Cuba : Le tourisme doit s’approvisionner en produits cubains
Cuba : Le tourisme doit s’approvisionner en produits cubains
Les importations ne peuvent pas être la solution. Le pays doit être en mesure de fournir aux hôtels des produits nationaux et d'assurer ainsi la prise en charge de l'arrivée croissante de visiteurs, ce qui favorise les enchaînements économiques
Auteur: Ventura de Jesús | informacion@granmai.cu21 février 2022 09:02:05
Varadero, Matanzas. – À l'aube, Aliesky Gonzalez, un agriculteur, remplit son camion des premiers sacs de produits agricoles qu'il compte vendre dans six ou sept établissements touristiques de cette station balnéaire.
Avant de quitter la ferme, située près du village de Jagüey Grande, il vérifie l'état de la marchandise et s'assure qu’elle a toute la qualité requise pour ne pas décevoir ses clients réguliers.
Sur un terrain d'à peine deux hectares, appartenant à la coopérative de crédit et de services (CCS) José Marti, le jeune agriculteur obtient chaque semaine quelque sept tonnes de produits qui contribuent à l’alimentation des touristes.
Tous les jeudis, à la porte arrière de l’hôtel Iberostar Varadero, ce producteur de légumes, de fruits et de racines comestibles est attendu. En effet, depuis quelque temps, l'hôtel a passé un contrat d’achat avec lui, sans qu'il y ait eu d'obstacles majeurs à surmonter jusqu'à présent.
« Nous lui passons commande le lundi, et il nous livre des produits frais et de qualité à un prix mutuellement avantageux. Il ne fait jamais défaut et se montre très responsable dans son travail », explique Michel Garcia Martinez, responsable de l'approvisionnement de l'hôtel.
Dans sa livraison habituelle, le producteur de Jagüey transporte des ananas, des pastèques, des concombres, des goyaves, des patates douces et des papayes, son produit vedette, ainsi que quelques fruits exotiques, très appréciés des clients étrangers, déclare Garcia Martinez.
« Au début, le prix n'était pas très intéressant pour nous, mais les choses se sont améliorées et, au fur et à mesure, nous sommes parvenus à un accord. » Maintenant, la seule insatisfaction du producteur est de ne pas recevoir un certain pourcentage du paiement dans cette autre monnaie appelée « cl », c’est-à-dire capacité liquide, qui est nécessaire pour acquérir des intrants.
Comme l'a expliqué l'agriculteur, ce système de paiement, avec un rendement en « cl », a été accepté dans les installations de la chaîne Gaviota, mais pas dans celles de Cubanacan.
L'Iberostar Varadero a également un contrat avec quatre coopératives, et de cette manière, ils parviennent à compléter le volume de légumes nécessaires et une présence de huit à neuf fruits par jour, bien qu'il y ait une marge d'amélioration, selon les directeurs de l'établissement.
UNE AUTRE VOIE STABLE
Malgré l'obstacle important que représente le transport de ses produits sur des distances considérables, une fois par mois, la CCS Mario Muñoz parcourt le trajet depuis la ville de Velasco, à Holguin, jusqu'à l'hôtel Royalton Hicacos à Varadero.
La CCS vend essentiellement des condiments, de la pâte d'ail et du bijol (colorant alimentaire issu de graine du roucouyer), explique Mabel Cuéllar Lopez, sa représentante dans la province de Matanzas.
Amaury Echevarria Ruiz, assistant d'achat, a expliqué que la coopérative dHolguin leur fournit régulièrement des produits d'une qualité qui peut concurrencer même les produits importés.
Ce sont également des marchandises très bien présentées, a-t-il souligné, en indiquant que les relations de l'hôtel avec les producteurs indépendants et les coopératives passent par un bon moment actuellement.
« Cela va bien par rapport à il y a six mois, mieux que nous le pensions », a souligné Yoanh David Pérez Sanchez, le directeur général adjoint, même s'il a précisé qu'ils aspirent à une plus grande diversité.
« Nous souhaitons surtout promouvoir les fruits exotiques, ainsi que les cultures pratiquées sur une base agro-écologique, qui sont très demandées par les touristes. Il faut voir à quel point ils sont ravis de voir un régime de bananes de la variété banane-pomme accroché dans un endroit spécial du buffet. »
Et de souligner le fait que, bien qu'il y ait aujourd'hui plus de concurrence et plus d'options pour les producteurs, les agriculteurs ont leurs avantages à vendre directement aux hôtels.
« En réalité le bénéfice est mutuel, l'hôtel gagne avec des produits frais et de qualité, et le paysan assure avec nous la vente de toute sa production. C'est avantageux pour nous deux », a-t-il souligné.
ACCROÎTRE L’APPROVISIONNEMENT LOCAL
Tels des pigeons, certains hôtels attendent le « bec ouvert » qu'on leur apporte de la nourriture et ne rendent jamais visite à leurs principaux fournisseurs sur le terrain.
Ils se contentent d'attendre qu'ils arrivent avec les produits agricoles, ce qui n'est pas positif à la bonne marche du tourisme, selon Llilddrey Torres Hernandez, responsable commerciale à la délégation provinciale de l'agriculture.
Elle a toutefois déclaré qu’ils sont de moins en moins nombreux à rester tranquillement à ne rien faire dans le confort de l'hôtel, car ils ont réalisé qu'il existe une concurrence et d'autres marchés attrayants. Ils savent qu'en passant des contrats avec les agriculteurs, ils peuvent obtenir de meilleurs prix, éviter les intermédiaires et obtenir des produits frais et de meilleure qualité.
Et il ne peut pas s'agir d'une visite formelle, elle doit avoir pour but d'étendre, de diversifier et d'améliorer le service fourni par l’hôtel, sans laisser de côté l’intérêt de l'agriculteur, a-t-elle dit.
Actuellement, il existe un total de 34 entreprises agricoles liées au secteur du tourisme, avec une stratégie de plantation échelonnée, en fonction de la période de l'année. Entre toutes, elles garantissent la plus grande quantité de légumes et de fruits, affirme Torres Hernandez.
Neuf sociétés de commercialisation gérées par l'État, avec à leur tête Frutas Selectas, dans la province de Matanzas, apportent une contribution non moins importante.
Elles fournissent environ 70 % des produits agricoles livrés à la principale destination soleil et plage du pays, qui compte actuellement 52 hôtels en activité.
Selon les estimations des spécialistes, il s'agit d'un volume élevé de denrées alimentaires, bien que le nombre de clients dans la station aujourd'hui soit d'environ 13 000 touristes, chiffre inférieur au nombre habituel pour cette période de l'année en temps normal.
Le Combinado de citricos de Jagüey Grande travaille dans le même sens, avec la livraison de jus et de nectars, de même que les serres protégées de l'entreprise agro-industrielle Victoria de Giron, ainsi que le zéoponique Cardenas[cultures de plantes sans sols dans des substrats composés principalement de zéolithes], où sont produits des légumes pour l'autosuffisance de la municipalité et pour la vente au tourisme.
La participation de l'entreprise agro-industrielle Ceballos et de l'entreprise de cultures diverses La Cuba, toutes deux à Ciego de Avila, est également importante. D'autres formes de production de Villa Clara et de La Havane commercialisent également leurs produits.
PRODUIRE POUR LE TOURISME N'EST PAS SEULEMENT UNE OPTION
Même si le nombre de touristes est inférieur à la normale, la pression est énorme, reconnaît Carlos Jesus Morales Martell, directeur de l'unité d’entreprise de base (UEB) Frutas Selectas Matanzas.
Le transport des produits est réalisé grâce à la flotte de véhicules de transport, dont six sont chargés de la livraison à Varadero, a-t-il expliqué.
Produire pour le tourisme n'est pas une option, nous avons l’obligation de substituer les importations par des produits nationaux dans ces circonstances économiques défavorables, a-t-il dit, après avoir précisé que ce qui provoque le plus de mécontentement, c’est la pénurie de produits transformés industriellement et l'insuffisance des capacités de réfrigération et de conservation.
Ivis Fernandez Peña, déléguée du ministère du Tourisme dans la province, s’est félicitée de l'impulsion donnée à ce programme d’approvisionnement des centres touristiques, qui est supervisé presque quotidiennement, bien avant le 15 novembre, a-t-elle expliqué.
Elle s'est montrée optimiste quant aux progrès réalisés jusqu'à présent, notamment en raison du succès des liens directs entre les producteurs agricoles et les hôtels, grâce auxquels environ 70 % des produits frais, agricoles et transformés, consommés par les établissements sont désormais garantis à l’heure actuelle .
Toutefois, a-t-elle insisté, de nombreuses initiatives peuvent encore voir le jour pour obtenir localement certains produits qui sont importés, ce qui rend l'activité touristique plus coûteuse et nuit à l'excellence des services dans le secteur.
Les importations ne peuvent pas être la solution, nous devons être en mesure d'approvisionner nos hôtels en produits nationaux afin d’assurer l’accueil d’un nombre croissant de visiteurs, a-t-elle déclaré.
Nous devons continuer à travailler pour accroître ces approvisionnements, et chaque organisme doit repenser sa relation avec le tourisme pour l'aider à répondre à ses exigences et besoins élevés, dans l’intérêt de tous, a-t-elle conclu.
https://fr.granma.cu/cuba/2022-02-21/le-tourisme-doit-sapprovisionner-en-produits-cubains