Chili : impossible de servir 2 maîtres
Le Gouvernement du président Boric ne pourra y échapper : il devra prendre parti pour le grand patronat ou pour le peuple.
Aucun Gouvernement ne peut servir à la fois l’oligarchie et ceux qui ont désespérément besoin d’égalité des droits.
Il n’y a aucun doute que « l’histoire universelle du culot » écrira en lettres majuscules la récente menace de Juan Sutil, président de la Confédération de la Production et du Commerce (CPC). Le chef de l’état-major de la bourgeoisie a déclaré insuffisantes les garanties que le Gouvernement offre au patronat.
« Nous devons parler, dit-il, d’un accord de gouvernabilité qui donne des certitudes juridiques. » Il s’agit, évidemment, d’exiger des privilèges pour les investissements privés et les mécanismes qui permettent au grand patronat d’opérer sans aucune limite. Sutil ne fait pas dans la dentelle avec ses revendications. Le Gouvernement, soutient-t-il, doit aller « au-delà d’une réforme fiscale » et abandonner des projets tels que les entreprises d’État de quincaillerie, de pharmacie, de construction et les entreprises immobilières d’État.
Quel culot ! Il envisage, ni plus ni moins, de refaire à l’aune du grand patronat le programme de gouvernement. Il y a seulement trois mois que plus de 4 500 000 Chiliens ont voté pour ce programme et l’oligarchie veut déjà le détruire.
Comment la CPC et sa hiérarchie osent-elle défier la volonté démocratique de 56 % des électeurs ? Cette majorité a voté pour un programme modéré afin d’ assurer la défaite du fascisme et d’installer un Gouvernement qui garantisse le passage vers les nouvelles institutions que proposera la Convention Constituante.
La pierre dans la chaussure du grand patronat est précisément la Convention Constituante. Il craint que de là sorte une Constitution « trop » démocratique politiquement et « très » avancée socialement. C’est-à-dire que la Convention donne naissance à des institutions et à des lois comme jamais auparavant la République n’en as eues. Mais au lieu de partager les attentes du peuple, Sutil affirme que la Convention « crée l’instabilité.»
C’est la manœuvre essentielle de la droite : créer des conditions qui fassent échouer la Convention. Son arsenal médiatique tire dans cette direction et utilise toutes sortes de sophismes même en ridiculisant les polémiques des conventionnels. La télévision est l’axe le plus efficace de cette guerre psychologique. Sutil lui-même négocie l’achat de CNN Chili à l’entreprise nord-américaine Wamermédia. Qui domine l’image domine les consciences. Tant que les médias, même les radios, seront la propriété privée de quelques-uns et ignoreront leurs fonctions sociales, la stabilité d’aucun Gouvernement démocratique ne sera assurée. Notre propre histoire le démontre.
Le Gouvernement du président Boric devra prendre parti. Céder à « l’accord de gouvernabilité» avec le grand patronat ou respecter son engagement envers les pauvres et la classe moyenne appauvrie qui l’ont amené à la Moneda.
Le Chili, selon la CEPAL, est le pays d’Amérique latine dans lequel le patrimoine des riches représente la part la plus importante du Produit Intérieur Brut (PIB) : 16,1 %. Dans des pays énormes où se trouvent de grandes fortunes comme le Brésil et le Mexique, le pourcentage est plus faible : 14,2 % pour le Brésil et 12,2 % pour le Mexique.
Les super riches chiliens se sont arrangés pour augmenter leur fortune grâce à une cuisine insatiable comprenant un coup d’Etat et le terrorisme d’État, en extorquant des Gouvernements, des parlements et des institutions de l’État. La conduite mesquine et mafieuse du grand patronat a fait du Chili l’un des pays qui a le plus d’inégalités au monde.
L’année dernière, alors que la majorité se débattait dans le chômage et l’endettement, les plus riches doublaient leur fortune. Le groupe Luxic s’est haussé à 23 300 000 000 de $, Ponce Lerou à 4100 000 000 de $, Pohlmann à 3300, Piñera à 2900 et ainsi de suite pour les Angelini,Saleh et Yarar. Les bénéfices des banques et des grandes entreprises ont fait le même bond.
Le Chili est le pays de Cocagne pour le patronat mais ça ne lui suffit pas ! Il cherche de plus à soumettre le nouveau Gouvernement à un « accord de gouvernabilité » qui transformerait en lilliputiennes les déjà modestes réformes envisagées dans son programme.
Le Gouvernement, s’il s’obstine, pourrait résister à l’attaque de l’oligarchie en défendant ses engagements électoraux et en assurant à la fois le respect des résolutions de la Convention Constituante.
Mais c’est aussi la tâche des organisations sociales de s’opposer à « l’accord de gouvernabilité » qu’envisage le grand patronat. Le prochain 1er mai pourrait être l’occasion d’une grande mobilisation des travailleurs, des habitants, des femmes, des chômeurs, des étudiants, des retraités, des petits et des moyens patrons , etc… pour rejeter ce que l’oligarchie cherche à imposer.
Le Gouvernement du président Boric ne peut y échapper : il devra prendre parti pour le grand patronat ou pour le peuple.
Aucun Gouvernement ne peut servir à la fois l’oligarchie et ceux qui ont besoin désespérément d’égalité des droits. C’est une réalité confirmée par l’histoire. Il y a 2000 ans, un riche collecteur d’impôts, quelque chose comme un directeur des impôts locaux de l’époque, écrivait dans son Évangile : « Personne ne peut servir 2 maîtres car il méprisera l’un et aimera l’autre ou il aimera moins l’un et dépréciera l’autre. On ne peut servir Dieu et la richesse. » Karl Marx n’aurait pas mieux dit.
Traduction de Françoise Lopez pour Bolivar infos
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/03/25/500627/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/03/chili-impossible-de-servir-2-maitres.html