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Amérique latine : Propositions et conditions pour le redémarrage de l’intégration régionale

7 Mai 2022, 16:57pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Le déplacement du signe politique et idéologique de la région latino-américaine vers un bloc de gauche varié (progressiste, disent certains ) a remis sur la table le débat aigu et complexe sur l’intégration. Les élections présidentielles en Colombie et au Brésil, prévues pour cette année, si elles sont favorables aux candidats Gustavo Petro et Lula Da Silva, pourraient renforcer cette inclinaison de la balancer et mettre la droite dans une situation d’infériorité numérique sur tout le continent.

 

En sortant de l’équation les éventuels soubresauts, tentatives de fraude ou ordre du jour insurrectionnels qui pourraient déstabiliser les deux processus électoraux, une victoire de Lula au Brésil et de Pétro en Colombie officialiserait le tournant de la région vers la gauche mais en ajoutant de nouveaux éléments à propos de ce qu’on appelle le « cycle progressiste » antérieur : la Colombie aurait un accent particulier inédit qui s’ajouterait au Honduras et au Mexique. Dans ce paysage dans lequel une modification substantielle de la corrélation des forces ouvrirait à nouveau la question de l’intégration régionale qui est restée en suspens après la vague de Gouvernements de gauche du début du siècle.

 

Les initiatives du président Hugo Chávez, l’UNASUR, l’ALBA–TCP, la CELAC ont sans aucun doute impliqué un virage géopolitique important qui a réussi à briser la primauté institutionnelle du « panaméricanisme » étasunien tout en assoyant les bases d’un pôle de pouvoir continental, alternatif et indépendant, avec une portée géographique, économique, démographique et géostratégique sans précédent.

 

Comme nous le savons, l’effet domino des coup d’Etat et des défaites électorales des Gouvernements de gauche et l’offensive de changement de régime contre le Venezuela a fait échouer ces options géopolitiques dont l’orientation stratégique consistait à influer sur la scène internationale avec sa voix propre pour équilibrer le pouvoir illimité des puissances occidentales.

 

Actuellement, malgré le changement de coordonnées idéologiques, la scène régionale est traversé par la désagrégation et l’ambiguïté et face à cela, la perspective de l’intégration et ses méthodes de viabilité et de redémarrage deviennent plus complexes.

 

L’absence de dirigeants et d’autorité, le chevauchement de multiples organismes avec des facultés similaires et les traces d’une d’une longue dépendance néo coloniale historique, favorisant les exportations, durcie par le financement effréné de l’économie mondiale, ont joué un rôle déterminant dans l’inutilité des mécanismes d’intégration les plus connus du continent.

 

À cela doit s’ajouter l’extrême polarisation idéologique, précipitée par les États-Unis et ses Etats clients grâce à laquelle s’est forgé un blocus diplomatique contre le Venezuela pour atteindre l’objectif géopolitique d’annuler sa présence politique dans les forums multilatéraux ainsi que son action politique sur le continent.

 

La création de cette ligne de division a été accompagnée d’une stratégie de substitution et d’échange d’alliances en faveur des puissances occidentales dirigée par des initiatives de droite comme le PROSUR et l’alliance du Pacifique et configurée pour profiter du vide laissé par la désactivation programmée de l’UNASUR et de la CELAC.

 

Mais ces mécanismes, orientés principalement vers le commerce et l’investissement dans le cadre d’un régionalisme ouvert deux factures néolibérale, n’ont pas apporté une direction régionale et hégémonique à la droite. Son effet agglutinant, politiquement parlant, a été très limité à cause de la propre nature corporative et technocratique qui a marqué sa naissance.

 

Mais au-delà du diagnostic général, le vent de queue de la reconfiguration politique de la région latino-américaine doit être utilisé dans une direction constructive.

 

Ce qui est sûr, c’est qu’indépendamment des efforts pour les démanteler pratiquement, l’UNASUR et la CELAC ont une accumulation doctrinal, institutionnelle et de légitimité qui pourrait à nouveau entrer en jeu et de façon relativement rapide. Pour cela, et c’est une leçon que nous avons apprise du siècle dernier, les objectifs pharaoniques doivent être remplacés par des objectifs réalisables pour récupérer un niveau minimum de confiance et un ordre du jour de rapprochement sur les priorités du continent dans le cadre d’une étape constructive qui ouvrirait l’espace nécessaire à des aspirations supérieures, surtout dans le contexte changeant et instable de la politique mondiale.

 

La clause démocratique de la CELAC offre une route propice au rétablissement du consensus de compréhension, de coexistence pacifique et de respect de la souveraineté brisé par la force par les États-Unis. Mettre en place ce langage de respect et de concertation et l’incorporer à nouveau à la scène diplomatique a une utilité pratique dans l’unification des critères et dans un nouveau climat de coopération.

 

Si, comme le disait le journaliste polonais Ryszard Kapuściński, « la guerre commence avec le changement de langage », alors, la réduction des niveaux de conflit demande l’application inverse du même principe.

 

La construction de nouveaux mécanismes de résolution des conflits, aussi bien dans la CELAC que dans l’UNASUR, est une priorité après des années de spoliation et d’appropriation de la capacité d’interlocution intergouvernementale en Amérique latine au bénéfice des puissances occidentales. En effet, les idées sur la configuration de ses mécanismes qui ont conduit à la construction de la CELAC sont encore en vigueur, c’est pourquoi un ordre du jour centré sur leur rafraîchissement susciterait l’intérêt des Etats et rapprocherait les positions. 

 

Cette première étape demande aussi plus de dynamisme au niveau de la coopération pratique des mécanismes d’intégration. L’installation d’un secrétariat exécutif de la CELAC, proposée par le président Nicolas Maduro au dernier sommet à Mexico (2021) est une proposition cohérente pour soutenir une dynamique active d’interlocution et d’échange entre les Gouvernements, au-delà des sommets, en contribuant à l’harmonisation des ordres du jour et des objectifs des autres sous-systèmes d’intégration.

 

L’application de « sanctions » punitives par les États-Unis au Nicaragua, à Cuba et au Venezuela est un facteur nouveau dans la politique latino-américaine et ne se limite pas au pays affecté directement. La violence avec laquelle elles ont été appliquées implique un retournement économique sans précédent pour le continent dont les conséquences touchent les intérêts économiques de pays et de marchés entiers qui ont dû se restructurer pour éviter les « sanctions » secondaires.

 

La politique agressive de mesures coercitives unilatérales des États-Unis doit être considérée comme une priorité dans la situation actuelle puisque, par sa portée extraterritoriale et prolongée dans le temps et dans la dynamique du système financier international, les agents sociaux économiques touchés directement sont de plus en plus importants dans la dans la région. Les réponses d’intégration face à ce harcèlement soutenu dans le temps doivent être multiples et converger vers l’ordre du jour de coopération qui exerce une pression unique de Gouvernement,s de secteurs sociaux et de secteurs économiques.

 

La CELAC, l’UNASUR et l’ALBA-TCP pourraient se projeter comme des caisses de résonance de cette revendication et des dommages occasionnés à l’échelle latino-américaine.

 

D’autre part, les vaccins anti Covid développés par Cuba, la stratégie de prévention sociale et territoriale et d’infos gouvernementales développé par le Venezuela pour freiner la pandémie ainsi que d’autres choses succès pour contenir le Covid dans la région, ouvrent une fenêtre de réputation encore inexploitée face à l’Europe et aux États-Unis dont le bilan en la matière est très décevant.

 

Les Gouvernements latino-américains qui ont le mieux agi et ce qui ont montré des failles à cause du cadre de désagrégation mentionné antérieurement, n’ont pas eu la possibilité de se trouver dans un espace d’échange d’expériences scientifiques, d’apprentissage de méthodes et d’accompagnement coordonné grâce aux mécanismes d’intégration existant et à récupérer. On doit profiter de cette fenêtre de façon cohérente et se projeter comme un outil d’action sur la scène internationale où beaucoup de pays ont été piégés dans l’accaparement de vaccins et dans des réponses peu efficace au niveau du contrôle sanitaire.

 

Le chemin à parcourir est long et non exempt d’obstacles. Mais pour commencer, avec des pas fermes, il faut commencer par des objectifs faciles à atteindre et nourrir les points de convergence qu’a offerts la réalité géopolitique elle-même.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos 

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/05/06/nuestramerica-propuestas-y-condiciones-para-el-reimpulso-de-la-integracion-regional/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/05/amerique-latine-propositions-et-conditions-pour-le-redemarrage-de-l-integration-regionale.html