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Venezuela : Guerre économique contre la Russie, les possibilités pour le Venezuela

23 Avril 2022, 16:51pm

Publié par Bolivar Infos

L’opération spéciale militaire de la Russie en Ukraine et ses conséquences provoqueront un remodelage important des relations internationales et de l’économie qui est déjà sensible à court terme.

 

Mais à moyen et à long terme, les scénarios, bien qu’ils restent flous, vont vers une modification des relations entre les pays et tracent une ligne de division plus nette entre l’Occident et l’Eurasie.

 

Cette nouvelle situation provoque un changement de situation pour plusieurs pays. La configuration du système monde postérieur à l’actuelle crise a des noeuds stratégiques dans les secteurs importants de la Russie qui sont l’objet de mesures coercitives unilatérales comme le pétrole, le gaz, les engrais, les aliments et les minerais stratégiques.

 

L’ampleur perceptible de ces secteurs sous sanctions et la carte des pays qui jusqu’à présent n’ont pas cédé aux pressions en « sanctionnant » l’économie russe suscite un accommodement des économies à des niveaux sans précédent, dans un lams de temps très étroit.

 

Le Venezuela, un pays qui est dans l’orbite géographique occidentale mais qui a une orbite politique et économique dirigée vers le monde émergeant et l’Eurasie, se trouve à un carrefour particulier. Tout le processus de remodelage économique contient des éléments qui lui sont potentiellement favorables mais aussi d’autres qui pourraient lui être préjudiciables.

 

Scénarios éventuellement favorables 

 

Le Venezuela est passé ces dernières années par un processus d’escalade des mesures coercitives unilatérales qui a eu un impact profond sur son économie. Ses actions ont consisté en un blocus de fait et officiel sur la totalité de l’économie vénézuélienne grâce à l’importante dépendance du pays envers ses exportations de pétrole.

 

Concrètement, tout d’abord à cause de la chute du prix international du brut et ensuite à cause du blocus, des exportations vénézuéliennes de brut, le pays a subi une baisse de ses revenus en monnaie étrangère selon la banque centrale du Venezuela de 99% de 2014 à 2020.

 

Maintenant, avec les opérations militaires de la Russie en Ukraine, Washington a annoncé ce qu’on comprend jusqu’à présent comme une détente conjoncturelle et ponctuelle concernant certaines opérations pétrolières du Venezuela à l’étranger.

 

Le Gouvernement Biden a envoyé des représentants discuter avec le Gouvernement du président Nicolas Maduro pour proposer une négociation qui envisage de rétablir certaines activités des entreprises évidemment étasuniennes au Venezuela.

 

Cela ouvre la possibilité de nouvelles licences qui, exceptionnellement, autoriseraient les affaires au Venezuela et depuis le Venezuela en matière de pétrole.

 

La crise énergétique que génèrent les « sanctions » envers la Russie implique la fabrication d’un marché déprimé à moyen et à long terme qui doit être rétabli grâce à plus de production de brut sur tous les fronts possibles, en particulier sur le marché des bruts lourds, le point fort du Venezuela, car les mesures contre le pays caribéen, paradoxalement, avaient donné la possibilité d’exporter du brut de Russie aux États-Unis pour soutenir l’alimentation des raffineries de brut lourd en Amérique du Nord.

 

La possibilité d’une augmentation des exportations pétrolières du Venezuela est le premier élément favorable de cette équation.

 

On n’a pas vraiment de précisions sur les accords qui pourraient être signés à présent entre le Venezuela et les États-Unis mais il est probable que le Venezuela en bénéficie grâce à un nouveau « bol d’air » en matière technologique, en ayant la possibilité d’acquérir certaines fournitures seulement disponibles en Amérique du Nord pour le développement des processus vitaux de son industrie pétrolière, en particulier en matière de raffinage des hydrocarbures.

 

D’autres part, les mesures d’asphyxie contre la Russie mettent entre parenthèses le marché mondial des engrais. Selon l’institut d’investigation sur les politiques alimentaires, la Russie est l’un des principaux producteurs d’engrais et représente 15 % du commerce mondial d’engrais à base de nitrates et 17 % des exportations mondiales d’engrais à base de potasse. Ainsi, les mesures contre le pays euro-asiatique fissurent énormément la sécurité agroalimentaire du monde.

 

Cette situation va exiger que plus d’acteurs augmentent leur quota de production d’engrais pétrochimiques. Le cas du Venezuela est particulier. L’entreprise d’État PEQUIVEN, qui autrefois produisait 93 % des engrais du pays est la légitime propriétaire de MONOMEROS Colombo-Venezolanos qui a son siège en Colombie et satisfait presque 50 % de la consommation d’engrais en Colombie.

 

Cette filiale est aux mains du Gouvernement colombien, soi-disant par mesure de protection et c’est de façon évidente une spoliation du Venezuela, en application du blocus économique.

 

Dans le cas où le Venezuela pourrait développer des procédures d’acquisition de technologie et que, à cause d’un relâchement des « sanctions » il pourrait reprendre ses opérations d’exploitation du gaz, il pourrait augmenter la production d’engrais et même en placer un quota sur le marché international. La possibilité de récupérer la fille en Colombie est encore loin. Mais si on parle de la récupération du Venezuela en matière d’engrais, ce n’est pas sans importance, si on considère que la région latino-américaine et caribéenne est un secteur clé et hautement dépendant de ces secteurs. Le Brésil et les États-Unis sont les principaux consommateurs d’engrais de ce côté du monde.

 

Dans un autre ordre d’idée, survient juste maintenant un processus de remodelage financier provoqué par les causes structurelles du financement des Gouvernements des États-Unis et d’Europe. En bref, l’émission soutenue de dollars et d’euros inorganiques (sans soutien) est une composante clé de l’inflation mondiale qui existait déjà avant la guerre en Ukraine. En d’autres termes, il y a une fuite vers d’autres actifs monétaires et d’autres produits de base pour préserver le capital qui, selon l’économiste espagnol José et Manuel Cava, favoriserait l’or.

 

À la suite des mesures contre son économie, la Russie est en train de soutenir sa monnaie en achetant de l’or. En offrant d’acheter de l’or des banques russes au prix fixe de 5000 roubles le gramme, la banque de Russie a lié le roubles a l’or. Cela a provoqué une hausse du prix de ce métal mais la tendance à long terme pourrait être que l’or devienne un moyen d’échange en Eurasie.

 

Un tel scénario favorise le Venezuela étant donné qu’en 2018, il était la seconde plus importante réserve d’or du monde.

 

Scénarios éventuellement défavorables

 

La composition d’une nouvelle géoéconomie des matières premières s’est accélérée juste maintenant. La Russie a esquivé les « sanctions » en faisant baisser son brut de 35 %, une alternative séduisante pour plusieurs pays consommateurs dans une situation de prix élevé et d’incertitude.

 

Bien que l’Europe et les États-Unis aient décidé de se passer du brut russe, d’autres pays consommateurs comme l’Inde et la Chine conservent leurs traités avec la Russie et l’agence internationale de l’énergie (AIE) a réduit de moitié son estimation de la baisse de la production russe de pétrole en avril étant donné que le pays a été capable de trouver de nouveaux clients malgré les restrictions mondiales et les auto restrictions des acheteurs traditionnels.

 

L’agence prévoit maintenant que la production russe baissera seulement de 1 500 000 barils par jour en avril face à une estimation antérieure de 3 000 000 de moins par jour. Les Russes sont en train de rediriger leur brut.

 

La Russie et la Chine ont travaillé à un schéma d’échange d’hydrocarbures en monnaies nationales et à présent l’Inde a prévu d’acheter du brut à la Russie en monnaie nationale.

 

Ce scénario, clairement favorable à la configuration d’un système commercial différent du dollar, est potentiellement préjudiciable au Venezuela si le pays n’arrive pas à prendre position face à ce schéma, aussi bien dans le domaine du marché que dans le domaine monétaire.

 

La Chine est aujourd’hui le principal client pour le brut vénézuélien et suite à l’asphyxie du Venezuela par les États-Unis, l’Inde a pris la seconde place en tant que client. Dans la mesure où le pétrole russe va plus vers la Chine et l’Inde, dans des conditions géographiques favorables, dans une situation de baisse et de transactions en monnaies nationales, le placement du pétrole vénézuélien peut se voir découragé, ce qui implique pour le Venezuela de devoir chercher un espace dans l’hémisphère occidental.

 

En termes strictement politiques et géoéconomiques, le retranchement de l’Eurasie dans sa chaîne de matières premières à bas coût, plus proches et dans ses propres monnaies, renforce les liens entre ses Gouvernements dans une résistance nécessaire face à l’Occident. Mais le Venezuela ne renforcera ses liens pétroliers avec ses clients à long terme que si ceux-ci continuent à augmenter leurs quotas de consommation. C’est ce qui est prévu mais ce n’est pas garanti.

 

D’autre part, bien que pour l’instant, l’éventuelle détente de Washington envers Caracas prévoie un scénario favorable à l’activité pétrolière du Venezuela, cela n’assure pas que le blocus du pays puisse être levé dans d’autres domaines comme dans le secteur de l’or.

 

Les conditions, aujourd’hui favorables, dans le secteur de l’or sont aussi un facteur de risque pour les opérations en or du Venezuela et vers le Venezuela si la chasse aux sorcières augmente et persécute les opérations en or liées à la Russie.

 

En d’autres termes, comme la compagnie d’État russe Rosneft a été l’objet de « sanctions » dans les années précédentes parce qu’elle opérait au Venezuela, la compagnie d’État vénézuélienne PDVSA pourrait être l’objet de nouvelles mesures parce qu’elle continue à avoir des relations avec la Russie. L’application inter-territoriale et multi-directionnelle des mesures coercitives possède cette dimension.

 

En d’autres termes, Washington chercherait à éloigner le Venezuela de la Russie en utilisant les mesures coercitives comme cravache et comme façon de « tordre le bras. » Le b ut n’est rien d’autre que chercher à faire revenir le Venezuela dans la « zone traditionnelle d’influence » des Etats-Unis en commençant par la domaine commercial grâce à des pressions constantes et des intrigues, ce qui constitue une grosse force de coercition pour les relations internationales de la République Bolivarienne. 

 

Les mesures contre la Russie ont une très large répercussion en matière financière. La persécution de la Russie mettra toutes les loupes de l’Occident sur l’activité financière euro-asiatique. Le Venezuela a réussi à esquiver une partie du blocus en employant le système financier euro-asiatique pour exécuter de modestes mais importantes activités commerciales. Sur ce front, un scénario défavorable au Venezuela s’ouvre car souvenons-nous que le blocus des Etats-Unis est une mesure de force à long terme bien qu’il puisse être « allégé » dans le domaine du pétrole, il peut également être soutenu de façon très préjudiciable dans d’autres domaines commerciaux du Venezuela.

 

Le Venezuela devrait s’unir très vite et très efficacement aux nouveaux instruments d’intermédiation financière de la Chine et de la Russie pour accéder au système financier euro-asiatique hors de la SWIFT (Society for World Interbank Financial Telecommunication) sans céder aux nouveaux chantages et aux nouvelles intrigues que les Étasuniens cherchent à imposer pour « alléger » le blocus pétrolier.

 

Le remodelage de l’économie mondiale entre les pays et les entreprises qui négocieront ou pas avec la Russie ouvre de multiples possibilités déterminées par l’aune des « sanctions. »

 

L’une d’entre elles, par exemple, est l’application de mesures financières à toute entreprise, supposons, chinoise, pour avoir des relations avec des minerais achetés à la Russie. A la base, l’Occident utiliserait le prétexte de soi-disant isoler la Russie pour mettre en place des politiques de « sanctions » secondaires contre tout pays objectif. Le Chine est le premier pays sur la liste et avec elle, son projet économique de la Bande et la Route. Au fond, la « diplomatie des sanctions » vise ces autres objectifs, en somme, arrêter les pays émergents. 

 

A long terme, cela retombera non seulement sur la Chine mais aussi sur les pays dans lesquels les entreprises chinoises ont une activité. La persécution à outrance des entreprises chinoises pour n’importe quelle raison ouj pour n’importe quel motif « justifiée » par les « sanctions »envers la Russie est une possibilité réelle. C’est à dire, la destruction des entreprises chinoises à l’échelle internationale est aussi un scénario défavorable. Evidemment, ce scénario défavorable retombe sur le Venezuela. Le pays ne va pas rester à l’écart de la guerre économique à l’échelle mondiale, en fait, il en fait déjà partie. 

 

La position du Venezuela 

 

Il faut préciser que, bien qu’il y ait de nouvelles influences géoéconomiques qui génèrent de nouvelles difficultés et de nouvelles opportunités pour le Venezuela, cela ne veut pas dire que le pays a des hauts et des bas dans son orientation stratégique ou qu’il existe une politique de fond à re-concevoir. Bien au contraire.

 

Les nouveaux scénarios, aussi bien favorables que défavorables se créent sur les honneurs et les blessures qu’a subis le pays de la part des Etats-Unis et de leurs alliés occidentaux qui ne sont ni crédibles ni fiables pour le Gouvernement du Venezuela. Pour le pays, il n’y a pas de détente solide et durable avec et grâce à eux.

 

Fin mars, dans la ferveur de l’attaque de l’Occident contre la Russie, et malgré la visite des Etasuniens à Caracas, le président Nicolás Maduro a souligné la nécessité d’aller vers une « nouvelle architecture » financière, commerciale et de coopération internationale mise en place par les pays émergents.

 

Cela veut dire que dans le contexte actuel, la position du Venezuela est de gagner de l’espace, du temps et des occasions grâce à une éventuelle détente avec Washington pour aller vers l’ordre multipolaire et renforcer sa place dans la société avec ses alliés. Le Venezuela a les ressources stratégiques, énergétiques et minérales pour faire partie de cette architecture bien qu’il soit « si près du Diable. »

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/04/21/507234/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/04/venezuela-guerre-economique-contre-la-russie-les-possibilites-pour-le-venezuela.html