien fait. Les autorités ont fait de la politique et ont fait du budget un butin, sans aucune pudeur ni réserve. Ils nous doivent de l’argent, des droits et aussi la dignité.
Ceci est un nouveau début, nous ne savons pas encore où nous allons. Il est possible que seuls des engagements réels de changement, des pas fermes vers de nouvelles constructions de la société et de nouvelles façon de concevoir lapolitique puissent arrêter l'indignation qui se répand.
Les acteurs du pouvoir entendent retentir les voix qu’ils n’ont jamais voulu entendre et les revendications qu’ils ont toujours refusé deprendre en considération.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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