Pérou : Le problème, c'est d'empêcher les secteurs d'en-bas de se révolter
par Mario Hernández
Interview de Ricardo Napurí, ex-député à la constituante et sénateur
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Il y a 1 mois, tu as dit qu'ily aurait un coup d'Etat au Pérou et d'une certaine façon, je crois que tu ne t'es pas trompé.
Béjar a dit à « Página 12 » : « La droite n'accepte pas une politique étrangère souveraine » et indique point par point tout ce que nous avions annoncé il y a quelques temps. Il parle même de « coup d'Etat doux. » La différence avec ce que nous aovns dit, nous, c'est que nous l'avons fait avant que cela ne se produise, nous avons prévenu de ce qui allait arriver à partir d'analyses de l'expérience qu'on a accumulée.
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Quelle attitude adopte Castillo face à cette situation complexe ?
Si tu veux, je peux te citer la fin de l'article de Béjar, parce qu'il aplus de valeur, c'est quelqu'un qui est sur le terrain et qui a été un acteur de faits importants et qu'il résume ce que moi, ensuite, je peux compléter.
A la fin de son article, il dit : « Je pense que ces groupes de droite sont des lâches et quand les gens se mobilisent dans la rue, les gorilles courent. On doit mobiliser les gens mais pas seulement dans des meetings et des manifestations, en mettant le pouvoir dans les mains du peuple, dans les comités de quartiers qui existent déjà, cet énorme réseau d’organisation du peuple qui existe au Pérou, qui n'est pas coordonné, le Gouvernement devrait le coordonner, lui transmettre le pouvoir et créer uen nouvelle situation autour des premiers points de l'ordre du jour pour la survie des gens, qui sont le travail, la santé et l'éducation. »
Ce que dit Béjar, je l'ai déjà beaucoup dit. Ce qu'il en dit pas, et qui est, pour nous, l'axe des conversations que nous avons eues, c'est que la situation du Pérou est tellement complexe et tellement particulière que le sujet principal, ce n'est pas le Gouvernement de Castillo, le sujet principal, c'est que des secteurs très bas, surtout de la province, dans le cadre de la réalité du Pérou qui était atroce, se soulèvent et profitent de l'occasion de l'élection pour élire un candidat de Pérou Libre, Castillo, presque un inconnu pour eux mais qui leur ressemble beaucoup.
C'est un vote sanction avec des éléments de conscience politique venu de tous ces secteurs face à la brutalité de la décomposition de la vie politique du pays. C'est ça, le fait central.
De sorte que, comme nous l'avons déjà dit, Castillo est un « épiphénomène » même maintenant, tout le monde est d'accord. Quand ils demandent à Béjar ce qu'il pense de Castillo, il dit que c'est un homme faible, mal informé, qui ne sait rien de la réalité économique, de la réalité économique internationale, au moins, que les problèmes internationaux ne l'intéressent pas. C'est à dire qu'il dit avec diplomatie qu'un maître d'école, aussi digne qu'il soit, aussi respectueux de l'éthique qu'il soit, arrive par hasard au pouvoir et là, ne sait que faire. Il est en train de dire qu'il ne sait pas quoi faire au pouvoir, qu'ilne connaît rien de l'économie ni du pouvoir structurant de l'Etat.
C'est pourquoi quand moi, je l'ai appelé « épiphénomène », il disait cela, qu'il ne pouvait administrer l'Etat, encore moins dans une situation de droite sauvage que dépeint si bien Béjar. Il demande la même chosse que que ce que nous disons, nous, il faut organiser ceux d'en-bas qui ont voté pour lui, qui ont de nombreuses organisations et des traditions de combat. C'est la seule façon dont il pourrait se défendre s'il le voulait.
Aujourd'hui, on va présenter Guido Bellido, le nouveau président du Conseil des Ministres, pour que le Congrès lui donne son aval. Ils m'ont envoyé du Pérou le texte de son message. Ce texte n'est pas réformiste, il ne parle pas de la Constitution, il ne parle pas de la Constituante, il ne parle d'aucune des promesses qu'il a faites quand Pedro Castillo a pris le mouvoir, il ne parle pas de renégocier les contrats pétroliers, il ne parle pas du changement de l'Etat, en ce qui concerne la corruption, il reste vague, il dit : « Les organismes fiscaux de l'Etat se chargeront de la corruption. » Dans ce massage, il n'y a pas de sujet politique. Il ne parle pas de la réalité du pays, il n'y a pas d'ennemis, jamais il ne parle d'un ennemi, il n'y a pas d'économie aux mains d'une droite sauvage. C'est à dire que le Gouvernement a déjà décidé de faire la concession d'avoir une politique tiède et de centre pour voir s'il survit.
Béjar dit que c'est ce qu'ils veulent parce qu'après avoir fait cette concession, en éliminant les secteurs les plus à gauche qu'ils considèrent comme hostiles, non seulement ils vont l'obliger à capituler sur toutes ses promesses mais ils vont s'attaquer à lui. Quand je dis « coup d'Etat installé, » c'est parce que j'ai prévu le moment où ce coup d'Etat aura lieu. Béjar dit qu'il y a déjà un coup d'Etat doux.
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Je me souviens que vous avez dit : « Le coup d'Etat est déjà présent, » il y a 1 mois.
C'est une tragédie parce qu'on ne peut s'en féliciter. Mais il est évident qu'avant, on n'osait pas dire ce qu'on présumait qu'il allait se passer parce qu'il y a toujours une possibilité de laisser ouverts de nouveaux chapitres de la politique et de la lutte des classes et que tout ne soit pas prédestiné. Mais ce qui se passe, c'est que grâce à l'expérience accumulée, et dans tes interviews d'Allende à maintenant, nous avons revu l'échec des Gouvernements de centre gauche,, réformistes et nationalistes qui ont un rôle progressif dans la société mais qui atteignent une limite et ne peuvent pas fair un saut qualitatif.
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Pensez-vous que Castillo puisse faire quelque chose?
Malheureusement, non. Parce qu'en outre, lui, il n'a pas été élu sur une liste propre mais pour Pérou Libre, d'un monsieur Cerrón, qui est un très habile médecin qui a été gouverneur d'une province bien qu'il soit impliqué dans 25 affaires de dol. Mais c'est plus à la fgauche qu'il dispute la victoire, il affirme que c'est da liste qui a gagné, il dit qu'il est celui qui doit gouverner à travers sa liste parce que Castillo a été un invité.
C'est sûr, il a été un invité, il l'a piraté pour la gauche et Castillo n'est rien de plus qu'un professeur qui n'a pas d'antécédents de gauche. Il a été 10 ans un membre sans importance du Gouvernement de Toledo qui était un Gouvernement ultralibéral et totalement corrompu, il n'y a pas participé activement mais il a été membre de son parti. Il a été dirigeant syndical qui a acquis de l'autorité lors d'une grève de 2017 en s'élevant contre la bureaucratie du SUTEP, l'organisme qui dirigeait les enseignants mais rien de plus. Il n'est jamais sorti de sa province et son éducation générale est celle d'in instituteur de campagne.
Arriver au sommet de l'Etat, comme le dit Béjar, c'est autre chose. Cela nécessite une organisation propre, l'Etat a besoin de milliers de fonctionnaires propres et il a dû s'allier avec un secteur du centre, du centre-gauche, qui, au Pérou, est représenté par Verónika Mendoza, pour avoir un fonctionnaire propre. Il a mis un ultra-libéral au ministère de la Défense, un ancien sous-officier des Forces Armées au ministère de l'Intérieur et il met n'importe qui que la droite, le pouvoir concentré, c'est à dire mes médias, la droite économique et les Forces Armées exigent car ce sont d'extraordinaires agents du pouvoir.
C'est un pauvre homme, Béjar le dit aussi, il est seul, il ne connaît ni l'économie ni l’administration. Ne demande pas à un maître d'école provincial et d'une bourgade de pouvoir administrer un Etat avec une droite sauvage. Il n'y a aucune possibilité de sa part.
Il y a un secteur de gauche qu'il voudrait mobiliser mais Béjar dit qu'il faut faire attention parce qu'il en suffit pas de créer une manifestation, il s'agit de créer un pouvoir, qu'ils aient du pouvoir. Ils ont déjà un pouvoir local, ils ont une tradition de lutte mais celui qui le fait, ça, c'est ce qu'on ne sait pas.
Castillo ne va pas le faire et a déjà démontré qu'il est prêt à accepter ce que lui impose a a droite. Par exemple, le chancelier Oscar Maúrtua qu'il a substitué à Béjar, a été chancelier sous le Gouvernement corrompu d'extrême-droite de Toledo. Donc, il a mis un chancelier d'extrême-droite. Il fait tout ce que lui imposent les agents du pouvoir qui lui sont opposés, on ne peut pas être optimiste. La seule raison d'optimisme est ce que je n'ai pas pu voir d'ici, celui qui doit organiser. Mais d'en bas. Castillo, qui n'a pas de tradition en ce sens, qui joue sa comédie tout seul, non, les choses ne vont pas dans ce sens.
Ce qui peut arriver au Pérou, je n'en sais rien. Je pense qu'ils vont approuver son plan de gouvernement, le Conseil des Ministres, mais pour ensuite sanctionner les ministres l'un après l'autre pour l'empêcher de gouverner pour après une politique de centre, donner un coup de pied à Castillo et que la droite mette en place ses propres plans. Il est difficile d'être précis d'ici.
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Donc, pour vous, le coup d'Etat est déjà présent.
J'ai toujours dit qu'il était en place. Je ne l'appelle pas « coup d'Etat doux » parce que j'ai dit qu'il a plusieurs étapes, il est en train mais la droite a le prévu de chasser Castillo et tout ce qu'il représente, au-delà de lui-même. L'élément fondamental, c'est qu'il existe une révolte de ceux d'en-bas qui se sont appropriés son image. Castillo est le prétexte, ce qu'ils veulent, c'est empêcher une révolte organisée et que le Pérou vive une nouvelle situation dans laquelle ils perdraient le pouvoir. C'est l'élément central et le vrai problème de la politique dans le pays. Si on le juge à partir de la superstructure et des personnalités, on se trompe parce que la droite, ce qu'elle veut, à partir de la défaite de Castillo et de son élimination, c'est empêcher les relations de force dans le pays de changer parce qu'ils veulent continuer à gouverner de cette façon presque fasciste.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
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