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Bolivie : “ Nous avons réussi à rendre confiance aux Boliviens”

8 Février 2022, 19:49pm

Publié par Bolivar Infos

Par Randy Alonso Falcon

Interview du Président de la Bolivie, Luis Alberto Arce Catacora, par Randy Alonso Falcon pour l’émission Mesa Redonda (Table Ronde) le 27/12/2021.

Il revenait du XXème Sommet de l’ALBA-TCP après une journée entière de travail. Il arrivait directement du Palais des Congrès où venait de se dérouler l’acte de clôture de l’Evènement commémorant les 17 années d’existence de l’Alliance Régionale fondée par Fidel et Chavez. La fatigue de cette journée ne l’a pourtant pas fait renoncer à l’engagement pris.

C’est la première fois que Luis Arce Catacora est venu à Cuba en tant que Président de l’Etat Plurinational de Bolivie et nous ne voulions pas perdre cette opportunité de l’interviewer dans le cadre de l’émission “ Mesa Redonda”.

Cette rencontre a été possible grâce aux bons offices de l’Ambassadeur de Bolivie à La Havane et de la Vice-Ministre de la Communication de ce pays.

Randy Alonso Falcon : “Bonsoirs, chers téléspectateurs, auditeurs et internautes qui suivez cette émission de Mesa Redonda. C’est avec un grand plaisir que nous accueillons le Président de l’Etat Plurinational de Bolivie, Luis Arce Catacora dans cette émission. Bienvenue, Monsieur le Président !

Luis Arce Catacora : “Bonsoir, c’est moi qui vous remercie”.

Randy Alonso Falcon : “Eh bien c’est quasiment sans ôter la poussière du chemin, comme dirait Marti, que vous venez de sortir d’une longue session au Sommet de l’ALBA et maintenant vous êtes avec nous pour participer à cette émission. Monsieur le Président, il y a peine un an que vous assumez la Présidence de votre Etat suite à une écrasante victoire populaire ; ce fut un gros revers infligé aux putschistes qui avaient tenté d’enrayer le processus de changement et de transformation du pays.

Pensez-vous que le danger d’un coup d’état est écarté, que les forces extrémistes sont défaites ou faut-il poursuivre les changements dans l’affrontement avec les forces extrémistes de droite ?

Nous devons bien évidemment continuer. Nous avons gagné les élections mais nous n’avons pas pour autant défait nos adversaires, ils sont toujours là, s’organisent et s’activent. La droite bolivienne a établi des connexions avec la droite internationale, c’est une évidence après tout ce qui s’est produit. En fin de compte, ce qui s’est réellement passé saute aux yeux des latino-américains : l’origine de ces évènements provenait aussi bien d’intérêts intérieurs que d’intérêts économiques et politiques étrangers.

Pour autant, la situation n’a pas pu changer en une seule année ; au contraire, nos adversaires essaient de se regrouper, de se restructurer, de se réorganiser pour miner le gouvernement national. Car ils n’admettent toujours pas la défaite que le peuple bolivien leur a infligé dans les urnes. Ils ont géré l’Etat pendant presque 12 mois après le coup d’état de 2019 : les résultats ont été désastreux pour le pays, pour l’économie, la santé, l’éducation, les entreprises publiques et le peuple bolivien en a conscience.

Au courant de cette année-ci, il nous a fallu reconstruire l’économie. Nous avons dû redonner confiance aux Boliviens.

Nous avons dû trouver une solution aux problèmes sanitaires de la pandémie et à tout ce qui en a découlé.

Il nous a fallu résoudre le problème de l’éducation car le gouvernement de fait s’est juste borné à clore l’année scolaire pendant l’année de sa gestion sans proposer d’autres options, c’est-à-dire au préjudice de centaines de milliers d’enfants et de jeunes qui n’ont pas pu assister aux cours, même pas virtuellement. Nous avons résolu ce problème.

Troisième point, l’économie : nous avons également relevé ce défi, nous la réactivons et sommes en train de dépasser les indicateurs dans ce domaine. Et je rappelle toujours qu’en arrivant au gouvernement, nous avons constaté que le Produit Intérieur Brut de l’année dernière était à -11%. Ce qui signifie qu’en l’espace de 12 mois, l’économie a été détruite. Alors que cette année-ci, en septembre, les indicateurs de l’Institut National des Statistiques nous montrent que nous avons dépassé 9% de croissance économique ; mesurée de janvier à décembre, elle sera supérieure à 5% - plus près de 6% que de 5%, selon mes calculs.

Et quelle est donc la formule magique de l’économiste Luis Arce ? Car, en tant que Ministre de l’Economie, il s’est retrouvé avec l’une des économies les plus faibles de ce continent et il l’a convertie en l’une des économies à plus forte croissance au milieu d’une situation très compliquée. Maintenant, il est revenu en tant que Président avec, pourrait-on dire, une tâche encore plus difficile, et il redresse la barre. Quelle est donc la formule magique économique de Luis Arce ?

Notre formule magique s’appelle Modèle Economique Social, Communautaire et Productif, c’est notre propre modèle que nous Boliviens avons conçu pour notre économie bolivienne, dans les salles de l’Université Publique où nous l’avons conçu et adapté de façon à résoudre les problèmes de notre économie.

Notre modèle présente deux aspects.

Le premier consiste à relancer la demande interne, c’est fondamental. N’oublions pas que la Bolivie a connu 20 ans de néolibéralisme avant 2006. Le néolibéralisme détruit toujours la demande interne. Il cherche à prospérer en se basant sur les exportations, c’est sa logique de développement, d’expansion, qui laisse de côté beaucoup de choses qui ne sont pas mises en œuvre dans nos pays. Donc, ce que nous avons fait depuis 2006, c’est de développer le marché intérieur, générant ainsi des transferts, des ressources, et davantage de richesses redistribuées à la population sous forme de bons et d’autres politiques sociales mises en place pour redistribuer les revenus et élevant ainsi la demande, qui est très forte.

Quand la demande intérieure d’un pays est supprimée, il n’y a pas de consommation, donc pas d’inversion. Or ce sont deux facteurs essentiels de la demande interne. Si les gens ne consomment pas, s’il n’y a pas de ventes, la production est inexistante et alors s’enclenche la décroissance. Par conséquent, il faut stimuler la consommation de la population en améliorant ses revenus, mais en se basant sur la production.

L’autre facteur permettant d’améliorer la demande intérieure est l’inversion ; dans notre cas, il s’agit d’investissement public qui impulse un élan plus vigoureux que l’investissement privé, par exemple. Voici donc notre recette concernant la demande.

Par ailleurs, la production est un autre élément qu’un pays ne doit pas négliger. Un pays doit produire ; un pays qui ne produit pas dépérit, un pays qui n’a pas de capacité de production ou qui est incapable de créer cette capacité est condamné à juste titre à subir les plus mauvaises conditions économiques.

Cette production est générée par l’agriculture, l’industrie, le tourisme, par les petites et moyennes entreprises et d’autres activités productives comme, dans le cas de la Bolivie, l’activité minière, les hydrocarbures et le lithium. Nous sommes un pays pourvu de nombreuses ressources naturelles, convoitées par de nombreux intérêts étrangers et sur lesquelles ils font main basse sans rien nous laisser ; nous l’avons expérimenté, ce n’est pas nouveau pour nous. C’est un scénario que nous avons vécu avec des acteurs de différents pays et il a toujours exactement la même fin : la fin de l’histoire veut que nous autres latino-américains de ce pays restions les mains vides, sans aucunes ressources, spoliés de tout.

Nous ne voulons donc pas seulement industrialiser nos ressources naturelles, mais mener une véritable politique d’industrialisation de toutes les matières premières de notre pays en substitution des importations.

Quand la consommation augmente, commence à se manifester un phénomène dans l’économie : l’importation. Et nous nous habituons si bien à importer toujours davantage que nous finissons par devenir incapables de penser à produire nous-mêmes ce que nous importons. C’est ce que nous voulons éviter avec une industrialisation qui permettra de remplacer les importations, et comme je le répète aux étudiants, à l’Université, nous en sommes maintenant au tome II du Modèle Economique.

Le premier tome a consisté à créer les bases économiques permettant de générer une distribution des revenus, et nous l’avons réalisé.

Mais le coup d’état est arrivé, détruisant tout notre modèle. La droite a aussitôt réinvesti le gouvernement bolivien, réimplantant le vieux modèle néolibéral ; pendant 5 mois, novembre et décembre 2019 puis janvier, février et mars 2020, le gouvernement de fait a appliqué un modèle libéral à l’état pur dans notre pays, avec des résultats désastreux.

Après cela est arrivée la pandémie.

Suite à toutes ces difficultés, l’économie a été réduite à néant ; la pandémie a bien sûr détruit la plus grosse partie de l’économie de nombreux pays et ses effets se sont aussi fait sentir en Bolivie, mais avant cela il y a eu ces cinq mois de mauvaise gestion. Dans notre cas, ce n’est pas seulement la pandémie qui a dévasté l’économie nationale, mais aussi le retour du néolibéralisme ; j’ai été chargé de la reconstruire cette année, et les résultats sont au rendez-vous.

Nous avons trouvé une solution aux problèmes de la santé, de l’éducation tout comme à ceux de l’économie. Nous pensons être sur la bonne voie tout en étant conscients que nous ne sommes pas au bout de nos peines, qu’il nous reste encore beaucoup à faire.

Nous avons réduit le chômage, nous avons fait croître l’économie, nous avons réduit le déficit fiscal et nous avons même augmenté nos indices économiques positifs ; nous avons réduit la pauvreté, atteint un excédent de notre balance commerciale grâce à notre politique de substitution des importations et à la politique de redistribution que nous avons menée. Et pour finir, nous avons instauré un impôt sur les grandes fortunes en Bolivie et nous avons procédé à une dévolution de l’impôt à la valeur ajoutée en faveur des personnes à bas revenus. Ces personnes ne payent donc pas d’impôts et la charge fiscale pèse sur ceux qui ont les plus hauts revenus, ce qui a permis une meilleure redistribution des revenus, qui à son tour permet, comme je l’ai mentionné plus haut, de relancer la consommation, l’investissement, etc.

Vous avez signalé un aspect très important dans la transformation économique d’un pays : la redistribution de la richesse. Mais rappelez-vous qu’en 2017, j’étais venu dans votre pays alors que commençait la campagne électorale pour les élections qui ont fini par un coup d’état : l’une des choses que m’ont dite tant le Président Evo que le Vice-président Alvaro Garcia Linera était que si nous avions beaucoup avancé dans le domaine de l’économie et de la justice sociale, il restait cependant à rétablir la connexion avec les mouvements sociaux qui soutiennent le M.A.S. et les forces politiques qui font aujourd’hui partie du gouvernement.

Comment gouverner au profit de tous ? Comment faire progresser l'économie sans pour autant perdre le lien avec les mouvements sociaux, avec les bases sociales qui soutiennent le gouvernement ?

Nous avons tiré des enseignements de toutes les difficultés qui se sont présentées à nous. Maintenant, nous tenons des réunions régulières avec les organisations sociales, je les rencontre personnellement, que ce soient les dirigeants nationaux ou les dirigeants départementaux. Ce contact ne doit jamais être perdu, c’est clair. Heureusement, je ne l’ai jamais perdu lorsque j’étais au Ministère de l’Economie. Et maintenant que je me retrouve à la Présidence, je souhaite le conserver, car cette communication est précieuse. Non seulement la communication avec les organisations sociales, mais aussi avec la population.

Quand vous partagez un repas, quand vous êtes en contact direct avec les gens dans la rue, vous recevez les informations dont vous avez besoin pour gouverner. Vous me verrez toujours en contact avec le peuple, je tâche d’être là où se trouvent les gens, sur les marchés, les terminaux de bus, dans tout endroit où je peux être en contact direct avec eux. Comme on a pu le voir, je me suis retrouvé récemment au milieu d’une grande manifestation populaire en soutien au gouvernement pour la première année de sa victoire.

Ce fut une marche historique, véritablement historique. De par sa cause et le nombre de gens qui y ont participé. Nous n'avions jamais vu autant de gens réunis dans une marche. Nous l’avons constaté dès le début, en voyant le nombre tout à fait inhabituel de personnes qui marchaient en tête de cette mobilisation. Et encore plus surprenant a été la quantité de sympathisants qui accompagnaient cette marche. D’après nos évaluations, plus d’un million et demi de gens y ont participés, fait absolument historique, sans précédent (inédit) dans l’histoire de la Bolivie.

Je crois que ce sont là les marques laissées par votre gouvernement dans sa première année de gestion ; cependant il y a de toute évidence des thèmes qui vont au-delà de la seule Bolivie, des thèmes comme l’intégration et la pandémie. Lors du Sommet de l’ALBA, vous avez évoqué la question de la pandémie et comment vous y avez fait face. Comment qualifieriez-vous la stratégie mise en place par la Bolivie face à la pandémie pendant cette année de votre gouvernement et que pensez-vous de ce qui se passe dans le monde, lorsque on entend des appels à la solidarité alors qu’en réalité il se passe quelque chose de très différent ?

En Bolivie, nous avons dû trouver des solutions au problème de la pandémie en partant quasiment de zéro. Le gouvernement de fait s’est contenté d’imposer des quarantaines, mais des quarantaines rigides qui consistaient à enfermer les gens chez eux. Il n’a pas investi dans des médicaments, dans l’apport d’oxygène, il n’a pas investi dans des lits de thérapie intensive pour ceux qui sont tombés malades. Bref, il n’avait aucune stratégie.

En ce qui nous concerne, nous avons mis en place une stratégie en trois étapes : la première a été de faire passer des tests antigéniques nasaux rapides à toute la population bolivienne et ce, gratuitement. Pourquoi faisions-nous cela ? Pour identifier les personnes malades afin de les soigner, de leur donner un traitement en temps utile. A cette étape, nous ne voulions pas que les personnes affectées par la maladie en arrivent à une situation qui serait beaucoup plus difficile à gérer lorsqu’elles en arrivent à devoir suivre une thérapie intensive car la probabilité d’inverser le cours de la maladie est très faible à ce stade-là.

C’est le premier élément de notre stratégie.

En second lieu, nous avons misé sur la coordination avec les gouvernements régionaux, les mairies et les préfectures pour les mobiliser. Leur part étant d’investir selon leurs moyens, à leur niveau (3) dans des lits de thérapie intensive et des médicaments. Nous nous chargions de détecter leurs malades et eux se chargeaient de les soigner.

Le troisième élément de notre politique, qui s’est par la suite avéré la meilleure stratégie, a été la vaccination. Je me souviens qu’au début, nous n’avions pas de vaccins ; ils avaient tous été achetés par les pays développés où ils étaient concentrés. Nous avons réussi à acheter le vaccin russe Sputnik, mais par la suite leur envoi a été suspendu en raison des évènements survenus dans le pays. Suite à ces difficultés, nous avons été obligés de toquer à la porte d’autres pays qui eux disposaient de vaccins certifiés et nous avons progressivement recommencé à vacciner.

Ces trois éléments nous ont permis d’abaisser le taux de mortalité due à cette maladie, qui était de 6% lors de la première vague gérée par le gouvernement de fait, à 2% durant notre gestion.

Notre stratégie a été réellement déterminante et couronnée de succès. Nous espérons qu’il en sera de même pour la troisième vague en cours et la quatrième à venir. En réussissant à abaisser le taux de mortalité due à cette maladie, nous avons fait en sorte que moins de Boliviens en meurent, et notre contrôle de la situation se renforce.

La Bolivie applique actuellement la troisième dose aux personnes en âge de se faire vacciner, que nous avons abaissé à 5 ans. Toute la population est vaccinée gratuitement, ce qui réduit énormément le risque que la malade ne s’étende dans notre pays. Nous savons qu’un renforcement de l’immunologie est nécessaire pur l’éradiquer. C’est pourquoi nous sommes satisfaits des résultats que nous avons obtenus. Tout en restant vigilants car les choses ne sont pas acquises, les variants se multiplient comme nous pouvons le constater. Les critiques que nous adressons aux pays développés et aux entreprises transnationales qui se sont lancés dans la fabrication des vaccins, concernent le fait qu’ils se focalisent d’abord sur les pays riches en oubliant les pays pauvres.

La Bolivie a fait l’effort d’acheter des vaccins, mais d’autres pays n’en ont pas les moyens. C’est le cas de certains pays africains par exemple où, faute de vaccination, des variants n’en finissent pas d’apparaître qui envahissent ensuite d’autres pays, même développés, dont les populations sont vaccinées. Ce qui démontre clairement que dans de telles situations, la médecine ne peut en aucun cas être considérée comme une marchandise. Et secondo, qu’on ne peut pas égoïstement penser que “si moi je vaccine ma population parce que mon portefeuille est bien garni, que je suis riche ce qui me permet de vacciner mes gens, j’ai résolu le problème de mon pays”. NON. Car nous sommes devant la preuve évidente que si tous les pays du monde n’agissent pas de manière homogène, pays riches comme pays pauvres, en y distribuant et en y appliquant des vaccins, l’humanité ne sera pas en mesure de résoudre ce problème. C’est ce que nous voyons avec l’apparition de troisième et quatrièmes vagues et de variants sans fin, résultat de l’absence de vaccination universelle, solidaire de tous les pays de la planète. Si nous persistons dans cette voie, nous ne viendrons pas à bout de cette maladie.

Les pays développés doivent comprendre que leur manière égoïste de tenter de régler ce problème dans leurs seuls pays ne leur sert de rien tant que le virus est en circulation chez eux et dans le monde entier. Leur interaction fait que de nouveaux variants se développent, et finalement ces pays courent tous le même risque que les autres. Voilà pourquoi nous critiquons cet état de fait, cet égoïsme et ce manque de discernement de la part des transnationales qui ne pensent qu’à vendre leurs vaccins aux plus offrants sans prendre en compte qu’il s’agit d’une question sociale avant d’être une question purement économique.

C’est terrible de voir que 8 milliards de doses de vaccins ont été appliqués et qu’il existe malgré cela des pays dont moins de 5% de la population n’ont même pas reçu une première dose. L’inégalité, et l’égoïsme qui la provoque, comme vous venez de l’évoquer, ne peuvent apporter une solution à une pandémie qui a aggravé la crise multi systémique du capitalisme. Face à cela, quelle importance accordez-vous aux processus d’intégration en cours dans notre région, comme l’ALBA-TCP et le Sommet qui vient de se tenir à La Havane ? Et quelle est l’importance de cette intégration face à celle que nous propose le Nord au travers de l’O.E.A. ?

Nous sommes très critiques envers toutes les instances dont font partie les Etats-Unis. La O.E.A. en est le pire des exemples. Nous l’avons vécu dans notre propre chair, le Secrétaire de l’O.E.A. s’étant pratiquement converti en détonateur du coup d’état de 2019.

Nous voulons une véritable intégration : une intégration où les peuples soient les bénéficiaires des résultats de ce processus avant les entreprises transnationales ou d’autres groupes d’intérêts. C’est ce que l’ALBA représente pour nous et c’est pour cela qu’aujourd’hui même nous avons décidé que nous pouvions réaliser beaucoup de choses ensemble. Nous en avons défini deux : la création de deux “Gran-Nacionales” comme dirait le Commandant Chavez. De ces deux grandes entreprises nationales, l’une ciblerait tout ce qui est médicament et biomédecines, et l’autre la production d’aliments. Car si la pandémie a mis en lumière certaines choses, c’est bien que là où le bât blesse dans ce genre de situation, c’est lorsqu'il nous faut reconnaître que malgré la mobilisation des pays pour combattre ce fléau, chacun dans leur coin, avec leurs seuls moyens, nous avons échoué. N’est-ce pas ?

Lorsque nous agissons ensemble, quand nous coordonnons nos actions, nous obtenons de meilleurs résultats, me semble-t-il. Cependant, de notre point de vue, il faut déterminer d’où surgissent ces problèmes de biotechnologies, de virus qui apparaissent ; d’après moi, ce n’est pas la dernière fois que nous y aurons affaire. Et nous devons tous nous y préparer, car le cas du COVID 19 ne se résoudra pas du jour au lendemain, donc l’économie ne pourra pas fonctionner et se développer comme avant.

D’où l’urgence de s’atteler à la tâche et la meilleure manière de parvenir à nos fins est de conjuguer nos efforts pour développer notre industrie pharmaceutique ; car tous les pays de l’ALBA dépendent des importations de médicament alors que nous avons la capacité de les produire et de les échanger entre nous.

Il existe aussi chez nous une médecine traditionnelle, que nous avons utilisée pour soigner nos populations autochtones pour combattre plus efficacement le COVID, et que nous pouvons socialiser et mettre à la disposition du monde entier. Mais cela ne peut se faire qu’avec la création de ce genre de “Gran-Nacionales” (grandes entreprises nationales).

Autre chose : la pandémie nous a aussi appris que dans ce genre de situation, l’alimentation doit être garantie à tous les êtres vivants de la planète ; nous ne pouvons y parvenir, dans nos pays, qu’au moyen d’une “Gran-Nacional” disposant d’un financement de la Banque de l’ALBA, pour que nous puissions tous atteindre l'autosuffisance alimentaire, ne serait-ce que par la production du minimum nécessaire pour subsister.

Ensuite, nous envisagerons leur industrialisation et leur commercialisation vers des pays tiers, en premier lieu nous pensons à la “Patria Grande” et aux pays de l’ALBA-TCP. Si dans ces pays ne manqueront plus les médicaments, une bonne santé et de bons aliments, je crois nous aurons gagné une grande bataille au bénéfice de nos peuples, surtout par les temps qui courent.

Bataille dans laquelle Cuba et la Bolivie peuvent apporter beaucoup. C’est un grand plaisir pour “Mesa Redonda” de mener cet entretien avec le Président de l’Etat Plurinational de la Bolivie, dans le cadre de sa première visite officielle à Cuba. Votre intervention lors du sommet de l’ALBA a été très émouvante. Les excuses publiques que vous avez adressées à nos amis médecins et personnels soignants pour ce qui s’est passé dans votre pays a touché notre peuple. Votre gouvernement n’est absolument pas en cause ; bien au contraire, vous avez encouragé la présence de médecins et professionnels de la santé en Bolivie. Le peuple cubain a aussi été touché d’apprendre que votre gouvernement a solidairement envoyé à Cuba des chargements de marchandises ces derniers mois, malgré la situation compliquée que le pays a connu avec la pandémie.

Quel sens la solidarité a-t-elle à vos yeux dans cette relation entre deux nations sœurs ? Comment se manifeste-t-elle dans le cadre de cette relation durable entre la Bolivie et Cuba, consolidée actuellement par votre Gouvernement ?

Des liens d’amitié historiques nous lient à Cuba. La Bolivie n’est pas un pays riche, qui connait l’abondance, mais nous comprenons la solidarité comme un partage. Ce que nous avons, nous devons le partager et c’est ce que fait le peuple bolivien avec son pays frère, Cuba, et les Cubains que nous aimons et estimons beaucoup depuis longtemps.

L’Histoire nous unit, Che Guevara nous unit, beaucoup d’autres choses encore nous unissent dont nous sommes fiers. Et bien sûr, nous nous sentons aussi solidaires des autres peuples d’Amérique Latine. Je me souviens par exemple du Programme d’alphabétisation “Yo si puedo” et de l’Opération “Milagro” qui de Cuba sont arrivés en Bolivie. Nous nous montrons donc solidaire à notre tour, et tâchons d'améliorer et de renforcer ces liens de solidarité entre nos peuples.

Nous voulons continuer à collaborer avec Cuba, un énorme espace de collaboration nous attend encore.

Quelles potentialités restent-elles à exploiter dans cette relation bilatérale ?

Il y en a plusieurs : l’agriculture par exemple ; nous discutons depuis un certain temps avec les autorités du gouvernement cubain à ce sujet, nous sommes prêts à venir à Cuba pour apporter notre contribution à au projet d’amélioration et de développement de la production agropastorale dans ce pays.

D’autres grandes potentialités existent dont chacun de nos pays peut bénéficier dans le cadre de l’ALBA, dans le cadre de l'intégration de nos peuples ; demain justement, le Président Diaz-Canel et moi-même devons nous rencontrer pour aborder, entre autres, le thème de l’amélioration de la communication entre nos pays, au moyen de liaisons aériennes entre la Bolivie et et la République sœur de Cuba. Le tourisme est aussi un point fondamental pour Cuba et nous aimerions proposer des forfaits aux Boliviens désireux de visiter Cuba.

Il y a tant d’opportunités à explorer que la Bolivie est plus que disposée à maintenir nos liens d’amitié, de solidarité et de coopération au bénéfice mutuel de nos deux peuples. Et comme je suis sûr que de nombreux Cubains vont sans doute venir nous rendre visite, j’aimerais que vous adressiez ce message au peuple cubain.

Merci beaucoup pour votre accueil. Je suis très heureux de me retrouver sur cette belle terre ici, à Cuba. Je suis venu une première fois comme Ministre et aujourd’hui pour la première fois comme Président. De l’Etat Plurinational.

Bonne journée, et une grande accolade à vous, frères cubains, de la part du peuple bolivien avec toute l’affection et l’admiration qu’il vous porte. Nous voulons simplement vous dire que nous sommes là pour continuer à collaborer avec vous afin de fortifier encore plus notre “Patria Grande” et resserrer davantage les liens qui unissent nos deux pays frères.

Merci infiniment pour votre réception, pour le chaleureux accueil que vous nous donnez à chacun de nos séjours à Cuba.

Merci à vous, Monsieur le Président, pour votre courtoisie et pour votre participation à cette entrevue de “Mesa Redonda”. Et pour repartir contents de cette journée extraordinaire, de ce 14 décembre qui tient une place très particulière dans l’histoire de la relation entre nos deux peuples, nous nous quitterons sur de la musique bolivienne que je tiens à offrir aux Cubains, accompagnés d’images de la Bolivie.

(Rire). Il y a plusieurs chansons...

Laquelle aimeriez-vous offrir aux Cubains ?


Celle que nous autres Boliviens chantons toujours quand nous nous trouvons à l’étranger, c’est une Cueca, la Cueca de Tarija, elle s’appelle justement la Caraquena.

Nous nous quitterons donc sur l’air de la Cueca caraquena. Un grand merci à vous et nous espérons compter sur votre présence ici, en d’autres occasions, à notre “Mesa Redonda” ici à Cuba.

Merci beaucoup, Monsieur le Président.

C’est moi qui vous remercie.

traduction Frédérique Buhl pour Bolivar Infos

Source en espagnol :

http://www.cubadebate.cu/especiales/2021/12/28/luis-arce-nos-ha-tocado-devolverles-la-confianza-a-los-bolivianos/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/02/bolivie-nous-avons-reussi-a-rendre-confiance-aux-boliviens.html