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Pérou : la droite, la politique étrangère et le Venezuela

2 Octobre 2021, 17:56pm

Publié par Bolivar Infos

Par Alberto Adrianzén M.

 

Il y a quelques jours dans une interview accordée à Fernando Vivas, l’ancien chancelier du fujimorisme, Francisco Tudela a dit que le Gouvernement actuel cherche à imprimer ou à développer une nouvelle politique étrangère qui ne serait autre que : « un alignement sur le Forum de Sao Paulo, la politique étrangère de la Bolivie, du Venezuela, la convergence avec Cuba et le Mexique. Cela impliquerait l’adoption de la thèse du multilatéralisme et de la multi polarité que met en avant la Russie. Cela se voit dans plusieurs faits. » (El Comercio: 25/09/21)

 

Le récent rétablissement des relations diplomatiques avec la République Démocratique Sahraoui, pour Tudela, est un « signe » de ce virage qui nous amènerait à être à présent « avec les insurgés qui refusent le système international comme il est établi. » C’est-à-dire, avec ceux qui proposent une politique étrangère basée sur le multilatéralisme et le non-alignement et qui s’exprime, entre autres groupements de Nations , dans le Mouvement des Pays Non-alignés.

 

Mais le plus important dans les déclarations de l’ancien chancelier du fujimorisme est qu'il affirme que cette politique nous amènerait non seulement à nous rapprocher de la Russie et de la Chine mais surtout à nous éloigner des États-Unis : « pour aussi puissant qu’ils soient, ensemble (il parle de la Russie et de la Chine) leur pouvoir n'égale pas celui des États-Unis. Alors, c’est une stratégie pour contrecarrer les États-Unis. Invoquer les théories de Carlos Garcia Bedoya dans une situation dans laquelle la guerre froide n'existe plus, alors que les puissances ne s’affrontent plus sur des positions idéologiques mais pour des marchés ne s’applique pas dans ce contexte. Il n’y a plus de premier et de troisième monde, tout ça c’est fini. Maintenant ou on est avec l’un ou on est avec l’autre. »

 

Accepter la thèse qu’il n’y a plus de guerre froide, c’est dire qu’il n’y a plus de différends idéologiques ni de premier ni de troisième monde et que la lutte à présent est « pour des marchés » nous amènerait à accepter le fait qu’il existe un seul système international mondialisé dont les États-Unis ont l’hégémonie et aussi qu’il existe une seule économie dans Le monde : l’économie capitaliste. Les thèses de Tudela revendiquent, d’autre part, la vieille idée erronée de la « fin de l’histoire » de Francis Fukuyama et d’autre part, le vieux prêche de la défense de l’Occident chrétien face à la menace de ce qu’on appelle « la culture marxiste. » En réalité, la thèse de Tudela peut se résumer dans le rôle de « petit chien courant qui remue la queue » dont parlait PPK à propos de l’Amérique Latine lors de son premier voyage aux États-Unis au début de son court gouvernement.

 

Il n’est pas étonnant que Tudela affirme avec la même rhétorique des années de la guerre froide : « Maintenant, on est avec l’un ou on est avec l’autre » et qu'en même temps, il envisage d’abandonner les idées de l’ambassadeur et chancelier Carlos Garcia Bedoya, fondateur de la politique étrangère moderne de notre pays. Garcia Bedoya soutenait qu’il était inévitable pour des pays comme les nôtres « de prendre leurs distances avec les États-Unis » et en même temps « de renforcer notre capacité de négociation économique, de présence internationale et d’identité nationale. Il envisageait aussi qu'un bilatéralisme actif ait un sens s'il était accompagné par une politique qui soit au service de l’unité de la région ou, comme lui-même le disais, d'un « nationalisme latino-américain », c’est-à-dire, de l’intégration régionale. C’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’il affirme qu’il est « évident que la forme suprême d’intégration qui constitue la fin du processus d’intégration et l’intégration politique. L’essence de l’intégration est l’indépendance et son objectif final est la création d’un système qui constitue une entité différente de celles qui le composent. »

 

Comme il est évident que la proposition de Francisco Tudela concernant la politique étrangère se situe aux antipodes de la pensée de l’Ambassadeur Carlos Garcia Bedoya. Alors que le second cherche l’indépendance et la souveraineté du pays ainsi que l’intégration régionale grâce à un « nationalisme latino-américain » pour transformer la région en un acteur international, Tudela nous propose de nous aligner sur la politique étrangère que pratiquent aujourd’hui le Brésil, le Paraguay, la Colombie et d’autres Gouvernements de droite de la région. Cette sorte d’axe de l’anticommunisme qui s’organise en Amérique latine.

 

« L’incident » vénézuélien

 

Depuis plusieurs jours, divers médias, le Congrès et des secteurs de la droite cherchent à savoir de quoi ont parlé les présidents Castillo et Maduro. Et même si cela peut être intéressant, il est plus important de savoir ce que cherche la droite en créant un incident à propos de cet événement. Je propose ici plusieurs possibilités :

 

Premièrement : la droite veut empêcher la reconnaissance du Gouvernement de Nicolas Maduro. Pour la droite, ce problème est si important que ses représentants au Congrès menacent d’interpeller le premier ministre et même de voter une motion de censure contre le cabinet pour cette raison. Il ne faut pas oublier que celui qui dirige la politique étrangère et les relations diplomatiques, comme le dit la Constitution, c'est le Président en personne et que toute remise en question à ce sujet est aussi une remise en question du président lui-même.

 

Deuxièmement : la droite cherche à aligner le Pérou sur les Gouvernements les plus réactionnaires de la région qui n’acceptent pas que ce qu’on appelle le Groupe de Lima ait déjà cessé d’exister, c’est-à-dire qu’il soit déjà mort politiquement bien que jusqu’à présent aucun Gouvernement faisant partie de ce groupe, parmi lesquels le Pérou, n’ait osé dire que c’était un cadavre sans sépulture ou une sorte de zombie. Le silence du Gouvernement actuel a amené la chancellerie à publier un communiqué ambigu dans lequel même si elle dit que : « le Pérou n’a jamais rompu les relations diplomatiques avec le Venezuela, elle ne dit pas qui représente aujourd’hui l’État et le Gouvernement vénézuéliens dans notre pays. Cela a amené certains médias à continuer à dire que Monsieur Carlos Schull est le représentant diplomatique « du Gouvernement » de Juan Guaidó qui, soit dit en passant, n’existe plus. Plusieurs pays, même les membres de l’Union Européenne, ne le reconnaissent plus comme « président par intérim » du Venezuela.

 

Troisièmement : la droite cherche à ce que les négociations qui ont lieu en ce moment au Mexique grâce a la médiation de ce qu’on appelle le Groupe de Contact dirigé par la Norvège entre le Gouvernement de Maduro et la plupart des oppositions vénézueliennes « (y compris le parti de Guaidó) échouent.

 

Ce n’est pas par hasard que le président colombien Ivan Duque, dans son discours devant les Nations Unies, a dit : « Et ici je m’arrête pour le dire clairement: les dialogues entre le Gouvernement par intérim du Venezuela qui incarne la résistance démocratique et la narco-dictature, même s’ils donnent quelque espoir, ne nous permettent pas d’être naïfs car le seul dénouement réel de cette rencontre, c’est la convocation d’une élection présidentielle libre, transparente, et avec une minutieuse observation internationale. Tout ce qui perpétue la honte de la dictature et permet au régime de gagner du temps aiguisera le pire désastre humanitaire qu’ait connu notre continent. La fin de la dictature est la seule voie viable pour le bien-être du peuple vénézuélien et doit être la proposition de l’action internationale. » (Portafolio: 21/09/21) Il faut tenir compte du fait que les prochaines élections régionales et locales au Venezuela auront lieu en novembre et qu'à celle-ci participeront aussi bien le parti au Gouvernement que l’opposition au Gouvernement.

 

Il y a quelques jours le journaliste Andres Oppenheimer se demandait (El Comercio:20/09/21) s’il existait un « bloc régional de gauche dans la région. » Et même s’il était sceptique à ce sujet à cause de la faiblesse de l’autorité du Mexique, de Lopez Obrador et de la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC) (« une institution qui existe essentiellement sur le papier, » selon lui) ce qui est sûr, c’est que nous sommes face à la naissance de nouveaux blocs. En mars dernier, selon Oppenheimer lui-même (Biden dirige-t-il un changement au Venezuela ? El Comercio 15/03/21) ) Les États-Unis ont intérêt, face a l’échec du Groupe de Lima, à former un nouveau groupe pour affronter la question vénézuélienne composé par les États-Unis, le Canada, le Brésil, la Colombie, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et la Hollande. Et même s'ils n’y arrivent pas, ils n’abandonnent pas l’idée que la création de nouveaux blocs dans la région puisse être le fait qui définira la politique étrangère des Pays d’Amérique Latine.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos 

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/09/28/peru-la-derecha-la-politica-exterior-y-venezuela/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/10/perou-la-droite-la-politique-etrangere-et-le-venezuela.html