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Paraguay : Le paradis des nazis et des fascistes

17 Avril 2022, 18:26pm

Publié par Bolivar Infos

Par John Sherrard

 

Le premier parti nazi hors d’Allemagne a été fondé dans l’un des pays les moins connus d’Amérique du Sud. Il est né en 1929, 4 ans avant l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne. Tout au long de son histoire, le Paraguay, qui se caractérise par des régimes autoritaires, a été le refuge de militants d’extrême droite et de toutes sortes de criminels.

 

Le Paraguay est un inconnu en Amérique du Sud, c’est presque comme si un rideau de fer l’entourait, le soumettant à une grande absence dans le concert des voix latino-américaines. La Bolivie, l’Uruguay, l’Équateur, des pays un peu semblables en ce qui concerne la taille de leur territoire, ont reçu plus d’attention et d’études de la part des enseignants et des médias. Mais le Paraguay a toujours été rendu invisible, sauf pour les pays voisins comme l’Argentine et le Brésil où on en parle pour l’exode de ses migrants et parce que c’est une enclave pour le crime organisé, qui se consacre à la production et au trafic de drogues ainsi qu’à la contrebande et au blanchiment d’argent. Ces derniers temps, de plus, ce pays a fait les titres des médias internationaux à cause de la crise climatique qu’il vit à cause de son économie orientée vers l’extractivisme.

 

Le silence traditionnel concernant le Paraguay n’est pas dû au hasard et ne peut s’expliquer totalement à cause de son isolement géographique. Il est aussi le produit de son histoire politique, décidée par ses élites locales et aussi internationales. Nous pourrions affirmer qu’il a eu son origine dans les dictatures de José Gaspar Rodriguez de Francia (1814–1840) qui a isolé le pays pour préserver son indépendance. De même, il faut rappeler la guerre du Paraguay (1864–1870) lors de laquelle deux tiers de sa population ont été détruites, un fait qui peut être considéré comme un génocide, en plus des pertes importantes de territoire gagné par ses 2 grands voisins avec la participation de l’Uruguay et selon certains historiens, le financement du Royaume-Uni.

 

Mais que le Paraguay n’ait pratiquement pas existé sur la carte du monde pendant le siècle dernier a bénéficié à des groupes et à des personnes d’extrême droite, à des criminels et des aventuriers qui se consacraient à des affaires troubles. Une chose qui a prévalu pendant les premières années du XXIe siècle également.

 

L’importante migration allemande que le le Paraguay a reçue à la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, en s’installant en colonies, a été une pépinière de groupes nazis avec de fortes idées racistes et eugénistes. L’intellectuel paraguayen d’origine juive Alfredo Seiferheld explique dans son livre « Nazisme et fascisme au Paraguay » (2020) :

 

« Le Paraguay offrait des conditions particulièrement favorables à l’expansion de la doctrine national-socialiste. Presque 30 000 Allemands, natifs et descendants, étaient éparpillés dans diverses colonies et villes. 5 000 d’entre eux étaient très importants dans le commerce, la banque et d’autres activités patronales. Le Paraguay avait connu, de plus, la première tentative de colonisation allemande encouragée par la ségrégation raciale, très en accord avec la pensée national-socialiste des années 30. » (Page 80)

 

Le même auteur relate à propos du Paraguay :

 

« Son corps social a été contaminé par le virus fasciste et la doctrine raciale nazie qui prêchait la ségrégation et la supériorité aryenne. Pendant que des contingents de juifs cherchaient refuge dans n’importe quel coin du monde, la thèse de leur handicap est arrivée au Paraguay et a bloqué leur entrée. Beaucoup ont éludé les restrictions légales, et ont passé la frontière avec des documents incomplets ou falsifiés. »(P.20)

 

Pendant les dernières années, le Paraguay a vu sortir des livres et des reportages journalistiques consacrés à la présence des nazis dans le pays après la seconde guerre mondiale comme par exemple : « Mengele au Paraguay » (2018) du journaliste Andres Colman Gutiérez et « Un nazi au sud : le boucher de Riga au Paraguay » (2017) du journaliste Juan Calcena Ramírez . Comme c’est arrivé dans d’autres pays d’Amérique du Sud comme l’Argentine, le Brésil ou le Venezuela, le Paraguay a donné refuge à de nombreux agents du national-socialisme, ce qui ne constitue pas particulièrement une surprise. Mais le Paraguay a eu pendant presque 35 ans un dictateur d’extrême droite d’origine allemande, le général Alfredo Stroessner. Ça a été la dictature la plus longue d’Amérique du Sud : elle a débuté en 1954 et s’est terminée en 1989.

 

Mais avant de parler de la dictature de Stroessner, il faut mentionner brièvement certains antécédents importants. L’un d’entre eux est la guerre civile de 1947. L’armée de couleur, de tendance nazie et fasciste, avec le soutien clé du Général argentin Juan Domingo Péron, a vaincu les forces révolutionnaires composées par des libéraux, des fébréristes1 et des communistes. À partir de cette année-là et jusqu’à aujourd’hui persiste ce qu’on appelle « l’hégémonie de couleur » c’est-à-dire, la domination du parti de couleur (Colorado) dont le nom d’origine est association nationale républicaine, dans la vie politique paraguayenne.

 

La victoire de l’armée de couleur en 1947 a été très importante pour le soutien de la dictature de l’époque du Général Higinio Morinigo (1940–1948) soutenue par des groupes paramilitaires comme les guides rouges dans les zones urbaines et les pynandi (pieds nus en guarani) dans les zones rurales. Cette guerre civile fut encore plus cruelle que la guerre du Chaco (1932–1935). Elle s’est caractérisée par le sadisme et la rage avec lesquels ont agi les bandes colorées et a provoqué un exode massif vers l’Argentine qui a accueilli des centaines de milliers de Paraguayens en tant que réfugiés.

 

La seconde dictature soutenue par le parti coloré, celle du Général Alfredo Stroessner, allait être la plus longue et consoliderait l’engrenage qui ferait du Paraguay un territoire sûr pour les nazis, les fascistes, les franquistes et pour le crime organisé. Sympathisant d’Adolf Hitler et du nazisme, Stroessner était le fils d’un immigrant allemand installé dans la ville d’Incarnation.

 

Ce furent 35 années de terrorisme d’État pendant lesquelles ont été persécutés, expulsés, ont disparu ou on été exécutés des groupes et des personnes soit de tendance de gauche soit simplement critiques ou d’opposition. Le dictateur d’ascendance allemande a raffiné un système d’espionnage déjà en vigueur sous la dictature de Morinigo dans laquelle les pyragüe (pieds poilus en langue guarani) sont connus comme des délateurs.

 

Les pyragüe étaient disséminés partout. Le stroessnerisme a su se créer une base solide à force de prébendes et de clientélisme et en donnant des prix avec des charges publiques, des salaires d’État, l’impunité pour la contrebande ou d’autres activités illégales. La dictature a réussi a salarier une grande quantité de personnes dont la fonction était de dénoncer les familles, les amis, les voisins, les connaissances ou toute personne qu’elles estimaient suspecte. Les « archives de la terreur » découvertes en 1992, en témoignent.

 

Une question toujours en suspens qui devrait être abordée avec plus de profondeur est le suprémacisme blanc sous la dictature de Stroessner qui s’est manifesté dans des faits comme le génocide aché, l’assassinat et l’expulsion de plusieurs peuples indigènes de leur territoire pour qu’il soit occupé par des groupes de colons, l’imposition d’une vision culturelle homogène et eurocentrique au détriment de la diversité culturelle existante et très importante, la persécution de la langue guarani et d’autres langues originaires présentes en territoire paraguayen.

 

Stroessner non seulement a donné refuge à une importante quantité de nazis allemands mais le média espagnol El Salto rapporte la façon dont des militants de l’extrême droite espagnole, beaucoup recherchés par la justice, ont trouvé refuge là. Le journal écrit : « Le Paraguay des années 80 était l’un des sanctuaires de l’extrême droite. » Le journal espagnol El Pais a écrit aussi dans les années 80 : « Le Paraguay est le paradis de prédilection de l’extrême droite espagnole qui fuit la justice. » Dans un autre article de la même année, le même journal montre la façon dont beaucoup de ces franquistes espagnols sont venus au Paraguay se consacrer à la contrebande et sont devenus des animateurs d’événements politiques ou publics en portant le traditionnel foulard rouge en soutien en général Stroessner et à son parti. Une curiosité : un groupe d’extrême droite du nom de « cercle euro-américain d’art et de culture » (CEAC) a rendu hommage au dictateur espagnol Francisco Franco pour le 10ème anniversaire de sa mort avec la protection de la police. Cet acte s’est déroulé au pied du monolithe en l’honneur du Général espagnol situé dans les rues Kubitschek et celle qu’on appelait à l’époque rue généralissime Franco dans la ville de Asuncion.

 

À propos des activités illégales du crime organisé, le Washington Post écrit ce qui suit en 1988:

 

« Le Paraguay est peut-être le seul pays au monde dans lequel le commerce de contrebande d’exportation et d’importation est plus important que le commerce légal. Ceux qui sont fidèles à Stroessner vivent luxueusement avec les bénéfices du commerce de contrebande d’alcool, de cigares, de parfums, d’ordinateurs, de coton et une myriade d’autres articles incluant de plus en plus la cocaïne et d’autres drogues. »

 

Il faut mentionner un cas qui est apparu dans les médias internationaux dans les années 70. Le journaliste étasunien Nathan Adams a enquêté pendant plus d’un an sur un des trafiquants de drogue les plus puissants de cette décennie, le français Auguste Joseph Ricord qui se cachait au Paraguay. À la suite de cela, Ricord a été jugé aux États-Unis. Le New York Times signale dans un article de 1973 :

 

« Auguste Joseph Ricord, que le Gouvernement a qualifié de plus important trafiquant d’héroïne jamais jugé aux États-Unis, a été condamné hier à la peine maximale de 20 ans de prison par la cour fédérale pour conspiration afin de d’organiser une contrebande de narcotiques. »

 

Ricord est retourné au Paraguay après avoir purgé 10 ans de prison, à nouveau protégé par le régime d’Alfredo Stroessner. À ce sujet, le journaliste Alcibiades Gonzalez Delvalle affirmait dans un article dans ABC color au moment du retour du trafiquant de drogue dans le pays :

 

« Et c’est bien. Notre pays a de la place pour des centaines de Ricord. Ici, il y a de la place pour toutes sortes de gens. Que les gamins viennent qu’ils viennent. Nos bras sont toujours ouverts pour recevoir des messieurs qui ont cette réputation ou une réputation analogue.

 

Ici, il n’y a juste pas de place pour des compatriotes honnêtes et travailleurs.

 

Joseph Auguste Ricord est venu occuper la place qu’à laissée Augusto Roa Bastos, par exemple. Ou peut-être celle de Luis Alfonso Resk. Ou peut-être celle de Domingo Laino. Qui sait si ce n’est pas celle de tant d’autres compatriotes dignes à qui, quand ils rentrent au pays, on ne permet pas de descendre de l’avion ?

 

Autre chose : avec quel passeport à voyagé Monsieur Ricord ? Peut-être avec un passeport paraguayen ? Comment ? Ce document qui fait défaut à tant de Paraguayens qui n’ont jamais volé, escroqué, trafiqué rien ? »

 

En 2021, le Paraguay continue d’être une enclave ultra conservatrice, un refuge de capitaux provenant d’activités illégales et un refuge de criminels. L’hégémonie colorée continue à s’imposer. Le général Alfredo Stroessner, mort, est toujours président honoraire de son parti et ses héritiers restent vissés au pouvoir.

 

Connaître un peu l’histoire du Paraguay permet de mettre en lumière certaines ombres de l’histoire du cône sud et de l’Amérique latine en général qui attirent l’attention. C’est ici que s’est constitué le laboratoire des droites du continent est où elles gardent captif un territoire qui leur sert de refuge et les fait avancer en Amérique du Sud.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

NOTE de la traductrice: 

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/04/06/paraguay-el-paraiso-nazifascista-y-bastion-ultraderechista-en-sudamerica-2/

URL de cet article :

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