Amérique Latine : La rapine des entreprises espagnoles
Par Marcos Roitman Rosenmann
Que cache la marque « Espagne » ? Il existe une relation étroite entre les entreprises transnationales espagnoles et les Gouvernements de la monarchie. Soyons sérieux, les relations entre le Royaume d’ Espagne et les pays latino-américains ne se caractérise pas par le resserrement des liens culturels, encore moins par la réciprocité dans le commerce, l’entreprise ou la transparence dans les investissements. Derrière l’expression de l’hispanité se cachent des négoces frauduleux, des commissions, du blanchiment d’argent, des comptes dans les paradis fiscaux et d’innombrables illégalités dont la liste est interminable. Chaque voyage des premiers ministres et des rois est accompagné par un cortège de patrons avides de gros bénéfices. Alors, ils soutiennent les réformes néolibérales sur le continent. Ensuite, ils donnent des médailles aux Gouvernements corrompus et les remercient pour les services prêtés à la marque « Espagne » : Zedillo, Uribe, Piñera, Macri, Calderón. La liste est longue.
Aujourd’hui, les relations commerciales avec Iván Duque, en Colombie, Alejandro Giammattei, au Guatemala, Sebastián Piñera, au Chili, Jair Bolsonaro, au Brésil, Guillermo Lasso, en Equateur et Mario Abdo, au Paraguay sont qualifiées de « sûres juridiquement pour les investisseurs espagnols. L’expropriation de YPF-Repsol en Argentine, sous le gouvernement de Cristina Fernández de Kirchner a été considérée comme une attaque contre l’Espagne. La presse et le gouvernement espagnols ont qualifié cette action de « populisme de gauche, » de « vol » et d’« absurdité politique. »
10 ans plus tard, avec le cabinet de Mauricio Macri, Felipe VI change de discours lors de son voyage en Argentine : « Nous soutenons tous les programmes de réforme en marche. » Les patrons espagnols se sont frotté les mains. Macri a fait des coupes dans les salaires, licencié des employés et exonéré d’impôts les patrons espagnoles. Alors, ils ont pu rapatrier leurs bénéfices et rendre les Argentins plus pauvres. Mais Felipe VI était clair :l’Espagne possède des entreprises de pointe, compétitives, modernes et innovantes, elles sont l’expression de la marque « Espagne » qui représente la qualité et l’excellence. Il oubliait la spoliation et la destruction de l’environnement commise au Chili contre le peuple Pehuenche par Endesa lors de la construction du barrage Ralco. Un fait constaté par le rapport des Nations Unies rédigé par Rodolfo Stavenhagen. Felipe VI n’a pas non plus rappelé comment les patrons espagnols ont acheté pour une bouchée de pain des banques, des compagnies d’aviation, des terres, des fleuves, des forêts, des constructions, des ports etc. .. sur lesquels son père a touché de grosses commissions.
La marque « Espagne » se caractérise par la réalisation de méga-projets dans le domaine de l’énergie éolienne, des mines, du tourisme dans lequel prime la destruction de l’environnement, la violation des droits de l’homme, la criminalisation des protestations et des mouvements de résistance. L’action d’ACS au Guatemala, à Alta Verapaz, en est un exemple. Là, 30 km du fleuve Cahabón, 80 % de la longueur du fleuve qui arrose les villages des peuples mayas qui vivent là ont été busés. Les 20 % restants, signale Vladimir Soto, l’avocat du Collectif Forêt Mère, s’écoule entre 2 murs de ciment. 50 000 personnes ont été affectées par ce projet. Pendant ce temps, en Espagne, on ne parle pas du désastre écologique et humain provoqué par le président d’ACS, Florentino Pérez, qu’on considère comme un patron exemplaire. Rien n’échappe à la voracité des patrons de la marque « Espagne, » ils détruisent tout obstacle sur leur passage. Sans rougir, ils escroquent, déplacent des populations, paient des bandes de paramilitaires, contaminent des fleuves, détruisent des réserves naturelles et violent les droits de l’homme. Peu importe le prix à payer. Tout pour le bénéfice.
Il n’y a aucun ministre espagnol de l’Industrie, de l’Economie, du Tourisme ou des Affaires Etrangères qui n’accoure pour défendre ces patrons quand un scandale éclate. Le ministre de l’Industrie, de l’Energie et du Tourisme du Gouvernement de Mario Rajoy, José Manuel Soria, a résumé l’esprit de la marque « Espagne :» « Le gouvernement espagnol défend les intérêts de toutes les entreprises espagnoles, dans le pays et à l’étranger. Si quelque part dans le monde, il y a des gestes d’hostilité envers ces intérêts, le Gouvernement les interprète comme des gestes d’hostilité envers l’Espagne et envers le Gouvernement de l’Espagne.
Le gouvernement, les médias et les politiciens appliquent ce principe. C’est un clan. Ils nient, mentent et se scandalisent quand ils provoquent des désastres environnementaux. Ils mêlent le discours politique et les intérêts des ploutocraties des 2 côtés de l’Atlantique. Repsol, Iberdrola, Telefónica, BBVA, Santander, Endesa, Zara, Sacyr, ACS, Prosegur, Ferrovial et Meliá, entre autres mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Derrière, il y a une pléiade d’entreprises qui vivent en épuisant les ressources de l’Amérique Latine. Le bouquet, ça a été le secrétaire d’État pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, Juan Fernández Trigo, qui, le 1/1/2022, a déclaré : « L’Amérique Latine n’est pas précisément un endroit éloigné du modèle de société selon lequel nous développons les sociétés européennes, les sociétés qu’on appelle « du premier monde. »
En Amérique Latine, on abuse beaucoup du concept d’intégration et on fait peu, en réalité, pour arriver à une intégration réelle des économies et des systèmes politiques. Il est vrai que le mythe de Bolívar est très présent dans les conversations… mais il est important de faire plus que des déclarations. C’est pourquoi il nous semble important de travailler avec l’OEA. Nous pouvons interpréter dans ce sens l’élection d’Andrés Allamand –un putschiste, un défenseur de la dictature de Pinochet, coordinateur de la campagne de Pinochet pour le referendum de 1988, qui a les mains pleines de sang – à la tête du secrétariat général pour l’Amérique Latine. C’est ainsi que l’Espagne comprend la dignité des peuples d’’Amérique Latine. Debout, l’Espagne une, grande et libre !
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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