Venezuela : Objectifs et acteurs de la construction d'un front à Apure
Les opérations de la Force Armée Nationale Bolivarienne (FANB) dans l'état d'Apure, au sud du Venezuela, sont destinées à démanteler des groupes armés illégaux en provenance de Colombie qui se sont infiltrés en territoire vénézuélien.
L’extension du conflit colombien sur le sol vénézuélien ainsi que ses acteurs sont une composante importante d'un cadre de « guerre diffuse » qui se projette au Venezuela à partir de l'angle sensible que constitue le tronçon frontalier entre les 2 pays.
La frontière « poreuse » et les acteurs « diffus »
Un premier élément qu'il est indispensable de considérer à propos de ces événements sur la frontière est le cadre de la guerre diffuse. Selon Pablo Bonavena et Flabián Nievas, sociologues de l'université de Buenos Aires, auteurs d'un travail sur « Les nouvelles formes de guerre, leurs doctrines et leur impact sur les droits de l'homme, » la longue guerre en Colombie a des caractéristiques particulières :
« La guerre comme on l'a connue au XIXème siècle, a cessé d'être un affrontement entre armées professionnelles et régulières pour prendre des caractéristiques d’irrégularité, devenir plus crue et actuellement, elle comprend un spectre d'actions inadmissibles du point de vue juridique et moral et plus encore du point de vue des droits de l'homme. »
De sorte que les bandes diffuses de la guerre en Colombie se sont traditionnellement camouflées sur la frontière poreuse entre les 2 pays en opérant simultanément sur les 2 tronçons du corridor frontalier en violant les droits de la population frontalière et parfois en
déposant la position de force légitime des Etats et la gestion de ceux-ci sur ces territoires, ces forces paramilitaires étant devenues des acteurs qui imposent une autorité de fait.
La cas d'Apure est emblématique précisément parce qu'on reconnaît dans ce territoire un axe géographique stratégique pour les bandes paramilitaires et les guérillas et ceux qui font la guerre en Colombie la font dans l'intention d'étendre leurs structures sur ce flanc du côté vénézuélien.
Les autorités vénézuéliennes ont été claires sur les intentions tactiques et stratégiques de ces mouvements de pièces. Depuis le mois de février, l'Opération Bouclier Bolivarien se prépare au Venezuela dans le cadre des manœuvres militaires « Commandant suprême Hugo Chávez Frías 2021 » organisées par le commandement stratégique opérationnel de la Force Armée Nationale Bolivarienne (CEOFANB) début mars pour « augmenter la préparation opérationnelle de la Force Armée Nationale Bolivarienne, combattre et expulser les menaces internes, externes et les groupes armés colombiens qu'on pourrait trouver dans le pays. »
Les résultats obtenus rendent compte de l'objectif des opérations militaires et le G/J Vladimir Padrino López est le porte-parole de l'Etat qui dénonce les acteurs politiques qui soutiennent le schéma criminel en voie d'insertion sur la frontière colombo-vénézuélienne. Le combat de l'Etat vénézuélien contre Los Rastrojos et d'autres acteurs non d'Etat en relation avec le trafic de drogues et diverses activités délictueuses dans l'ouest du pays est un précédent immédiat des actions que la FANB et d'autres institutions de sécurité du pays ont mené à bien en tenant compte de l'étroite relation qui existe entre le trafic de drogues colombien, l'Etat aujourd'hui présidé par Iván Duque, les cartels mexicains et l’Administration de Contrôle des Drogues (DEA), une agence du Département de la Justice des Etats-Unis.
Cela a provoqué un déploiement en profondeur et cohérent de la FANB sur la frontière et maintenant, ses opérations ont eu des accrochages avec les acteurs diffus qui font des incursions sur le sol vénézuélien dans le Haut Apure. A cause de ses caractéristiques géographiques, les plateaux du Haut Apure du côté vénézuélien et l'état d' Arauca du côté colombien ont été utilisés pour installer des camps et des pistes qui ont été utilisés par ces groupes pour faciliter l'expédition de drogues et pour la logistique des cartels mexicains.
La position actuelle des opérateurs colombiens peut se résumer à une modalité de « tertiairisation » dans laquelle se développent les maillons inférieurs de l'industrie du trafic de drogues, ce qui implique le développement de plus en plus important de l'infrastructure territoriale des trafiquants de drogues.
Les factions dissidentes des FARC «Gentil Duarte», le Front 10, le Front 28, le Front 33 (apparenté à la Seconde Marquetalia1 d'Iván Márquez et de Jesús Santrich) sont des membres des FARC qui, après l'échec des accords de paix de 2016 seraient restés favorables à l'usage des armes et les « dissidents » du Front 10 et du Front 28 seraient ceux qui auraient affronté la FANB dans l'état d'Apure.
Ces forces, selon les autres fronts actifs des FARC, collaboreraient avec le Gouvernement d' Iván Duque et fonctionneraient comme des opérateurs tiers de la structure de trafic de drogues.
Dans le cadre d'une guerre diffuse, le front de l'information et de la communication est aussi dispersé que les acteurs. Le Gouvernement d' Iván Duque a désigné les autorités vénézuéliennes comme « responsables » des événements parce qu'elles auraient soi-disant collaboré avec les guérillas. En même temps que ces événements, un attentat à la voiture piégée a eu lieu à Cauca (Colombie), un endroit où Iván Duque devait se rendre ensuite pour une cérémonie de propagande évidente, précisément pour se montrer dans une zone de conflit armé (au détriment des risques pour sa sécurité) sans que les circonstances l'exigent.
Aussi bien ce qui s'est passé à Apure, y compris le déplacement de circonstance de Vénézuéliens et de Colombiens habitant du côté vénézuélien vers Arauquita (Colombie) que ce qui s'est passé à El Cauca a été utilisé comme rideau de fumée pour couvrir dans la communication les assauts qu'a subi l'uribisme récemment, à cause des dénonciations de Salvatore Mancuso (autrefois le plus haut chef militaire des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC) qui a dénoncé les militaires colombiens uribistes pour avoir créé des armées paramilitaires.
En effet, par ses caractéristiques, il est très probable que l'explosion d'une voiture piégée à El Cauca, le 26 mars, ait été une opération de faux drapeau. D'où cette autre composante de la guerr diffuse : les méthodes et les actions sur le terrain sont aussi dispersées. Ils cherchent une confrontation directe entre les forces militaires de Colombie et celles du Venezuela.
Objectifs de la création de ce front
Les événements récents dans l'état d'Apure ont été révélés par les autorités vénézuéliennes comme des actions de protection du territoire national après qu'en totale cohérence avec les événements qui ont eu lieu en 2020 dans le cadre de l'Opération Gedeón ratée, le sol colombien ait servi à projeter le développement d'un conflit armé sur la sol vénézuélien grâce à des acteurs dispersés.
Bien que ces événements aient eu lieu dans le sud du pays, la cible essentielle de ces opérations est la structure du pouvoir à Caracas.
Le ministre de la Défense de Colombie a donné l'ordre d'envoyer 2 000 soldats tout au long de l'année pour renforcer l'escadron avancé d'observation de la frontière. Le ministre de la Défense G/J Vladimir Padrino a dénoncé le fait qu'après avoir abandonné ses frontières, maintenant, Iván Duque envoyait des troupes à Arauquita pour « protéger la fuite » des groupes armés.
Entre temps, au plus haut niveau, à Caracas, on pense que les intentions des mouvements des forces gouvernementales colombiennes seraient plus scabreuses.
« Ils veulent aggraver uen attaque puissante contre l'unité militaire, un massacre de notre Force Armée qui provoque une réponse ferme et un affrontement direct commencerait alors entre les forces armées de Colombie et celles du Venezuela, » a déclaré le président Nicolás Maduro.
Il a signalé à diverses occasions qu'il existe des plans organisés depuis la frontière pour mener à bien une attaque armée et même une invasion destinée à mettre fin au Gouvernement chaviste.
La situation actuelle à Apure ferait partie de ce même plan. Après avoir fait connaître les événements du 21 mars, le président Maduro a accusé Duque et le Commandement Sud des Etats-Unis de soutenir ces groupes armés qui sont entrés illégalement.
« Ce sont des groupes (…) qui coordonnent une stratégie de l'oligarchie colombienne et du Commandement Sud [des Etats-Unis ] pour amener la guerre contre la Force Armée et le peuple du Venezuela sur la frontière avec le Venezuela, » a-t-il affirmé.
¨Pour sa part, le chancelier vénézuélien Jorge Arreaza a signalé que, de Colombie, ils protègent ces groupes armés, contrairement à ce qu'ils affirment.
« Regardez : La FANB affronte des groupes illégaux armés colombiens et elle les expulse. Ils fuient en Colombie. Personne ne les arrête ou ne les affronte, là. Bogotá envoie des troupes sur place. Ils ne les poursuivent pas et ne les capturent pas. Ils envoient des troupes pour les protéger. Alerte ! Quepersonne ne s'y trompe ! » a averti Arreaza.
La soi-disant construction d'un arc de conflit armé ouvert et échelonné en apparence pour ne saper que la sécurité de la frontière consiste en réalité à construire un front destiné à compromettre la sécurité et la stabilité de tout le pays.
Les événements dans le domaine des institutions montrent à nouveau qu'il est possible de renforcer un point d'attention international dans ce nœud critique. Les institutions de la Colombie, un pays qui compte plus de 8 000 000 de déplacés par la guerre à l'intérieur du pays, revendiquent à présent « une intervention internationale » dans cette zone. Le bureau du Procureur de Colombie a appelé instamment le Gouvernement d'Iván Duque à demander à des organismes internationaux d'accompagner et de ocntrôler la situation de « déplacement massif » de migrants vénézuéliens vers Arauca à cause des affrontements dans l'état d'Apure.
Bien que le déplacement vers Arauca ait été décrété « calamité publique, » le bureau du Procureur de Colombie insiste qu'on doit donner des garanties de soins humanitaires aux soi-disant 4 700 Vénézuéliens qui ont quitté le pays à cause des denriers affrontements, rapporte le média colombien El Tiempo.
Le bureau du Procureur de Colombie a aussi demandé l'arrêt des affrontements en territoire vénézuélien. « Il faut mettre fin aux faits qui obligent la population civile à se déplacer. Pour cela, nous avons besoin d'une analyse profonde en matière de sécurité, » dit le bureau du procureur avec un cynisme évident étant donné que les autorités de la Colombie n'ont pas réussi à faire respecter les accords de paix qui avaient mis fin à la guerre en Colombie qui s'étend au Venezuela.
La procureure générale Margarita Cabello a affirmé que l'action du Gouvernement de Duque n'est pas suffisante. A son avis, il faut « l'intervention d’organismes internationaux » et qu'on s'occupe de ce problème « en profondeur et immédiatement. »
Au-delà des « préoccupations » apparentes du Gouvernement de la Colombie, les faits les démentent. Peut-être l'élément le plus cohérent de la construction de cet arc de guerre est-il ratifié par la position unilatérale du Gouvernement colombien qui se plie à la tentative d'isolement politique du Venezuela qui s'est concrétisé par la rupture des relations bilatérales. Cela implique dans les faits l'absence de mécanismes de reconnaissance, de collaboration et de discussion entre Gouvernements pour envisager les réalités frontalières et mettre en œuvre dans une mesure minimale des politiques de sécurité sur le frontière.
Mais au-delà des prétentions politiques superflues du Gouvernement colombien, les raisons de fond pourraient être autres. Ce pourrait être de favoriser l'extension des structures de trafic de drogues pour maintenir grâce à elles le flux de ressources destinées au développement de la guerre perpétuelle en Colombie. Mais en plus, la construction d’une guerre sur la frontière entre les 2 pays pourrait avoir pour but stratégique le renforcement des pressions sur le Venezuela à de nouveaux niveaux de violence armée. Les dénonciations en provenance du Venezuela sur la DEA,le commandement sud et par conséquent le Gouvernement colombien lui-même et ses structures armées tertiarisées en tant qu'acteurs sur le terrain au milieu d'opérations de faux drapeau, acteurs de récits dispersés, sont très sérieuses.
En plus, cette sorte d'opérations semblent porter la marque des démocrates au pouvoir aux Etats-Unis qui, pendant leurs 8 dernières années de gouvernement, sous la présidence de Barack Obama, ont employé les méthodes de guerre avec des mercenaires pour démanteler la Libye et la Syrie sans parvenir à leurs objectifs.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
NOTE de al traductrice:
1. La république de Marquetalia (espagnol : República de Marquetalia) est une zone autonome constituée en 1958 en Colombie. Cette zone vit en marge du pouvoir central colombien entre 1958 et 1964, à tel point qu'elle a parfois été décrite comme une « république indépendante »4, une appellation récusée par ses dirigeants, qui préfèrent parler de « groupe d'autodéfense » ou de « zone organisée du mouvement paysan »d 2. Elle fut utilisée comme refuge par des populations fuyant la violence des zones voisines, avant d'être reprise par l'armée colombienne le . La plupart des guérilleros parviennent à quitter la zone, et forment le noyau initial des Forces armées révolutionnaires de Colombie(FARC), qui sont fondées officiellement deux ans plus tard. La résistance opposée par les guérilleros à l'offensive militaire contre Marquetalia constitue un évènement fondamental pour les FARC, qui considèrent le , date du premier choc important entre l'armée et les guérilleros, comme leur date anniversaire (https://fr.wikipedia.org/wiki/République_de_Marquetalia)
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