Bolivie : Le défi de l'industrialisation du gaz et du lithium
Interview du ministre de l'Energie et des Hydrocarbures
par Juan Manuel Boccaci
Il y a quelques jours, la Bolivie a annoncé avoir découvert un « mega-puits » de gaz dans le département de Chuquisaca. Pour le ministre Molina, c'est la première grande réussite du Gouvernement de Luis Arce dans un secteur clef de l'économie bolivienne.
En arrivant à la présidence, Luis Arce a pris la décision stratégique d'unir les ministères de l'Energie et des Hydrocarbures. A la tête de ce nouveau ministère, vital pour le développement du pays, il a placé l'économiste Franklin Molina. La première mission qu'il lui a donnée est de remettre en marche l'exploitation des puits freinée par le Gouvernement de fait. « Ça a été une année perdue, elle nous a été ôtée mais maintenant, nous faisons tout notre possible pour nous rétablir, » a dit l'économiste. Moins de 2 mois après son arrivée au ministère, il a pu annoncer une grande nouvelle : l'entreprise d'Etat des hydrocarbures et un consortium privé ont trouvé il y a quelques jours un « méga-champ » de gaz dans le département de Chuquisaca.
Molina soutient que rien de cela n'aurait été possible sans les politiques de l'ex-président Evo Morales : « La nationalisation des hydrocarbures, c'est ce qui a le plus fait date dans l'histoire du peuple bolivien, » a dit le fonctionnaire. Maintenant, le défi de faire un pas de plus et de poursuivre le processus d'industrialisation des matières premières, avec en tête le gaz et le lithium, lui revient.
Un cadeau de la Pachamama
Arce a qualifié de « méga-champ » le territoire sur lequel ont été trouvées les nouvelles réserves de gaz naturel. « Notre Pachamama nous fait à nous, les Boliviens, un beau cadeau : la découverte d'un superbe méga-champ, » a dit le Président. Concrètement, il s'agit d'un puits dans lequel on a trouvé 1 TCF (un billon de pieds cubiques) qui représentent 10% des réserves de gaz actuelles de la Bolivie. Dans ce puits, auquel on a donné le nom de « Boicobo Sur X-1 », fait partie du projet d'exploration mené à bien par l'entreprise d'Etat Gisements Pétrolifères Fiscaux Boliviens (YPFB) et le consortium formé par Repsol, Shell et Pan American Energy.
« Fin 2021, ce puits va commencer à produire et, par conséquent, va être un apport important pour toute la politique concernant les hydrocarbures de notre pays. »
Pour lui, cette découverte représente le premier encouragement pour le Gouvernement d'Arce. Le président apris ses fonctions il y a moins de 2 mois au milieu d'une grosse crise économique : « Ces nouvelles réserves vont nous garantir l'approvisionnement du marché intérieur et, ensuite, de pouvoir respecter les contrats concernant le gaz que nous avons signés avec l' Argentine et le Brésil, » précise Molina. Sous le gouvernement de fait, le pays a vécu des périodes de pénuries dans l'approvisionnement en énergie et en combustible. En pleine pandémie, de longues queus ont été vues devant les portes des entreprises qui distribuent le gaz : « Le Gouvernement de fait avait arrêter d'exploiter les puits. Ça a été une année perdue, elle nous a été ôtée mais maintenant, nous faisons tout notre possible pour nous rétablir, » a-t-il déclaré.
L'exploitation de ces ressources naturelles est devenu l'un des piliers du modèle bolivien mis en place en 2006 par Morales. Ajouter de la valeur ajoutée pour renforcer les exportations est l'une des tâches pour laquelle le ministre devra faire le plus d'efforts : « En ce qui concerne le gaz, nous exportons 80% de notre production. Si nous parlons de l’énergie électrique, nous sommes aussi un exportateur net. Notre demande intérieure est d'environ 1600 megas et notre puissance installée serait d'environ 3200 megas. Nous avons la possibilité d'injecter cet excédent, » a déclaré le fonctionnaire. En 2019 80% des exportations du pays concernaient des produits à faible valeur ajoutée, selon un rapport de l'Institut Bolivien du Commerce Extérieur (IBCE). Les minerais représentaient 48% des exportations (or, zinc et argent en tête). Le gaz et les autres hydricarbures représentaient 32%.
De la nationalisation à l'industrialisation
A certaisn moments, ces données ont été utilisées pour critiquer la gestion du Mouvement Versle Socialisme (MAS) au pouvoir mais ils oublient que récemment, à partir de 2006, grâce au décret 28 701 pris par Morales, 82% de la production de pétrole est passée dans les mains de l'Etat. Un an auparavant, suite à des mobilisations sociales intenses, on avait modifié la loi sur les hydrocarbures qui fixait à 50 % les redevances de ce secteur envers l'Etat. A ce moment-là débute une étape de nationalisation des compagnies minières, énergétiques, pétrolières et de télécommunications. En 2008 le pays fait le premier pas important vers l'industrialisation de ses matières premières. Cette année-là, YPFB devient une corporation et l'Entreprise Bolivienne d'Industrialisation des Hydrocarbures (EBIH) est créée.
L'exploitation du lithium occupe un autre chapitre de l'histoire de la Bolivie. On estime que le pays a la plus importante réserve de lithium en saumure du monde, située dans la saline d'Uyuni. Avec le Chili et l'Argentine, elle forme un grand réservoir de lithium qu'on appelle « le triangle du lithium. » Le Gouvernement de Morales a décrété en 2008 que ce bien serait exploité par l'Etat. En 2009, avec l'approbation de la nouvelle Constitution de l'Etat Plurinational, il a déclaré les ressources naturelles « de caractère stragtégique et d'intérêt public. » Cela a été l'antichambre de la création, cette même année, de la Gérance Nationale des Ressources Évaporitiques (GNRE). Molina a raconté qu'à l'époque, on avait établi un plan en 3 phases. « Le but était l'industrialisation et la commercialisation du lithium. En 2017, on a créé grâce à la loi Gisement de Lithium Bolivien qui a remplacé GNRE et a pour responsabilité de réaliser toutes les activités de la chaîne de production. C'est dans ce cadre que se sont développées les usines pour la production de batteries. »
Le lithium, cet objet du désir
Le lithium est devenu un bien apprécié dans le monde entier. Son utilisation dans la confection des batteries l'a transformé en « or blanc. » Morales a dit que le coup d'Etat contre lui était un écoup d'Etat contre le lithium. » L'ex-président pensait que les intérêts des Etats-Unis dans l'exploitation de cette matière première était la cause de son renversement. La Bolivie avait souscrit 2 accords avec des capitaux privés pour le traitement du lithium : un avec l'entreprise allemande ACY Systems et l'autre avec le consortium chinois TBEA-Baocheng. « Suite au coup d'Etat, ces projets ont été paralysés. L'idée est de les remettre en route parce que nous pensons qu'il est important d'avoir le know-how de cette sorte d'entreprises qui connaissent le marché et ont la technologie. Ce sera dans le cadre d'une association public-privé conformément à la loi, » a indiqué le ministre.
La signature, en 2018 de l'accord avec ACY Systems pour exploiter la saline d'Uyuni avait provoqué une dure réaction des autorités de Potosí. Il y avait eu des journées de protestation et des marches qui ensuite, ont rejoint le mouvement putschiste. Le Comité Cívico de cette ville exigeait plus de redevances. Molina déclare qu'il faut rétablir le dialogue avec les autorités locales : « Nous allons évaluer tout ce qui a été fait. Nous sommes en train de mettre en marche une stratégie socialement, environnementalement et politiquement soutenable, » a dit le ministre et il a souligné qu'il s'agit d'une industrie difficile et qui demande des années : « En ce moment, nous produisons des batteries pour le marché intérieur. En 2019, l'Etat a signé un accord avec l'entreprise « nacional Quantum » qui fabrique des voitures électriques et à laquelle YLB fournit les batteries.
Dans le cadre d'une vision géopolitique concernant ces ressources naturelles, Molina soutient que l'intégration régionale est vitale. « La Bolivie a un esprit intégrationniste, elle l'a prouvé avec la construction avec l'Argentine et le Brésil de gazoducs qui la place dans cette logique depuis 2 ou 3 décennies. Avec l'Argentine, nous pensons que nous avancerons plus à cause de la vision géopolitique que partagent les présidents Luis er Alberto. » En plus, il a préconisé l'Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) comme plate-forme pour avancer en ce sens. « Sans aucun doute, ce processus avait bien avancé jusqu'à il y a quelques années où diverses forces, meêm exogènes, ont porté atteinte à l'intégration. Je pense que c'est le moment der eprendre cet ordre du jour, » a déclaré Molina.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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