Venezuela : Massacre et trahison contre résistance du peuple
Avril 2002 s’écoulait et malgré les tensions politiques du moment, la plupart des Vénézuéliens était loin d’imaginer qu’ils allaient vivre 72 longues heures de massacre, de trahison et de résistance du peuple décisive.
Après les tentatives infructueuses pour forcer à partir le président Hugo Chávez (1954–2013) les agents politique de l’opposition ont choisi ce mois-là de commencer une grève générale pour provoquer la démission du président.
Bien que les autorisations civils et de transit aient été restreintes dans le secteur est de Caracas, au milieu de la concentration et en présence des médias privés, les dirigeants d’opposition ont dévié la marche vers le palais de Miraflores (siège du Gouvernement) sous prétexte d’exiger la démission de Chávez.
Complicité des médias
Dès le début de la mobilisation de l’opposition, 2 personnes ont été blessées à bout portant mais la presse parlait d’une manifestation pacifique sans rapporter un seul fait de violence et maintenait sur ses chaines un programme de divertissement interrompu par des spots d’informations contre le Gouvernement.
À midi, le journal Le National publiait une édition spéciale sous le titre « La bataille finale aura lieu à Miraflores » et dénonçait d’avance les faits qui auraient lieu des heures plus tard.
Pour sa part, la chaîne RCTV transmettait 6 heures de manifestations de l’opposition et seulement 20 minutes de la mobilisation de ceux qui s’opposaient à la grève et défendaient le processus. Les mêmes médias, ouvertement, exhortaient avec Insistance la droite à aller jusqu’à Miraflores sous le slogan « Pas un pas en arrière. »
« Quelques jours avant le 11 avril, il y avait déjà eu une série d’agitations de la part de la droite vénézuélienne, circonscrites à l’est de la ville. Ces jours-là, elle était sortie dans la rue et cherchait comment perturber la paix publique, » raconte à Prensa Latina Luis Manuel Flores, l’un des participants à ces journées historiques.
Celui qui militait alors à la Coordination Simon Bolivar (CSM) raconte que, prévoyant d’éventuelles actions des groupuscules d’opposition, le mouvement communautaire de gauche avait mobilisé quelques jours auparavant ses membres pour réaliser des actions de propagande en faveur de la Révolution, effectuer de la surveillance et d’autres tâches.
Pour sa part, Ernesto Segovia, membre à cette époque là du mouvement universitaire M28, rappelle que dès le 8, le 9 et le 10 avril, la situation du pays, surtout dans la capitale, était tendue parce que l’opposition appelait à descendre dans la rue.
Sur les événements qui se sont produits avant cette journée fatidique, Segovia raconte à Prensa Latine certains faits isolés qui montrent comment la droite avait préparé le scénario du coup d’Etat.
« quelques jours avant, il y a eu une activité au siège des Nations unies dans le secteur d’Altamira, Et dès lors ils ont commencé à faire des déclarations dont le ton montait et nous, nous avons répondu. Après, quand nous sommes sortis de là, nous avons attendu dans les environs de l’université centrale du Venezuela et nous avons eu un accrochage assez fort, » se souvient-il.
Celui qui était alors étudiant en sociologie note qu’entre le M28 et la mairie de Caracas, il existait un lien direct et pendant ces jours-la, ils ont été convoqués pour leur expliquer la situation et les scénarios éventuels d’affrontements avec la droite en plus de leur indiquer qu’il devait se poster dans les environs de Miraflorès.
« Des le 9 avril, ils ont commencé à nous attaquer comme des bandes typiques des années 60 et 70, même le 10, dans les environs de pont Llaguno - dans le centre de Caracas, à quelques mètres du siège du Gouvernement–. Nous avons arrêté une jeep dans laquelle se trouvaient 2 universitaires opposants à ceux que nous affrontions et nous avons quitté les lieux, » raconte-t-il.
Au réveil du 11, se rappelle Segovia, les esprits étaient déjà très échauffés et en entendant à midi que (les opposants) se dirigeaient vers Miraflores, nous sommes sortis avec des bâtons, des pierres, et des bouteilles.
Face à l’imminence de la menace, les étudiants, les forces révolutionnaires convoqués par la mairie, le CSM et d’autres groupes loyaux au processus ont commencé à se diriger vers cette zone avec des personnes qui, de leur propre initiative, avaient décidé d’aller défendre cette place.
« Quand nous avons commencé à voir la manifestation de l’opposition vers le centre, nous nous sommes dirigés directement vers Miraflores, prêts à tout mais la direction a appelé au calme et à éviter les affrontements. Sur une tribune, nous avons pu haranguer la foule et l’inviter à défendre le Palais, » raconte Florès.
Trahison, massacre et résistance
Quelques heures avant les violences, un groupuscules de militaires déserteurs enregistrait un message transmis par la presse dans lequel il révélait des données concernant des francs tireurs et donnait des chiffres de victimes en avance dans l’intention de proclamer et de soutenir un soi-disant soulèvement militaire contre le président.
Pendant ce temps, dans les environs du Palais, la situation devenait de plus en plus tendue à mesure que le temps passait. Plus ou moins vers 14h, nous avons vu que certains fonctionnaires de la Garde Nationale qui étaient dans les environs du siège de la présidence avaient une attitude étrange et ils ont commencé à contrôler et à attaquer ceux qui défendaient la révolution.
Sans imaginer ce qui les attendait, les manifestants, suivant les indications de la direction de la CSM de maintenir la paix et d’éviter la violence, ont commencé à s’éloigner un peu des environs du Palais vers l’avenue Baralt, par le pont Llaguno.
« Nous, nous avons commencé à nous déplacer et déjà là, nous avons vu une attitude très hostile de la part de la police métropolitaine qui arrivait, ouvrant la marche de l’opposition et tirant. Au début, nous avons cru que c’était du plomb et des gaz mais ensuite nous nous sommes rendus compte que c’était du feu dur, » souligne-t-il.
À ce moment-là, nous avons dû faire front mais déjà l’affrontement était installé. Les tirs étaient très forts et nous sommes allés à un poste de presse où nous sommes réfugiés pour éviter les rafales jusqu’à ce que des camarades nous sortent de là.
Pour Segovia, l’affrontement a eu beaucoup plus d’impact parce que, à peine s’était-il avancé vers le pont Llaguno que l’un de ses camarades a été abattu par les troupes de police et ainsi il a affronté la mort pour la première fois, à peine 20 ans.
« Voir tomber une personne à côté de soi, dont tu ne sais pas si elle est vivante ou morte, alors ton instinct de survie te dit que tu dois partir de là, la dynamique du moment t’entraîne mais tu n’as qu’une fraction de seconde pour réagir, pour décider si tu te sauves ou si tu l’aides, » avoue-t-il.
Mais cette première frayeur et les secondes de doute n’ont pas réussi à arrêter le jeune révolutionnaire qui se souvient comment il a réussi à arriver au pont et à rejoindre le reste de ses camarades.
Et déjà à cet endroit, il comprend que ceux qui ont tiré étaient des franc-tireurs postés dans les immeubles latéraux pendant qu’en dessous, sur l’avenue Baralt, les affrontements étaient des corps à corps avec la police elle-même.
Le premier mort tombe sur l’avenue tué par une balle dans la tête vers 15h20 (heure locale). Au moins 12 civils sont morts dans ce secteur, 7 autres personnes sont mortes dans des zones voisines, selon les chiffres officiels.
Pendant qu’ils assassinaient et blessaient ceux qui participaient à la mobilisation, les reporters parlaient de personnes « évanouies » et enlevaient toute importance à ce qui s’était passé.
Certains insistaient sur le fait que c’étaient les sympathisants du Gouvernement qui tiraient contre l’opposition sous le pont.
« Tout le jour, nous avons résisté, en évitant les balles et déjà vers 21 heures, nous étions près de Miraflores. Là, ils nous ont dit que nous devions nous retirer, que le Président allait négocier avec les putschistes et que l’une des conditions fixées était que nous nous retirions. Nous sommes partis, oui, pour continuer à mobiliser les gens… et nos sommes revenus, » précise Flores.
Cette journée a fait au moins 19 morts et plus d’une centaine de blessés. Malgré cela, pendant encore 48 heures, le peuple, enhardi, a affronté la mort, la trahison et le mensonge des grands médias jusqu’à ce qu’il obtienne la victoire.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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