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Equateur : L'héritage de 4 années de coalition réactionnaire 

21 Mars 2021, 18:29pm

Publié par Bolivar Infos

Par Adoración Guamán, Jonathan Báez

 

Lasso, l' allié permanent de Moreno pendant son mandat, envisage de mettre en place un programme nettement néolibéral.

 

Le 2 avril 2017, le candidat Lenín Moreno s'est proclamé vainqueur du second tour des élections présidentielles. Il avait obtenu la présidence après une campagne basée sur un plan de gouvernement de tendance sociale en promettant la continuité du bien-être et de l'institutionnalisation des années de gouvernement de Rafael Correa. Face à lui, le candidat de la droite réactionnaire d'opposition, Guillermo Lasso, représentait la ligne néolibérale dure.

 

4 ans plus tard, la fin du mandat de Moreno approche et le bilan de sa gestion démontre que loin d emettre en place sa proposition initiale, choisie par le peuple équatorien lors des élections, le Gouvernement de Moreno a développé les propositions du programme de Guillermo Lasso. Moreno a ainsi mis en place un « néolibéralisme par surprise » en déformant le mandat qu'on lui avait accordé pour se mettre au service d'une minorité qui, en réalité, avait voté pour Guillermo Lasso.

 

Pour démontrer cela, il est indispensable de rappeler la situation économique et sociale au moment des élections de 2017. L'Equateur de 2017 dans un climat socio-économique suscité par une décennie d'amélioration progressive. Entre 2006 et 2016, environ 1 500 000 personnes avaient cessé d'être pauvres et l'extrême pauvreté avait baissé de moitié (900 000 personnes en étaient sorties). La pauvreté à plusieurs dimensions, entre 2009 et 2016 s'était réduite de 27,2% à 16,9%, la différence entre le revenu des 10% les plus riches de la population et des 10% les plus pauvres était passée 36,4 fois à 24,3 fois. En termes de travail, le pays avait réduit l'emploi informel de 17 points et avait le nombre de chômeurs le plus faible d'Amérique Latine avec une augmentation de presque 2 000 000 de personnes affiliées à l'IESS. Según lss données de 2016, le revenu mensuel d'une famille couvrait 95,7 % du panier de base de la ménagère. De plus, en termes d'emploi public, on peut parler d’une multiplication par 2 du nombre d'employés dans des domaines aussi essentiels que la santé et l'éducation avec des salaires dignes.

 

Dans cette situation, la candidat Lasso a présenté des propositions parmi lesquelles nous pouvons souligner les suivantes : réaliser une consultation populaire sur les réformes récentes de la Constitution et « dépolitiser » les organismes de contrôle, assurer l'indépendance technique de la Banque Centrale, réduire le secteur public, approuver une loi destinée à « blinder » la dollarisation, réduire les impôts et les droits de douane, suspendre l'impôt sur la sortie de devises, attirer l'investissement étranger et signer des traités de libre commerce, augmenter la productivité de l'industrie pétrolière, énergétique et minière grâce à une plus forte participation du secteur privé, « rationaliser » les ressources destinées à la lutte contre la pauvreté ou retirer les désinvestissements aux entreprises publiques et aux compagnies dans lesquelles l'Etat a une participation majoritaire. En matière de travail, ce plan comprenait des mesures destinées à stimuler des modalités contractuelles précaires (flexibiliser le temps de travail, diminuer les journées et le salaire, etc...) ou atypiques (contrats spéciaux précaires pour les jeunes), réformer la règlementation concernant les licenciements (sous l'expression subtile de « simplifier les conditions d'engagement et de départ »), incorporer des bonifications fiscales pour les patrons sans prendre en compte la sorte de contrat grâce auxquels ils créent des postes de travail ou privilégier l'investissement grâce à la concession d'avantages liés à l'utilisation de la main d'oeuvre.

 

Il n'est pas difficile de voir comment toutes ces mesures se retrouvent dans les réformes des règles et des politiques publiques réalisées par le Gouvernement de Lenín Moreno dès le début et en particulier après l'approbation de l'accord avec le Fonds Monétaire International -FMI-. En effet, dans cet accord, le prêt de cet organisme est soumis à une série de conditions qui impliquent l'adoption d'un grand nombre de réformes qui coïncident complètement avec celles dont nous avons parlé précédemment. L'alignement du programme de Lasso, des exigences du FMI et de l'action du Gouvernement de Moreno est parfait. Ainsi, ici comme ailleurs, le FMI a exigé une dévaluation intérieure avec la précarisation de la vie des majorités sociales du pays.

 

En signalant ces réformes mises en place, nos devons rappeler que dès le début du gouvernement de Moreno des réformes du travail destinées à faire baisser le prix de la main d'œuvre ont été mises en place dans les secteurs liées aux entreprises des ministres de cette branche (comme le secteur de la banane et l'ancien ministre du travail Raúl Ledesma, connu pour être un patron bananier dont le frère était président du syndicat des exportateurs de ce produit). Ensuite, des réformes fiscales ont été faites pour réduire les impôts des investisseurs étrangers et des grandes entreprises. En 2019, ces réformes ont fait perdre 1,2 % du PIB aux coffres de l'Etat , selon les estimations du FMI même ou de 1 310 000 000 selon d'autres analystes. P2 L7Une autre grande réforme a été l'abrogation précoce de la « loi organique pour éviter la spéculation » connue sous le nom de « loi sur la plus-value pour complaire aux Chambres de la Construction dont le représentant Enrique Pita fut nomme conseiller au Conseil National Electoral, le plus haut organisme électoral en Equateur. Parallèlement, le Gouvernement a mis en place un « plan d'amaigrissement » de l'Etat qui a impliqué la suppression de ministères, la réduction du budget et des dépenses du secteur public. Selon les prévisions du FMI, la facture salariale du secteur public devait être réduite de 10%, ce qui rendait nécessaire de licencier quelques 140 000 fonctionnaires publics. En réalité, comme les citoyens de l'Equateur le savent bien, on en a licencié plus.

 

Le Gouvernement de Moreno a fait exactement le contraire de ce pour quoi l'Equateur avait voté et n'a pas respecté le mandat du peuple en ignorant de façon évidente les principes de base de la démocratie représentative. Les résultats, en plus de l'absence de légitimité d'origine, ont provoqué une débâcle sociale sans précédent dans l'histoire du pays.

 

Pendant ses années de gouvernement, Moreno a fait entrer dans la pauvreté 1 870 000 personnes, plus que le nombre de personnes qui en étaient sorties en 10 ans. La même chose s'est produite avec l'extrême pauvreté : entre 2016 et 2019 plus de 98 000 y sont retombées. Si nous ajoutons les personnes qui y sont retombées pendant cette année 2020 de pandémie,1 170 000 personnes sont extrêmement pauvres. Le travail des enfants est redevenu un problème pressant en Equateur. En 2019, il atteignait déjà 8,9%, le plus haut niveau observé entre 2007 et 2019. La pauvreté à plusieurs dimensions dans le domaine rural a augmenté de presque 11 points : 7 personnes sur 10 sont pauvres parce qu'elles n'ont pas de revenus mais aussi parce qu'elle sn'ont pas accès à l'éducation, à la santé, à la sécurité sociale et parce qu'elles sont entassées. De plus, si en 2019, 10 des 14 indicateurs de pauvreté se osnt détériorés, en 2020, tous l'ont fait.

 

La pauvreté est liée inévitablement à la précarité dans le domaine du travail dont la croissance exponentielle a découlé directement des réformes de la législation sur le travail mises en place par le ministre de la branche et par l'ensemble des règles qui ont été instaurées pour suivre les directives économiques et sociales du FMI. La politique du travail erronée adoptée dès le début de la pandémie (la mal nommée Loi Humanitaire) qui va en sens contraire des directives de l'Organisation Internationale du Travail et de l'ensemble des pays qui ont eu soin de protéger leur population et pas d'assurer des bénéfices aux élites économiques a fait exploser les taux de précarité existants. 

 

Le Gouvernement a voulu occulter le désastre en manipulant grossièrement les données statistiques et en modifiant, sans explications techniques, l'échantillon utilisépar l'institut national de statistiques et de recensement. En fait, cette volonté d'occulter des données a donné lieu à un retard considérable dans la présentation des résultats de l'enquête concernant l'emploi. Sa publication, en janvier 2021, montre des données peu crédibles comparés à celles des pays proches et au développement d'un système du travail en crise. La démission du directeur de l'INEC quelques jours avant la présentation des résultats est une preuve de plus du mauvais gouvernement et de la désinstitutionnalisation du morénisme qui préfère gouverner à l'aveugle plutôt que de publier les données réelles du marché du travail et ainsi occulter les résultats de la droite réactionnaire au gouvernement.

 

En l'absence de données fiables, il faut regarder ce qui s'est passé en décembre 2019 qui annonçait déjà le désastre dans le domaine du travail. Si nous analysons la précarité en considérant le niveau de revenus, la sécurité sociale et la stabilité, nous constatons une augmentation de celle-ci de 0,397 en 2016 à 0,427 en 2019. L'augmentation du chômage qui était déjà une réalité en décembre 2019, a explosé avec la pandémie sans qu'il y ait de politiques destinées à palier la pauvreté de la force de travail qui est restée sans emploi. De nouveau sans données fiables, on peut estimer cette augmentation en regardant les termes des contrats de travail pendant la pandémie. Entre mars et août 2020, plus de 175 000 ont pris fin. Les plaintes ont augmenté de presque 487% entre mars et novembre de cette même année.

 

Dans cette terrible situation, le candidat Lasso envisage de poursuivre dans la même voie et fait des propositions destinées à attiser le feu en y jetant de l'huile et évidemment, sans subventions. L'allié permanent de Moreno pendant son mandat envisage de mettre en place un programme de gouvernement nettement conforme à l'ajustement néolibéral qu'a applique le parti de Moreno à l'instigation du FMI. Parmi ces propositions, on trouve à nouveau des mesures de flexibilité du travail, la baisse des impôts, les privatisations ou la promotion de « l'esprit d'entreprise. » Des recettes qui ont toutes échoué pour les majorités sociales mais très rentables pour les élites économiques. 

 

Pour prouver cette alliance d'intérêts entre les classes dominantes et le Gouvernement Moreno-Lasso, on peut utiliser l'information fiscale. En analysant celle-ci, nous voyons qu'en 2016, le rapport entre les revenus des élites patronales et le salaire de base unifié était de 88 fois et qu'en 2019, ce rapport est de 131 fois. En termes historiques, cette évolution est plus évidente. Alors que la proportion des revenus per capita du décile le plus riche était en 2007 de 43,47%, elle diminue en 2016 jusqu'à 35,51% pour augmenter à nouveau à 35,96% en 2019 et même à 38,55% en 2020. En d'autres termes, les plus riches ont la plus grosse part du gâteau comme il y a 10 ans. Ainsi, et alors qu'on imposait une baisse des salaires, et même leur gel pour l'année 2021, on permet et on encourage une augmentation brutale des revenus des élites qui exacerbe les inégalités dans le pays.

 

Les données ne mentent pas. Si Lasso, l'allié permanent de Moreno et du FMI pendant ses 4 années de gouvernement, gagne, on nepeut rien attendre d'autre que la poursuite de l'application du programme néolibéral et un renforcement plus réactionnaire de celui-ci. Le second tour est une opportunité pour rejeter ceux qui ont gouverné au service des élites économiques et en tournant le dos aux majorités sociales.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/03/17/ecuador-el-legado-de-4-anos-de-gobierno-de-la-coalicion-reaccionaria/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/03/equateur-l-heritage-de-4-annees-de-coalition-reactionnaire.html