Amérique Latine : La doctrine de « l’alignement multiple » un casse-tête pour l’impérialisme
Par Fernando Bossi Rojas
L’affrontement entre l’OTAN et la fédération de Russie en territoire ukrainien est en train d’aligner les pays sur des positions qui en surprennent plus d’un.
Que la Chine se place près de la Russie comme ll’Iran ou les Gouvernements révolutionnaires d’Amérique Latine n’est pas nouveau mais il faut faire un suivi des politiques adoptées par les pays quyi ont des économies fortes ou moyennes et qui n’ont pas répondu aux appels des métropoles impérialistes. L’exemple le plus remarquable est l’Inde qui n’a pas accepté de condamner la Russie, laissant perplexes aussi bien le Gouvernement étasunien que le Gouvernement britannique.
Il semblerait que la doctrine de « l’alignement multiple » du chancelier indien Subrahmanyam Jaishankar, exprimée dans son livre “The India Way: Strategies for an Uncertain World” (le chemin de l’Inde : stratégies pour un monde en changement) non seulement soit en train d’être appliquée par le pays présidé par Narendra Modi mais aussi – peut-être sans avoir été théorisée auparavant et au-delà du cas ponctuel de la guerre en Ukraine – par des Gouvernements comme celui de la Turquie, du Kazakstan, de la Serbie, de l’Afrique du Sud, du Mexique, de l’ Argentine, de l’Iraq, et même il y a quelques jours celui du Pakistan et dans une moindre mesure celui de l’Arabie Saoudite.
Des pays qui jusqu’à il y a quelques années, étaient de fidèles partisans des ordres émanant de Washington, aujourd’hui, n’obéissent plus en claquant des talons aux demandes de la puissance nord-américaine. Et nous ne devons pas penser que ces pays se sont placés sur le trottoir d’en face. En fait, maintenant, l’alignement n’est plus inconditionnel ni automatique. Par la force des choses, ces pays ainsi que d’autres, intéressés par des accords aussi bien avec les Etats-Unis qu’avec la Chine, la Russie ou l’Allemagne, ont commencé à prendre une position proche de « l’alignement multiple »exprimé par la chancelier de l’Inde.
Le monde est en train de changer, il est déjà évident qu’il a commencé à se configurer sur la base de la multipolarité. C e processus n’est pas linéaire, il se fait avec des blocs en formation, certains plus avancés que d’autres mais pour la plupart, ils rejettent l’idée d’uni-polarité défendue par les Etats-Unis et ses associés directs.
Sauf l’Antarctique, qui depuis des années est dans la ligne de mire des empires, le reste de al planète est toujours divisé. Les pays soumis à l’impérialisme continuent d’exister mais il y a de plus en plus de pays qui sont en train d’atteindre une certaine maturité et défient la soumission à l’impérialisme en essayant de naviguer entre 2 puissances ou plus.
Quand Lenine écrivit « L’impérialisme, dernière étape du capitalisme » (1916), il décrivait un monde divisé entre pays oppresseurs et pays opprimés. Cette caractérisation, correcte à cette époque, a subi certaines modifications. A ces 2 blocs, celui des impérialistes et celui des pays opprimés, s’ajoute depuis déjà plusieurs décennies, un troisième bloc, celui des pays indépendants ou relativement indépendants. Il est évident que ce troisième bloc n’est pas composé par des pays impérialistes mais en outre, il n’est pas composé non plus de pays opprimés étant donné le degré de développement de leur forc ede production ou pour des raisons politiques. Au moins, ils ne sont pas assez opprimés pour ne pas être capables de manoeuvrer de façon souveraine par rapport aux diktats de l’impérialisme.
Dans ce bloc se trouvent des pays très puissants et d’autres moins mais ils ont tous un certain niveau d’autonomie prouvée : la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord, le Vietnam, la Biélorussie, la Turquie, l’Irak, le Laos, l’Inde, la Syrie, le Qatar, le Yemen, l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua, la Bolivie, entre autres.
Il faut préciser qu’on peut constater cette position souveraine indépendamment de l’idéologie de leur Gouvernement puisque nous pouvons la voir dans des pays capitalistes, des pays socialistes et des pays en transition vers le socialisme.
Nous voyons, alors, que le monde s’achemine vers la multipolarité, la formation de plusieurs blocs de pouvoir et a tendance à atteindre un équilibre de coexistence mutuelle. Ainsi formulé, ce serait l’idéal mais que ce soit vraiment une réalité, il faudra surmonter l’écueil que représente le Gouvernement impérialiste des Etats-Unis et de ses associés directs.
Le problème qui se pose toujours dans le monde – bien qu’on ne veuille pas le reconnaître – n’est autre que le problème de la souveraineté et des nationalités.
Le cycle d’affrontement des Etats-nations « n’appartient pas au passé, » ce n’est pas un problème surmonté par la mondialisation néolibérale et la politique du marché au niveau planétaire mais au contraire, c’est un problème à fleur de peau étant donné que la résistance des peuples à l’asservissement par une poignée de pays impérialistes se réalise à travers la récupération de l’image de la souveraineté nationale et de l’anti-impérialisme.
Ce qu’on appelle « la question nationale, » sauf dans quelques pays développés, reste en suspens et les peuples continuent à lutter pour la formation de leur propre espace national, la plupart du temps nié par l’ingérence étrangère. C’est une réalité que les forces de l’uni-polarité cherchent à ignorer.
Si nous parlons de Notre Amérique, nous connaissons la fragilité qu’implique la division à laquelle nous avons été soumis. Nous commençons à comprendre de plus en plus clairement les avantages de l’union. La même situation existe dans différentes régions d’Afrique, d’Asie et même d’Europe de l’Est, dans le Caucase, sur la péninsule indochinoise etc.
C’est pourquoi jouer sérieusement dans la politique mondiale aujourd’hui signifie, entre autres choses, étudier méticuleusement les diverses contradictions qui se présentent car une vision simpliste ou seulement schématique pourrait nous conduire à faire des erreurs catastrophiques. Il est facile d’identifier l’ennemi ainsi que ses associés directs mais le système d’alliances qu’il faut tisser pour nous placer comme il faut sur la scène de l’affrontement nécessite une très profonde analyse et une capacité de manœuvre singulière.
De l’Ecole de Formation Politique emancipation, nous appelons instamment les forces révolutionnaires à étudier la géopolitique actuelle, une étude qui implique en soi la connaissance de l’histoire, de la géographie, de l’économie et d’autres matières qui permettent de comprendre une réalité aussi dynamique que complexe.
Ce n’est qu’en vainquant l’impérialisme qu’on ouvrira la voie à la construction d’un monde multipolaire dans lequel le socialisme qui occupe déjà sa place dans la lutte, aura encore plus à dire.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
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