Pérou : Ce qui est en jeu
Par Gustavo Espinoza M.
Les gens se demandent encore ce qui était en jeu dans la crise politique qui a abouti à la démission du chancelier Héctor Béjar, le 16 août dernier.
Etait-ce la soi-disant déclaration du chancelier ? Etait-ce l'orgueil blessé des commandant de la marine à cause de « sorite au grand jour » de certains sujets épineux pour l'institution ? Etait-ce l'action des militaires qui sont sortis de leur rôle constitutionnel de force non délibérante et qui ont décidé de faire une incursion en politique pour renverser le chancelier ?
Peut-être un peu tout mais encore plus. Cette période n'est pas une période ordinaire ni normale de la vie du pays. Ce qui est ordinaire et normal, c'est que les choses restent comme elles sont, que rien ne bouge et que tout reste pareil.
Comme ce n'est pas possible, que les choses continuent comme avant, c'est pire parce que c'est comme une maladie qui s'aggrave si on ne la soigne pas. Le patient va plus mal. Dans ce cas, la société péruvienne aggravera son mal.
Pour éviter l'effondrement, les citoyens péruviens l'ont dit au mois de juin, il faut un changement mais pas « vers l'avant, » vers l'abîme sans fond comme le voulait Keiko, mais sur le côté. Un changement de modèle, de politique, de direction.
Alors, bon, c'est ce qui est en jeu maintenant. Et c'est en jeu, en réalité, depuis le début, mais maintenant, c'est mis en évidence par le poids concerté de toutes les forces de la réaction qui ont fait un nouveau coup d'Etat contre le processus engagé le 28 juillet.
Ça n'a été ni un nouveau coup d'Etat ni un coup d'Etat surprenant. Il avait été précédé par d'autres, destinés à affaiblir le Pouvoir Exécutif. L'élection de la direction de la Chambre qui s'est passée du groupe du Gouvernement – le plus important – comme s'il n'existait pas en a fait partie.
Et cela a été complété par la « répartition des commissions » dans laquelle « l'opposition » s'est taillée la parti du lion et n'a laissé que quelques os à Pérou Libre et à ses alliés. A bien y regarder, ça a été le troisième round d'un combat par KO. Et dans ces 3 assauts, la même force a gagné en utilisant les mêmes outils et les vaincus ont commis les mêmes erreurs.
Il faut se souvenir qu'en politique, il n' y pas « d'espaces vides. » Dans une lutte entre 2 adversaires, si l'un d'eux fait un pas en arrière, l'espace qui s'ouvre est immédiatement occupé par son adversaire. Dans cette règle, il n'y a pas d'exception, c'est une règle inhérente à la lutte des classes, un phénomène qui prend d'étonnantes proportions au Pérou , aujourd'hui.
S'il y en a qui se battent pour que « rien ne change, » c'est parce qu'ils ne veulent pas perdre leurs privilèges ni leurs bénéfices. Ils les défendent becs et ongles. C'est pourquoi en politique, il ne faut pas reculer ou en tout cas, si on fait un pas en arrière, il faut en faire 2 en avant, au moins, pour compenser le recul. Sinon, l'adversaire gagne.
L'autre élément essentiel à considérer est le public. Le public n'est pas neutre, il n'est pas prêt à accepter passivement que « n'importe lequel des 2 » gagne. Le public s'est déjà exprimé et il l'a dit clairement, il veut des changements.Ceci posé, il n'ya pas de reculs mais il peut y avoir des défaites.
Et les défaites se produisent à cause de l'absence d'action du public : on ne l'a pas informé de ce qui se passait et on ne l'a pas consulté sur ce qu'il fallait faire. Il est redevenu, comme avant, un « convive de pierre. » Grosse erreur.
Au-delà des « ressemblances et des différences » entre les processus sociaux, une règle est claire : l'acteur, c'est le peuple mais son action n'est pas spontanée. Elle doit être semée comme des graines en terre fertile et cultivée avec soin. Sinon, elle ne donne pas de fruits.
De nombreux facteurs ont eu une incidence sur l'avancée de la Révolution Cubaine mais l'un d'entre eux fut la présence des masses populaires dans la rue pour être informées et écoutées. On peut dire la même chose de n'importe quel processus social de changmeent dans n'importe quelle autre situation dans l'histoire. Il n'est pas possible de stimuler des changements si les masses restent immobiles.
Comment le pays a-t-il été informé sur la crise la plus récente ? Par les médias : c'est Mávila Huerta, Rossana Cueva, Mónica Delta ou Milagros Leiva qui sont venues dans le salon de la maison avec les informations et les détails. Le Gouvernement a-t-il dit quelque chose ? Le président a-t-il abordé le sujet ? Non. Personne n'a dit ce qui s'est vraiment passé.
Et ces mêmes rues ont été le théâtre d'autres pantomimes. Les porte-parole de la mafia ont parlé comme des moulins à parole. Et où était la gauche ? « L'avant-garde » ? La vérité, c'est que devant la chancellerie, lundi 16, la mélodie - quand les choses se sont décidées – était celle d'une centaine d'adversaires et que le peuple organisé brillait par son absence.
Il est bon qu'on sache que cela n'aurait pas dû s'arrêter. Et on annonçait déjà les prochaines victimes : le ministre de l'Intérieur et le ministre du Travail. Ensuite, viendront les autres. Walter Ayala n’arrivera pas à se sauver même s'il fait plus de clins d'oeil aux « hauts commandants. » Ni Bellido. Finalement, c'est Castillo. La destitution en marche.
Est-ce que c'est écrit ? Est-ce que c'est inévitable ? Evidemment, non. Mais pour l'éviter, il faut s'unir, s'organiser, politiser et combattre. Il ne faut rien craindre. Pas même un coup d'Etat. Il faut organiser sa défaite si elle survient. Le peuple est invincible mais il doit savoir pourquoi il lutte.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/21/peru-lo-que-esta-en-juego/
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