Colombie : Ridicule et indignité dans la brève réunion entre Biden et Duque
Par María Fernanda Barreto
Moins de 5 mois avant de quitter la présidence de la Colombie, Iván Duque a réussi à rencontrer pour la première fois Joe Biden le 10 mars dernier pendant la guerre en Ukraine et après le rapprochement du Gouvernement de Joe Biden avec le Gouvernement du Venezuela.
Ce que Duque a fait pour obtenir cette entrevue est une tentative désespérée pour éviter 2 échecs imminents de l’uribisme : la défaite aux élections qui se profile aux prochaines élections présidentielles du 29 mai et la défaite historique que serait le fait de quitter le Palais de Nariño en laissant la Révolution Bolivarienne debout aprèsn20 ans de conspiration infructueuses.
La réunion a duré à peine quelques minutes, certains médias parlent de 20, d’autres de jusqu’à 40 mais de toute façon, ça a été une rencontre très brève dont l’information la plus importante a été que Biden a informé Duque de son intention de nommer la Colombie « allié principal hors de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). »
La Colombie, un allié important n’appartenant pas à l’OTAN
Bien que la Colombie soit partenaire mondial de OTAN depuis 2018, cette position de subordination à l’intérieur de l’organisation n’en fait pas un membre et par conséquent n’est pas en contradiction avec cette nouvelle désignation d’ « allié principal hors de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). »
Le président colombien, visiblement ému par cette nouvelle ingérence impérialiste a menti ou a montré son ignorance en disant lors de cette interview que seuls 4 ou 5 pays au monde ont reçu cette « distinction » alors qu’en réalité, il y en a 18 parmi lesquels 2 pays latino-américains : l’Argentine et le Brésil.
Le projet d eloi qui doit accompagner cette nomination a été » présenté à peine mercredi 9 mars par les sénateurs démocrates Robert Menéndez et Tim Kaine et bien qu’il n’ait pas encore été approuvé, il est prévu qu’il le soit. Une fois la nomination et sa loi approuvés par le Congrès étasunien, la Colombie renforcera encore son interaction militaire avec les Etats-Unis.
En plus du ton même du projet de loi qui met en évidence la soumission que le Congrès étasunien attend de l’Etat colombien, la formation d’un Comité Consultatif destiné à renforcer la sécurité du pays conjointement avec le Gouvernement de la Colombie attire l’attention.
Bien qu’on se soit attendu à ce que le premier objectif de ce Comité soit la lutte contre le trafic de drogues, celui-ci se situe à la seconde place, après la lutte anti-insurrectionnelle. Le troisième objectif est la cybersécurité, le quatrième la sécurité frontalière et maritime ainsi que la défense aérienne et le dernier objectif est désigné par le terme mystérieux de « stabilisation. » Selon ce qui est envisagé, ce Comité sera destiné à évaluer les systèmes d’armes et l’équipement technologique de la Colombie.
Evidemment, les mentions concernant le Venezuela ne pouvaient pas manquer. Ce document précise que ce Comité devra élaborer un rapport classé dans lequel il précise les relations des groupes considérés comme des groupes terroristes avec d’autres pays, y compris le «régime de Nicolás Maduro» et ordonne que pendant 5 ans, tous les ans, le bureau du renseignement et de l’investigation du Département d’État, en coordination avec le directeur du renseignement national (INR), le directeur de l’agence centrale de renseignement (CIA) et le directeur de l’agence de renseignement de la défense (DIA), élabore un rapport classé secret défense dans lequel il détaille les activités « malveillantes » des agents de l’État dans la région des Andes.
Cela doit comprendre l’achat et le don d’armes et de matériel militaire que reçoivent ces Etats et en particulier on ordonne d’enquêter, c’est à dire d’espionner, pour obtenir des informations sur « la fourniture de technologies, de matériel et de systèmes d’armes au régime de Nicolás Maduro au Venezuela et ses implications dans la sécurité des pays de la région des Andes. »
En toute insolence, le document détermine que pour réaliser ces rapports de renseignement, le secrétaire d’État étasunien doit établir une surveillance dans la région des Andes.
Le nouveau Plan Colombie
Dans ses commentaires sur cette réunion, Biden a évoqué fièrement sa participation au Plan Colombie, il y a plus de 20 ans, a insisté sur sa version de la situation en Ukraine, fait l’éloge du fait que Duque a condamné la Russie plusieurs fois alors que « tout le monde ne l’a pas fait dans l’hémisphère ou dans un autre endroit du monde , » a annoncé le nouveau statut qu’il souhaite concéder à la Colombie, parlé du problème de la migration et des réfugiés vénézuéliens, offert plus de vaccins contre le COVID-19 et il a terminé en soulignant les relations entre les 2 pays en matière de sécurité tout en réaffirmant son soi-disant engagement envers la paix.
Bien qu’ensuite, dans le document de déclaration conjointe on ait parlé de « la crise au Venezuela » et de soutenir le « rétablissement de la démocratie en tant qu’étape nécessaire pour mettre fin à la crise politique, économique et, humanitaire, » ni dans cette déclaration ni dans la déclaration de Biden, le président du Venezuela, Nicolás Maduro, ni Juan Guaidó ne sont nommés. On n’utilise même pas les mots traditionnellement utilisés comme « dictature », « usurpation » etc. ni rien qui indique que le rapprochement de son Gouvernement avec le Gouvernement bolivarien ait été mentionné lors de cette bnrève rencontre malgré les pressions des corporations de médias colombiens.
Ensuite, Duque a accordé une interview dans laquelle, entre autres choses, il a annoncé le lancement du «Plan Bicentenaire Etats-Unis-Colombie» qu’il édfinit comme une actualisation du Plan Colombie dont l’échec s’est traduit par des milliers de morts, de crimes, de graves violations des droits de l’homme du peuple colombien et pa rune croissance importante du trafic de drogues.
Auparavant, Duque avait rencontré des membres du Congrès républicains d’extrême-droite comme Marco Rubio et démocrates comme Robert Menéndez, réunions lors desquelles il faut s’attendre à ce qu’il ait essayé de contrecarrer la décision apparente du Gouvernement de Biden de soutenir des Gouvernement « progressistes » dans la région comme celui de Gabriel Boric et, éventuellement, celui de Gustavo Petro (s’il gagne). Mais finalement, sa visite a été centrée sur 2 points : renforcer encore plus l’ingérence étasunienne en Colombie et insister dans ses attaques contre le Venezuela, ce pourquoi, évidemment, il a le soutien de ces 2 sénateurs.
Plus de conseils militaires, plus de financement pour la guerre, plus de transnationales, plus d’exploitation vía nearshoring et un autre projet destiné à satisfaire les revendications sectorielles et à justifier les opérations de l’ USAID : voici le résultat qui ne fait présager que plus de guerre pour la Colombie.
Duque, de nouveau entre le ridicule et l’indignité
Comme pour continuer à démontrer que son sens du ridicule n’a pas de limite, Duque a dit : « La Colombie, aujourd’hui, est un pays qui a plus de capacité pour fournir des hydrocarbures que le Venezuela, » c’est pourquoi, selon ce qu’il a ajouté lui-même, il a offert au président étasuniens la possibilité que la Colombie satisfasse la demande actuelle de pétrole des Etats-Unis pour éviter que le pays ait recours au Venezuela.
Mais il a précisé que la Colombie produit actuellement seulement 890 000 barils par jour et il espère que dans quelques années, elle dépassera à peine le million amors que le défi que s’est fixé le Venezuela est de produire à nouveau 3 000 000 de barils petit à petit et d’atteindre cette année les 2 000 000 de barils par jour.
Cette offre ridicule qui a déjà provoqué des memes, des caricatures et des videos moqueuses sur les réseaux sociaux sur le président colombien explique aussi le désespoir concernant la pacification de l’Arauca et pourquoi, au milieu du conflit né en 2022, les compagnies pétrolières ont fait entrer du matériel accompagné par des militaires dans les zones dans lesquelles les communautés ont rejeté l’exploitation pétrolière.
Enfin, nous ne pouvons pas oublier l’action obstinée de Duque pour effacer l’histoire de Notre Amérique et la réécrire en faveur de l’impérialisme. Cela est évident dans la récente célébration du bicentenaire de la Constitution de Cúcuta et maintenant dans la soi-disant célébration du « bicentenaire des relations Etats-Unis-Colombie. »
L’anniversaire que le Gouvernement santandériste cherche à célébrer, c’est le fait qu’en mars 1822, les Etats-Unis d’Amérique, présidés alors par James Monroe, ont reconnu la fin de l’indépendance de la « Grande » Colombie – dont la Nouvelle Grenade faisait partie – un an avant de lancer sa célèbre doctrine.
Loin de le célébrer, l’écrivain vénézuélien Rufino Blanco Fombona écrit à ce sujet :
« Il faut rappeler avec insistance, surtout, que les Etats-Unis ne nous ont reconnus qu’en 1822, alors que nous exercions notre propre gouvernement et notre souveraineté en tant que nations émancipées avec diverses fortunes militaires – depuis 12 ans, .que les Etats-Unis ne nous ont pas aidés au moment de nos épreuves et ne nous ont pas reconnus tant que nous n’avons pas été, selon les mots du président Monroe, « en pleine possession de notre indépendance. »
On a beaucoup écrit et on continue de beaucoup écrire sur cette relation entre Bolívar et Monroe et ces écrits nepeuvent être effacés à force de mensonges et de déformations. L’histoire, la passée, la présente et l’à venir, celle qui se construit chaque jour, émane des peuples, par-dessus les faux récits des oligarchies et bien que le gouvernement colombien nous propose à présent de célébrer son indigne soumission.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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