Colombie : Propagande noire contre l' ELN, un mini plan Z
Par Camila Hernández, Cristina Torres
Un précédant: le Chili
« Ça a été une grande manœuvre de guerre psychologique... quand j'i vu le Livre Blanc qui contient le plan Z, il ne m'a pas intéressé parce que j'ai vu que c'étaient des papiers et des photos que j'avais vues après le 11 septembre au Ministère de la Défense. C'étaient tous des documents qui avaient été trouvés dans toutes les perquisitions aux sièges des partis politiques à Santiago. Ils étaient dans une pièce pleine de photos de procès-verbaux des partis marxistes. A partir de là, on doit avoir sélectionné un matériel particulier... J'ai l'impression que les personnes chargées des opérations de renseignement se sont rendus compte qu'il fallait justifier le coup d’État militaire pour convaincre la population civile qu'on les avait sauvés. Alors, on a fait ce livre et il s'est produit un effet social... Ce livre est le produit d'une campagne de guerre psychologique. »
Ce sont les mots de Federico Willoughby-MacDonald, le premier porte-parole de la dictature militaire chilienne. Le lecteur peut visiter Wikipedia ou d'autres encyclopédies virtuelles. Voir ce que fut le Plan Zeta et le Livre Blanc du changement de Gouvernement au Chili.
Ce résumé autorisé, je le dois à la CIA elle-même et au rapport Hinchey du Sénat des Etats-Unis : les militaires chiliens, Pinochet en tête, soutenus par les Etats-Unis, pour justifier le coup d'Etat du 11 septembre 1973, ont réalisé une opération de guerre psychologique et de propagande noire consistant à accuser Salvador Allende et les organisations de gauche en affirmant qu'avec le soutien de Cuba, de préparer des attentats contre des politiciens, des gradés des forces armées et les membres de leur famille. Ainsi, ils auraient renversé Salvador Allende pour « se défendre, » pour « prévenir la violence marxiste. »
Un siège : Cuba
Pablo Beltrán, commandant de l'ELN, l'un des 5 membres du commandement central, se trouve à Cuba depuis mai 2018. 2 mois après, le premier commandant de cette organisation insurgée, Nicolás Rodríguez Bautista, est arrivé sur l'île. Ils participaient à un processus de conversations de paix avec le Gouvernement de Santos qui, en août suivant, terminait son mandat. Pour que cela soit possible, pour que les guérilléros puissent venir, on a demandé des autorisations écrites au Gouvernement colombien. Des diplomates norvégiens, cubains, vénézuéliens, brésiliens et chiliens les ont accompagnés à leur arrivée et ont assuré la sécurité des dirigeants, de l'ensemble de la délégation de dialogue de cette organisation. A ce moment-là, 5 pays agissaient en tant que garants (suivant les instructions de la droite internationale, Lenin Moreno avait déjà tourné sa veste en avril 2018 et ordonné à l'Equateur de se retirer du processus).
La table de conversations s'est installée à son nouveau siège et a repris le processus engagé plusieurs années auparavant. En respectant les règles. Tout cela est normal. Dans l'ensemble, ça s'est déroulé sans problèmes entre 2 parties qui, sans abandonner l'affrontement militaire car aucune obligation de cessez-le-feu n'était en vigueur, cherchaient à discuter pour avancer vers une issue négociée. 2 engagements solennels ont été signés entre l'ELN et de l'Etat colombien, en mars et en avril 2016 à Caracas devant les Gouvernements qui agissaient en tant que témoins. Pas uniquement un calendrier de dialogues, un accord, plusieurs protocoles destinés à rendre possible cette exploration. L'un de ces protocoles prévoit que si les dialogues étaient rompus, on garantirait le retour de la commission politique de la guérilla en toute sécurité. Ca a toujours été ainsi. Entre ennemis. Mais dans l'honneur.
Ce pacte est un instrument du droit international protégé par des normes humanitaires, c'est concrètement un accord particulier qui ne peut pas être rompu. Noam Chomsky, Federico Mayor Zaragoza, Adolfo Pérez Esquivel et plus de 100 intellectuels, juristes, enseignants et écrivains ont demandé le respect de cette obligation internationale. L'Etat colombien ne peut violer cette disposition pour aucune raison ou sous aucun prétexte ni obliger Cuba ou un autre pays à ne pas reconnaître ces principes ou à s'en moquer.
Cuba le sait. Elle a une diplomatie de grande valeur. Elle sait qu'elle n'est un pion ni du Gouvernement colombien ni des Etats-Unis que ce qui existe en Colombie c'est un affrontement armé, c'est pourquoi elle a participé aux processus de paix aussi bien avec les FARC qu'avec l'ELN. Elle sait aussi qu'il ne convient pas d'appliquer les clauses ou les mécanismes d'Interpol dont le traité empêche les Etats membres de s'impliquer dans un conflit armé interne et de poursuivre des délits politiques. Cuba sait que l'ELN est une armée révolutionnaire, que les actes de ses membres font partie de la rébellion, que c'est un recours universel des peuples face à l'oppression, elle sait que les actes d'insurrection étant des délits politiques, ne peuvent être un motif d'extradition ou d'arrestation. En plus d'en arriver à construire une aberration historique, éthique et politique, une contradiction pour la dignité des révolutionnaires cubains, ce serait évidemment un crime international qui a pour nom « perfidie. » Cuba sait aussi que la délégation de dialogue de l'ELN travaille exclusivement dans le domaine politique et diplomatique, dans le domaine des contacts et de la communication pour trouver des possibilités de paix.
Un théâtre: la caverne de Duque
Tenter à présent de faire pression sur Cuba comme le font le Gouvernement et la caverne de Duque pour qu'en plus de les mettre en prison, ce soit Cuba qui devienne ce qu'on appelle en argot policier une espèce de « délateur » est un manque total de respect. C'est du délire ou de la folie.
Le Gouvernement colombien non seulement n'a aucune idée de décence mais même ses fonctionnaires chargés de régler ces questions, assis dans leurs fauteuils et touchent de gros salaires, n'ont pas les moindres qualités morales et intellectuelles ou la moindre qualification professionnelle. Medina Gallego, un analyste de ces questions déclarait il y a quelques jours que la haut commissaire pour la paix, Miguel Ceballos, dont les conneries n'ont pas de limites était complètement stupide. Il a dit : « Il quittera cette charge comme le fonctionnaire le plus inapte chargé d'un sujet aussi important que la paix dans le pays. Sur Ceballos, circulent déjà des remarques sur sa condition dégradante et sur son rôle dégradant.
Le commandant Beltrán achève une série d'interviews après une semaine agitée dans laquelle on a dit que l'ELN préparait un attentat à Bogotá. Il a affirmé que l'information que l'ambassadeur de Cuba à Bogotá, José Luis Ponce, était fausse, venimeuse, toxique ou qu'elle ne correspond à rien.
Dans le sillage de Ceballos, d'une partie de ses collaborateurs et comme le Gouvernement à sa disposition, sous contrainte judiciaire, Francisco Galán ou Felipe Torres, des déserteurs de l'ELN fins connaisseurs du discours des insurgés et capables de seprêter à la propagande noire ou grise contre leurs ex-camarades ou simplement d'autres analystes ou agents des services de renseignement, il est très probable qu'ils soient derrière le haut commissaire non seulement pour réaliser un document apocryphe sur lequel s'est basé le journal El Tiempo pour dire que l'ELN est divisée et contaminée par le trafic de drogues mais dans lequel on note que cette guérilla simulerait un processus de paix uniquement pour que sa délégation à Cuba rentre au pays.
En effet, l'ex-président colombien Ernesto Samper, dans un message très clair, explique cette charge : « L'attitude de Cuba de partager des informations sur d'éventuelles actions de l'ELN est un geste amical qui contraste avec la décision perfide de la Colombie de demander l'extradition des négociateurs de l'ELN pour justifier la décision de Trump de considérer Cuba comme un pays terroriste. Le conseiller pour la guerre Ceballos se déchire les vêtements parce que Biden est en train de réviser la politique erronée d'inclusion de Cuba dans la liste des pays terroristes parce que la Colombie a demandé l'extradition des négociateurs de l'ELN qui sont là-bas. »
L'ambassadeur Ponce est un vétéran de la diplomatie cubaine mais l'information qu'il a reçue a certainement pris de court sa bonne foi et sa bonté malgré son expérience. Ils l'ont trompé. Que cette information ait été apportée par un parlementaire de gauche, par exemple, ou par quelqu'un à qui l'ambassade accordait une grande confiance, signifie non seulement que certains, en Colombie, ont fait preuve de naïveté, de précipitation, de légèreté et d'irresponsabilité, poussés par l'obsession de l'insurrection mais montre la capacité lugubre de créer et de faire circuler de fausses informations pour créer une ambiance d'attentats qu'on mettrait ensuite sur le compte de l'ELN et la perversion qui caractérise le Gouvernement actuel, disposé à employer tous les sortes de propagande utilisées en temps de guerre par exemple, montrant ainsi la vulnérabilité, l'innocence ou la manipulation des autres.
Duque a tenté de renverser Maduro en l'accusant, entre autres choses, de protéger l'ELN, il n'y est pas arrivé. Il a cherche à faire pression sur Cuba pour qu'elle extrade les délégués de l'ELN, il n'y est pas arrivé. Il a voulu entreprendre une bataille juridique et politique en cherchant des alliés dans cette affaire, il l'a perdue sans l'avoir livrée et il est resté seul avec Trump. Il a cherché à imposer des conditions inacceptables pour l'ELN comme si c'était un groupe insurgé vaincu par les armes et moralement, il n'a rien obtenu du tout. Tout a été un fiasco. Maintenant, après le départ de Trump et voyant qu'il allait terminer son mandat sans aucun résultat important. Comme Santos y est parvenu en démobilisant et en démantelant les FARC, aujourd'hui réduite en miettes, Duque cherche, face à l'unique organisation rebelle qui existe à présent et s’agrandit, non à chercher un processus de paix sérieux, non à suivre une voie dont le pays a besoin, mais à essayer ce que ses hallucinations lui permettent : une pitrerie, un show, un attentat, rendre plus trouble un fleuve déjà agité par les bénéfices des pêcheurs avides de voix en 2022…
Les prête-noms
Mais le problème n'est pas seulement le régime de Duque, c'est aussi l'absence d'intelligence, de maturité et de cohérence d'une partie importante de ceux qui, dans différents espaces ou dans divers clans, en voulant que se poursuive une tentative de paix et que l'ELN accepte humblement le même scénario que celui qui a été appliqué aux FARC, dans la pratique sont des prête-noms, deviennent des ventriloques, des gens qui se prêtent, comme des pantins, à d'autres qui les manipulent pou que ce soit eux qui soient l'image visible, dans ce cas, d'un bobard. C'est ce que révèlent les événements de ces jours-ci. Ils démontrent que non seulement Duque manque de capacités ou d'une vision, d'une stature historique et d'intelligence mais que certains acteurs politiques et agents d'opinion sont aveuglés par cette obsession anti-guérilla.
Iván Cepeda, un sénateur engagé dans la pacification, médiateur de paix du Gouvernement Santos, une personne sage et modérée, ne s'en remet pas au Memorandum de Cuba dans lequel on parle d'une soi-disant ou d'une hypothétique « attaque militaire » de l'ELN. Non. Cepeda va plus loin. Il pousse plus loin son action comme s'il avait d'autres données. Il dit que ce que fait Cuba est une preuve wqu'elle ne tolère pas le « terrorisme » à propos de l'acte « terroriste » de l'ELN qui serait évité avec la remise de cette information au Gouvernement Duque. Un contresens ? Est-ce que c'est cela, sa cohérence ? Il doit savoir que le langage qu'il utilise compte beaucoup dans ce problème. Où est sa condamnation publique de l'usage d'explosifs quand, en mai2020, en pleine pandémie, l'Etat colombien a bombardé avec 2 tonnes de poudre le camp dans lequel se trouvait Alejandro Montoya, un membre de la délégation de dialogues de l'ELN ? Où, sénateur ?
Comme son collègue parlementaire Roy Barreras qui, militaire d'extrême-droite de l'uribisme paramilitaire et mafieux, a tourné la veste tous les 2 ans pour trouver des voix et des mécanismes, et se situe à présent au centre où, comme s'il était un commandant de l'ELN, il exige en fanfaronnant des comptes de cette organisation d'insurgés. D'autres également, sans avoir pour cela la moindre autorité morale, n'ayant aucun fait concret pour juger ainsi, se laissant mener par le bout du nez par les fausses informations, le langage anti-insurgés ou la propagande grise qu'ils servent comme des marionnettes utiles, reproduisent d'avance la qualification que Duque utilise pour refuser un processus de paix.
Il faut dire que dans cette situation révélatrice la presse dominante a à nouveau affiché sa relation servile et indécente avec les intérêts les plus bornés qu'elle suit sans comprendre que l'ELN est un guérilla rebelle, régie par ses statuts et par le droit humanitaire, qui défie le monopole de la force de l'Etat, qui a ses propres règles et que par conséquent, elle n'accepte pas les diktats de son ennemi au moment de décider de ce qui est licite ou légitime dans la guerre de guérilla et si l'ELN a ou non une ligne ou une unité de commandement. Beltrán a déjà expliqué jusqu'à plus soif qu'il existe un soulèvement armé légitime et qu'étant en conflit avec les élites, la tâche de la délégation à Cuba est de chercher et d'espérer des conversations de paix et qu'il n'y a pas de divisons à l'intérieur mais un partage logique des fonctions comme dans toute organisation politico-militaire.
Enfin, une journaliste, Patricia Lara, qui, à une autre époque, s'était distinguée de la bande de bellicistes des médias officiels, en commentant cette situation (suite aux rapports des ONG qui révèlent que l'Etat a été incapable d'infliger de sévères coups à l'ELN ces dernières années) dit que le Gouvernement « est venu dire que ce n'était pas nouveau » et qu'il « réaffirmait sa ferme décision de « démanteler » l'ELN, ceci étant « la seule façon de les empêcher de commettre d'autres actes terroristes dans diverses régions du pays. » Lara conclut : « Ce serait très bien. Mais sous le Gouvernement Duque, nous avons vu que seuls 2 chefs de clans sont tombés et qu'un tout petit groupe s'est démobilisé. » A nouveau, le langage. Ils attendent des résultats meilleurs et sanglants.
L'ELN a expliqué : « Nous alertons l'opinion publique surle fait que les forces amées de l'Etat envisagent de réaliser des actes terroristes contre la population dans le but d'en rendre l'ELN responsable pour intensifier les pressions internationales contre notre délégation de dialogues qui se trouve à Cuba. » Il n'y a aucun doute sur le fait que dans ce but, les services de renseignement et de propagande de l'Etat colombien ont monté une opération psychologique dont ils sont sortis perdants.
Quelque chose comme un mini plan Z contre l'ELN, sachant que cette guérilla agirait ou pourrait agir à tout moment, ce ne serait pas étonnant qu'elle le fasse pendant le mois de février pour commémorer la mort au combat du prêtre commandant Camilo Torres Restrepo (15 février 1966). Il est possible que l'ELN agisse car il n'y a pas de trêve signée ni de trêve unilatérale. Peut-être que ce que les créateurs du petit plan Z auriaent pu obtenir, c'est que l'ELN arrêtent pendant un temps ses actions militaires ou une sorte d'opérations à certains endroits car comme elle l'a affirmé, « le Gouvernement de Duque a fait savoir à plusieurs occasions qu'il organiserait des opérations militaires permanentes contre l'ELN. Par conséquent, nous avons le même droit à agir dans le même sens puisque nous sommes les 2 parties de ce conflit de plus d'un demi-siècle. Suggérer que l'ELN 'renonce à ses actions militaires » est une naïveté qu'ils ne pourront pas obtenir avec des manigances médiatiques parce que cela doit être mené à bien lors d'une table de négociations et que l'Etat colombien doit faire la même chose. »
La préparation d'une opération de faux drapeau montrant son objectif ou les intentions perverses de l'Etat colombien à cause de son incapacité à affronter un processus de dialogues a servi cependant de test en identifiant des réponses, des réactions, des langages, des expressions...
Albert Einstein disait : « La stupidité humaine n'a pas de frontières mais il faut poser des limites aux stupides. »
A la mémoire de Javier Pascual, internationaliste, camarade
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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