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Venezuela : Le coup d’État de 2002, un essai qui a servi à renverser d’autres Gouvernements 

12 Avril 2022, 17:37pm

Publié par Bolivar Infos

20 ans parès le coup d’État d’avril 2002 contre le président Hugo Chávez, il semblerait qu’il y ait une continuité dans ce genre de mesures désespérées et violentes destinées à renverser un Gouvernement.

 

Interview d’ Ernesto Villegas par Nathaly Gómez

 

Les tentatives similaires de l’ancien député Juan Guaidó, ne sont pas loin. En 2019, accompagné par une partie des agents nationaux et internationaux qui avaient organisé le coup d’État contre Chávez, il a cherché à plusieurs reprises à déposer le président Nicolás Maduro grâce à différents plans neutralisés par les autorités.

 

Ce coup d’État s’est achevé par le retour de Chávez à Miraflores grâce au peuple qui, spontanément, a envahi les rues pour exiger le retour du président. Dé plus, les militaires loyaux ont réalisé une opération de sauvetage du président qui avait été conduit sur l’île de la Orchila où se trouve une base navale dans les Caraïbes vénézuéliennes.

 

Mais 20 ans plus tard, il est bon d’analyser les clefs de ce coup d’État aussi bien pour le Venezuela que pour d’autres pays et le rôle des médias en tant qu’agents politiques de déstabilisation des Gouvernements et d’autres facteurs internes et externes.

 

Pour aborder ce sujet, nous interviewons le journaliste et écrivain vénézuélien Ernesto Villegas, ministre de la Culure et auteur du livre « Avril, un coup d’État interne » passionné et grand connaisseur de ce sujet qui réfléchit sur cette structure née il y a 20 ans qui semble s’étendre jusqu’à aujourd’hui.

 

Villegas a été 2 fois ministre de la Communication et de l’Information, ministre d’État pour la Transformation Révolutionnaire de la Grande Caracas et chef du gouvernement du district de la capitale, entre autres responsabilités. Il a également travaillé dans la presse écrite, dans des médias audiovisuels et à la radio et il a actuellement une émission d’interviews : « Ici avec Ernesto Villegas ».

 

N.G. : Le coup d’État d’avril 2002 a été plus qu’un coup d’État contre un président sud-américain ?

 

E.V. : Oui, beaucoup plus. Ce qui s’est passé fait penser à un coup d’État mais ça n’a pas été tout. A la lumière des événements qui se déroulent actuellement dans le monde, le laboratoire qui a été mis en marche ici il y a 20 ans est beaucoup plus mis en évidence. Comme le Venezuela est enrtré tard dans le XXème siècle, à cause de la dictature de Juan Vicente Gómez, disait Hugo Chávez qui est entré tôt dans le XXIème siècle avec la première rébellion contre le néolibéralisme du 27 février 1989, le soulèvement militaire du 4 février 1992, l’approbation de la Constitution de 1999. Tout cela a dépassé le XXème siècle et ce qui a pris plus de temps à d’autres peuples, nous, nous l’avons fait plus tôt.

 

Mais aussi se sont mis en marche précocement des mécanismes qui ensuite ont été à la mode. Ce qui se passe aujourd’hui avec l’exclusion soi-disant légitime de voix et de vitrines des médias alternatifs, le « zéro chavisme sur les écrans » d’il y a 20 ans a beaucoup d’airs de famille avec la « zéro version russe des événements sur les écrans, » l’action des cartels de médias abandonnant ses propres postulats déontologiques.

 

Pour le coup d’État d’avril 2002, les médias privés ont mis à la poubelle leurs propres manuels d’éthique. Qui peut dire que ce n’est pas la même chose que ce que vient de faire le journal El País?

 

Au Venezuela, nous commençons à dénoncer précocement la conduite fasciste des secteurs de l’opposition et on nous considère comme des gens qui exagèrent, ancrés dans la Guerre Froide. Et ce même fascisme que nous dénonçons a fini par montrer ses dents à d’autres endroits.

 

L’abandon par les médias de leurs mécanismes de validation de al crédibilité de leurs contenus est aussi un trait commun qui s’est répandu après le coup d’État d’avril 2002 à d’autres endroits.

 

La machinerie médiatique s’est reconnue elle-même a été reconnue par ceux qui la contrôlent vraiment, comme des « machines » destinées à créer des états d’âme dans la société plus que de l’information, des états d’âme qui cherchent à créer des états d’indignation générale à propos de faits complexes qui n’admettent pas le plus petit doute sain, professionnel, journalistique. Le journalisme est devenu un obstacle parce que la fin des fins n’est pas la vérité mais la création d’états d’indignation qui « légitiment » le renversement d’un Gouvernement. 

 

Alors, cette combinaison de cartels de médias employés comme arme de création d’états d’indignation et de situations impliquant les drouts de l’homme qui se mêlent à la persécution judiciaire crée un « petit monstre » que nous avons vu marcher pendant longtemps. Nous le voyons aujourd’hui. A la fin, le citoyen est prisonnier de divers mécanismes de manipulation d’émotions plus que de raisons et il suffit de voir sur les réseaux sociaux une consommation effrénée d’informations sans lien, fragmentées, qui n’admettent pas d’analyses, de contrastes, des ordres du jour politiques faits sur la base des tendances.

 

Le 23 février 2019 est passé. On a créé l’idée que Maduro avait brûlé l’aide humanitaire [qui arrivait soi-disant au Venezuela de Colombie] et 2 semaines plus tard, le New York Times finissait par admettre que le feu venait du côté colombien. On voit que la machinerie médiatique donne à l’ordre du jour politique la chance de tirer ses racines dont elle accomplit la mission et ce dont elle aurait pu t’informer à ce moment-là, elle te le réserve et prend beaucoup de temps pour enquêter dessus.

 

C’est ce qui s’est passé avec les armes de destruction massive en Irak. L’indignation,la peur, la crainte sont des outils de manipulation des masses. La peur exacerbée des islamistes, des Noirs, des Latinos, des cercles bolivariens au Venezuela. C’est la diabolisation d’un secteur de la société, sa réduction au silence, la destruction des possibilités de dialogue.

 

Je n’ai aucun doute sur le fait qu’ici a été mis en pratique un mécanisme utilisé dans le renversement de Dilma, au Brésil. Je l’ai interviewée quelques heures avant qu’ils ne la renversent. Dans le livre que j’ai écrit, les extraits de al presse brésilienne étaient évidents. Par exemple : une présidente inaugurant des Jeux Olympiques, une information positive, mais on montrait la flamme olympique dans un plan et elle dans un autrte, c’était comme un feu qui la brûlait. Rien n’échappe à ce mécanisme, tout se renverse.

 

N.G. : Nous avons l’habitude de voir des coups d’État annoncés par une junte militaire. Au Venezuela, ça n’a pas été la même chose et on a parlé d’une « vacance du pouvoir. »

 

E.V.: Cela fait partie du laboratoire qu’on a installé et qui est uni avec ce qu’on appelle les « révolutions de couleur. » Je n’ai pas le moindre doute sur le fait que les Etats-Unis ont des gens assis dans un bureau qui pensent à la façon de reprendre ou de prolonger leur contrôle géopolitique sur certaines zones du monde.

 

En mai 2001, un groupe de militaires de différents pays réunis à Madrid à l’occasion du II ème Cours d’État Major conjoint de l’Ecole Supérieure des Forces Armées (ESFAS) de Espagne, a réalisé un exercice de simulation intitulé «Plan Balboa » basé sur un scénario de guerre dans un ensemble de pays dont on ne disait pas le nom mais dont les coordonnées géographiques correspondaient  au Panamá, à la Colombie et au Venezuela. 

 

Aujourd’hui, alors qu’il est de plus en plus évident qu’il ya un problème géopolitique dans le monde dans lequel même l’intégrité territoriale des pays tels que nous les connaissons est remise en question, de qui se passe est très criant. Et quand je vois qu’en Argentine, on découvre un ‘Plan Puma’ dans lequel on joue à la guerre, je n’ai pas le moindre doute que c’est le même «Plan Balboa » qui doit correspondre à un schéma de travail de l’OTAN preuves aux Etats-Unis, en rapport avec ce qui peut se passer dans ce pays. Je suis convaincu, sans en avoir aucune preuve, que ce plan ne doit pas se limiter à l’Argentine il doit certainement émaner de la composante militaire du Groupe de Lima.

 

Le scénario stratégique que l’impérialisme a envisagé ici est de contrôler le Venezuela grâce à son démembrement. C’est la raison de la campagne contre le vénézolanisme, c’est la raison pour laquelle «  Venezuela » est un gros mot, et c’est pour cette raison qu’ils fomentent des mouvements séparatistes en ce moment. Ce qui intéresse les puissances mondiales, ce sont les endroits qui ont des possibilités stratégiques ou des ressources minérales, nous garder unis ne les intéresse pas, ce qui les intéresse, c’est de contrôler certaines choses et de viser la désagrégation. C’est pourquoi la cohésion nationale est importante. Ce n’est pas un nationalisme d’extrême-droite comme dans d’autres parties du monde, c’est une défense et c’est parfaitement compatible avec un vision de grande nation, avec une visée vers la Grande Patrie et pour le projet bolivarien.

 

N.G. : Ce coup d’État a été un « manuel d’instructions » ou un ebase pour d’autres coups d’État ? 

 

E.V.: Ça a été un essai et loin de l’abandonner, ceux qui l’ont organisé persistent à essayer de corriger leurs erreurs et de le perfectionner. On ne peut expliquer autrement la grève et le sabotage pétrolier qu’en décembre 2002 et en janvier 2003 ont mis en marche pratiquement les mêmes acteurs.

 

N.G. : Quand on a alerté depuis le Venezuela sur les similitudes avec d’autres mécanismes de déstabilisation dans la région, les critiques ont dit que ce sont des « phantasmes. » est-ce que c’est le cas ?

 

E.V.: La sagesse populaire l’explique : « Celui qui est piqué par une couleuvre, quand il voit une liane, il saute. » Je me souviens du coup d’État contre Rafael Correa, en 2010. Quand j’ai vu qu’il y avait des policiers qui prenaient l’aéroport, j’ai dit à un camarade équatorien : « mais, qu’est-ce que c’est ? C’est un coup d’État. » Et il m’a répondu que c’était une manifestation de policiers. Et je lui ai dit : « Une manifestation de policiers qui prend un aéroport ? C’est un coup d’État, frère. »

 

Nous nous sommes réveillés, je ne veux aller contre aucun peuple en particulier parce que cela ressemble à du chauvinisme mais toute cette intense expérience nous a mis en alerte à propos des pas que des agents sans aucun scrupule sont capables de faire. C’est pourquoi il n’est pas surprenant pour nous qu’ils aient monté « la place Verte » en Libye et il ne nous semble pas étrange que certaines choses parmi celles que nous voyons de la guerre en Ukraine soient montées de toutes pièces. Et nous n’écartons pas la possibilité que la guerre en soi offre des images terribles parce qu ela guerre est terrible, horrible mais il n’est pas étrange d’imaginer qu’il existe des puissances capables de créer l’indignation collective et qui montent de fausses informations pour créer des états émotionnels.

 

N.G. : Le 11 avril a été un tournant dans la géopolitique mondiale ou une affirmation d’ambition ?

 

E.V.: Nous avons mis le superlatif mais certainement, l’échec de l’expérience au Venezuela a eu des conséquences géopolitiques. L’intellectuel vénézuélien Luis Britto García dit, dans son livre « Enquête sur des médias au-)dessus de tout soupçon » : « Les morts de Puente Llaguno ont été les premières victimes de l’invasion en Irak. » c’est à dire que tous les événements de cette partie de l’histoire sont en relations. S’ils s’en étaient tirés au Venezuela, probablement, les choses auraient été différentes dans d’autres parties du monde.

 

N.G. : On dit qu’au Venezuela, il y a eu un « coup d’État des médias » Est-ce que ça a été le cas ?

 

E.V.: Je vais te répondre en me faisant l’écho d’une proposition : l’humanité a besoin de regarder l’expérience qu’elle a eue dans le cadre l’UNESCO quand elle a installé une commission de très haut niveau destinée à étudier le phénomène de la communication qui a produit le fameux « rapport McBride » (1980). Nous avons proposé qu’à l’UNESCO, ce travail réalisé il y a 40 ans se poursuive parce que le phénomène qui l’a motivé à cette époque est aujourd’hui encore plus grave. Si à l’époque le monopole des médias du XX ème siècle était inquiétant, comment l’UNESCO et l’humanité pourraient-elles ne pas s’inquiéter de la dictature des algorithmes, des positions du CEO, de l’existence digitale ? Le cadre politique, économique, culturel est encore plus préoccupant que celui des années 80.

 

Aujourd’hui, les nations devraient, au-delà de la guerre et des différends, trouver qui pourrait mettre à nu ces mécanismes, étudier ce qui s’est passé au Venezuela en 2002 mais aussi ce qui se passe en Europe et en Asie. Que nous voyons quel est le pouvoir GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). Aujourd’hui, nous parlons de pouvoirs invisibles comme ont essayé de l’être les médias, qui déterminent les états d’âme de millions de personnes à la seconde.

 

N.G. : Au Venezuela, le chavisme a l’habitude de dire : « Tout 11 a son 13 » pour parler du contre-coup d’État populaire qui a exigé que Chávez continue son mandat après le coup d’État. Est-ce que c’est une autre limite ?

 

E.V.: Pour notre génération, indubitablement ça l’est. Jamais cela ne s’était passé.

 

N.G. : Parmi les acteurs du coup d’État de 2002, quel a été le poids des agents étrangers ?

 

E.V.: Dans le livre « Au-delà de la genèse du 11 avril, » de l’auteur de droite Robert Carmona-Borjas, dans le prologue écrit par le sous-secrétaire des Etats-Unis aux affaires de l’hémisphère de l’époque, Otto Reich, celui-ci raconte comment, par l’intermédiaire de l’ambassadeur des Etats-Unis au Venezuela de l’époque, Charles Shapiro, il a communiqué avec le président autoproclamé Pedro Carmona pour lui donner des instructions. Le fait qu’ Otto Reich admette cela révèle la conception des hautes sphères du pouvoir étasunien par rapport à ce qui pouvait arriver dans ce Gouvernement.

 

L’ambassadeur d’Espagne a participé à un autre épisode de cette même réunion de Shapiro avec Carmona et il est prouvé que Carmona communiquait avec José María Aznar grâce à un téléphone du politicien vénézuélien d’opposition Eduardo Fernández.

 

La participation, au Venezuela, de membres de l’armée étasunienne qui sont entrés dans le Fort Tiuna, est également prouvée ainsi que le fait qu’il y avait des attachés militaires à l’ambassade pendant ces heures et la présence de batiments étasuniens, un bateau et un avion, en territoire vénézuélien. 

 

Il y a aussi une série de documents déclassifiés que je cite dans le livre dont nous pourrions dire que pour le moins, le Gouvernement des Etats-Unis savait.

 

N.G. : Et ces agents étrangers continuent à poursuivre leurs buts ?

 

E.V.: Evidemment, parce qu’après, ils ont continué avec la grève et la sabotage pétroliers. Si nous parlons d’agents étrangers, il y a aussi le Gouvernement de Cuba qui a été au centre des événements qui se sont produits autour du coup d’État. Le siège de l’ambassade de Cuba, la conversation de Chávez avec Fidel pendant ces heures, le rôle de la fille de Chávez, María Gabriela, qui a fait des déclarations sur Radio Habana Cuba dans lesquelles elle disait que son père n’avait pas démissionné. Ce côté international est intéressant aussi parce qu’il déclenche le 13 avril.

 

N.G. : Et dans la tentative de coup d’État du 30 avril 2019 du député Juan Guaidó contra Nicolás Maduro, y avait-il les mêmes agents étrangers ?

 

E.V.: Les années ont passé et nous avons vu que le 30 avril, l’ambassade d’Espagne [où s’est réfugié Leopoldo López après avoir été libéré illégalement de son assignation à résidence] y a participé et qu’il avait tout l’aval des Etats-Unis qui étaient très insolents. En avril 2002, les formes étaient plus soignées, c’est pourquoi je dis que c’était un essai.

 

N.G. : Quelles sont les leçons et les dettes du 11 avril 2002 ?

 

E.V.: S’il faut choisir certaines des leçons, c’est que les peuples luttent toujours, ils peuvent être accablés, paralysés, distraits mais finalement, ils luttent toujours. 

 

Nous aovns perdu notre innocence par rapport aux médias, même quelqu’un qui, comme moi, a étudié le journalisme pour y travailler et cela est un deuil pour un reporter, il est douloureux d’en arriver à cette conclusion.

 

En ce qui concerne les dettes, tout le processus judiciaire. Après que le procureur général de l’époque, Luisa Ortega Díaz, ait eu connaissance des affaires concernant le coup d’État, il aurait fallu faire un bilan fiscal et judiciaire de toutes les affaires ouvertes pour les clore. Par exemple, les victimes soutiennent que les procureurs qui étaient en charge des démarches demandées par Ortega Díaz ont fini par rejoindre le putschisme et sont suspectés d’avoir manipulé certaines preuves, moi, je n’en suis pas certain, je ne peux pas l’affirmer.

 

Il faut prendre garde que la justice de classe ne s’impose par les faits parce qu’on a décrété des amnisties, Chávez lui-même l’a fait et les signataires du décret Carmona [le document qui dissolvait tous les pouvoirs établis dans le pays et proclamait Carmona presidente sans élections] et une bonne partie de la troupe qui l’accompagnait, Leopoldo López en personne, Henrique Capriles Radonski, ont bénéficié de l’amnistie. Evidemment, ceux qui n’y avaient pas droit ne l’ont pas eue mais d’une certaine manière, ceux qu’on appelle les auteurs intellectuels ont bénéficié d’une grâce. A ce moment-là, il y a eu des policiers prisonniers qui ont déjà purgé de nombreuses années et je ne plaide pas pour qu’un criminel sorte dans la rue, je pense seulement qu’il faut revoie si nous ne répétons pas le schéma de la justice de classe.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://albaciudad.org/2022/04/20-anos-del-golpe-de-estado-contra-hugo-chavez-en-venezuela-el-ensayo-que-sirvio-para-derrocar-gobiernos-en-otros-paises/

URL de cet article :

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