Amérique Latine : Au MERCOSUR, l'Argentine accepte la baisse des droits de douane
Pour Marcos Soto la réunion entre les chanceliers des pays voisins a été un « signe » de rapprochement qui laisse à l'Uruguay une impression « ambigüe. » Par contre, Marcel Vaillant pense que le plan d'ouverture du Brésil se poursuit et qu'on recherche « l'harmonie avec l'Argentine. »
Depuis longtemps, le MERCOSUR traîne 2 questions sur lesquelles il n'est pas arrivé à un consensus ni à des définitions parmi ses membres : la baisse du droit de douane extérieur commun (AEC), qui est la taxe sur les importations de l'extérieur et l'assouplissement des règles une question sur laquelle l'Uruguay défend la position de permettre des négociations commerciales avec des tiers. Même si le gouvernement uruguayen considère cela comme des sujets liés, il y a eu vendredi une rencontre entre le chancelier de l'Argentine, Santiago Cafiero et celui du Brésil, Carlos França, rencontre au cours de laquelle on a annoncé accord entre les 2 membres les plus importants du bloc pour réduire l'AEC de 10%.
C'est une proposition moins ambitieuse que la proposition initiale du Brésil et de son ministre de l'économie, Paulo Guedes, qui souhaitait une baisse de 50% de l'AEC. Si l'un a cédé à ce sujet, l'autre l'a fait aussi puisque l'Argentine rejetait depuis le début un changement sur ces 2 questions, se heurtant à l'Uruguay et au Brésil mais avec l'arrivée de Cafiero – qui a pris ses fonctions à la mi-septembre en remplacement de Felipe Solá - l'une d'elle a déjà été résolue dans un plan destiné à faire baisser les tensions avec le Gouvernement brésilien.
« La réduction de l'AEC était une demande du Brésil depuis longtemps. Face aux 2 grandes modifications du MERCOSUR auxquelles l'Argentine résistait, elle a fini par céder sur la baisse de l'AEC et cela, l'Uruguay le regarde de façon ambigüe parce que l'Argentine et le Brésil se sont réunis encore une fois pour décider pour tous. Evidemment, le fait que le consensus finisse par être bilatéral ne gêne pas ce mécanisme, » dit le spécialiste en commerce extérieur Marcos Soto, doyen de l'Ecole de commerce de l'Université Catholique.
Il explique que la baisse de la taxe sur les produits importés dans un bloc qui a « les droits de douane les plus élevés du monde » est une mesure qui va dans le « bon » sens mais que ce qui « inquiète » l'Uruguay c'est la forme et la possibilité de « perdre une monnaie d'échange » au moment de négocier des accords avec des pays tiers et que cela finisse par détruire une éventuelle alliance avec le Brésil à l'intérieur du MERCOSUR. Selon Soto, de toute façon, cette vision conjointe envisagée par le Gouvernement uruguayen était plus dans la ligne de la position individuelle de Guedes que dans la ligne de la chancellerie brésilienne ou du Gouvernement de Bolsonaro.
Le journal brésilien Folha intitule l'information concernant cet accord entre l'Argentine et le Brésil concernant l'AEC : « Le ministre [de l'Economie] a cherché à obtenir d'importantes baisses de l'AEC à 2 occasions sans succès » et souligne que c'est « une défaite » pour Guedes.
« Au début du Gouvernement, Guedes a cherché à mettre au point une baisse ambitieuse des droits de douane de 50% mais a dû faire marche arrière face à la réaction de l'industrie brésilienne. Le ministre de l'Economie a alors fait une nouvelle proposition, une réduction de 20% en 2 étapes jusqu'à la fin de cette année. Mais cette possibilité a aussi été rejetée par les Argentins lors du dernier sommet du MERCOSUR. Alors, Guedes a dû accepter une baisse plus timide et dont le centre des négociations a été Itamaraty [la Chancellerie brésilienne]. »
Le média brésilien a aussi fait savoir que Guedes a refusé de participer à une réception pour la délégation argentine à Itamaraty et a dit que la baisse de 10% doit être « un début. » A l'ordre du jour de Cafiero et de l'équipe du Gouvernement argentin qui s'est rendu à Brasilia, il y avait une réunion privée avec le ministre de l'Economie et des contacts concernant des sujets de coopération en infrastructures et dans le domaine de l'énergie.
Le mouvement de l'Argentine « n'est pas dû au hasard »
Le président Luis Lacalle Pou a été consulté sur ce qui a surgi de nouveau de la réunion entre les chanceliers des pays voisins et sa position a été que pour l'Uruguay, il s'agit de négociations conjointes : « Ce que nous avons dit plus d'une fois dans des réunions bilatérales ou dans des réunions du MERCOSUR, c'est qu'en même temps que la baisse du droit de douane sur les produits importés, il devrait y avoir un assouplissement du bloc. Nous, nous pensons clairement que cela va ensemble : les 2 choses en même temps. »
Le communiqué conjoint émis par le Brésil et l'Argentine n'évoque pas la proposition d'assouplissement des règles et il parle de « l'importance de travailler à la complémentarité entre l'ordre du jour interne et l'ordre du jour externe du bloc pour renforcer l'intégration en tant qu'opportunité collective pour affronter les défis mondiaux. »
Pour Soto, « ce n'est pas un hasard » si Cafiero, à quelques jours de prendre possession de sa charge « s'est rendu au Brésil avec l'idée de céder sur l'AEC. » c'est pourquoi il dit : « Ça a été un jeu intéressant de l'Argentine dont je pense qu'elle se voyait isolée dans le bloc et en minorité. Cette consécration finit par seller le dialogue entre les principales économies du bloc. »
A propos de la position du Brésil, Soto déclare que depuis le début, il a donné la priorité à la baisse de l'AEC par rapport à l'assouplissement parce qu'un droit de douane plus faible le favorise pour « trouver des produits meilleur marchés, des matières premières pour l'industrie locale. » Cette proposition est mieux acceptée à l'intérieur du pays parmi le fort secteur industriel que la possibilité d'une ouverture économique du bloc. »
« Le MERCOSUR est où est le Brésil »
Pour Marcel Vaillant, professeur de Commerce International du Département d'Economie de la Faculté des Sciences Sociales de l'Université de la République, ce qui s'est passé vendredi était « prévisible » et répond à « l'intention de faire baisser les tensions dans les relations entre le Brésil et l'Argentine. » Il dit qu'à son avis, Guedes ne s'en sort pas mal parce qu'on s'est mis d'accord sur uen formule « souple » pour l'AEC : « le réduire de 10% sur 75% des produits mais que celui qui veut puisse le réduire pour tous les produits. » Cela permettra au Brésil d'avancer dans son pal « plus ambitieux » dans « un contexte d'harmonie relative avec l'Argentine. »
De plus, il déclare que le Gouvernement brésilien donne « implicitement » son aval à la position de l'Uruguay de négocier avec des pays tiers et en particulier avec la Chine. « En termes d'ouverture, les positions ne sont ni opposées ni des veto. Cela a une signification, beaucoup plus que la baisse de l'AEC, » souligne-t-il.
Pour lui, la position de l'Uruguay disant qu'il faut lier les 2 négociations a été « un signal politique » dû à la situation du bloc et la résolution qui ne concerne que les droits de douane ne doit pas être interprétée comme une défaite.
« L'ouverture commerciale est quelque chose que le Brésil commence à mettre en place lentement et l'Argentine pas. Si le nouveau chancelier Cafiero a adopté une position plus raisonnable que Solá qui avait une position capricieuse, maintenant, je comprends qu'ils aient dit que le MERCOSUR est où est le Brésil et que celui qui n'est pas là n'existe pas, comme l'a dit Guedes. »
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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