Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bolivie : La plaidoirie d’Anez

3 Mai 2022, 17:06pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par M. Javier Astorga M

 

L’un des procès ordinaires –sans aucun privilège constitutionnel parce que son accès à la présidence a été le résultat d’une rupture putschiste de l’ordre constitutionnel–contre Jeanine Añez a débuté en Bolivie.

 

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de la plaidoirie de Madame Añez lors de sa dernière audience dans l’affaire intitulée « coup d’état deux » ?

 

Madame Añez a fait une allocution de presque 40 minutes, de façon surprenante, 40 minutes pendant lesquelles on n’a pas vu son menton trembler ou qu’elle souffrait de quelque décompensation de santé que ce soit. Au contraire, elle a eu assez d’énergie pour refuser de reconnaître ses interlocuteurs et pour appeler « lâches » ceux qui n’ont pas osé faire ce qu’elle a fait « courageusement et patriotiquement. »

 

Sa plaidoirie fut un rappel du livret du coup d’Etat qui a été planifié depuis les États-Unis à partir de 2016 et répété à l’infini par les agents de la CIA nord-américaine, Jorge Quiroga Ramírez et Carlos Sanchez Berzain, c’est-à-dire que les citoyens, disent-ils, « toute la Bolivie » s’est indignée, d’abord à cause du refus du Gouvernement de prendre en considération le référendum de 2016 et ensuite à cause de la fraude éhontée qui a été organisée à partir des sphères officielles pour garantir la victoire du MAS au premier tour des élections d’octobre 2019. Ces arguments sont déjà bien connus et on en a déjà suffisamment discuté en plus de les avoir analysés dans des articles précédents en démontrant leur fausseté. Ce qui attire l’attention dans cette plaidoirie de vendredi 8 avril, ce sont les contradictions de Madame Añez qui, à notre avis, discréditent les arguments de ceux qui soutiennent il n’y a pas eu de coup d’Etat.

 

Par exemple, elle est affirmé que pendant ces tristes jours de novembre 2019, elle, comme « toute la Bolivie » était dans sa région « en train de protester pacifiquement contre la fraude éhontée que le MAS a menée à bien lors des élections. » En même temps, elle dit « qu’il y avait déjà en Bolivie des affrontements et de la violence. » Elle confirme ainsi que les protestations de ce qu’on appelle «les piquets » n’étaient pas pacifiques car dans ce cas, il n’y aurait eu de violence d’aucune sorte. Qui étaient ceux qui auraient dû défendre cette légalité ? Évidemment, la police. Elle ne l’a pas fait et Madame Añez reconnaît implicitement l’émeute policière, qui, en outre, a été totalement soutenue ensuite par Monsieur Luis Fernando Camacho (un autre des acteurs centraux du coup d’Etat) qui a est affirmé sur les réseaux sociaux et dans certains médias que c’est son père José Luis Camacho qui a traité aussi bien avec les militaires qu’avec les policiers pour qu’ils se joignent à la conspiration.

 

Añez a parlé de la protection policière qu’elle avait avant d’être présidente et elle indique qu’elle ne connaissait pas la raison de cette protection policière mais immédiatement, elle a trouvé elle-même l’explication en affirmant : « Ce devait être parce que dans tous les médias, on prévoyait qu’elle serait présidente. » C’est très grave. La presse annonce qu’Añez pourrait être présidente et immédiatement, la police lui accorde sa protection. Cela veut dire qu’elle se met sous ses ordres. C’est une autre reconnaissance implicite du fait qu’il y a eu un coup d’Etat et cela confirme le rôle misérable que jouaient les médias dans le coup d’Etat de 2019. C’est également confirmé quand elle dit que, même quand elle n’était pas présidente et se trouvait à La Paz, dans l’attente de ce qui pouvait arriver, déjà la police protégeait sa maison à Béni. Cette affirmation est très grave alors qu’il y a des enregistrements qui prouvent qu’au même moment, la police permettait que la maison du président de la Chambre des Députés, Victor Borda, à Potosí, soit incendiée. Une autre reconnaissance implicite du fait que la police s’était soulevée et était déjà sous les ordres des putschistes.

 

Añez a indiqué qu’« elle assumerait la présidence uniquement s’il n’y avait pas d’autre solution et uniquement si elle avait du soutien. » Étant donné qu’elle a accepté que les parlementaires qui se trouvaient dans la ligne de succession constitutionnelle « démissionnent volontairement, » comme disent les putschistes, il n’y avait pas d’autres possibilités sauf celles que fixent le règlement et les normes constitutionnelles. C’est une acceptation implicite du fait que l’avenir de Madame Añez, ce ne sont pas les parlementaires qui l’ont défini mais les politiciens de droite qui étaient réunis à l’université catholique de La Paz. Une acceptation du fait que le Parlement était à la merci des putschistes puisqu’ils avaient pris le pouvoir en collusion avec les policiers et les militaires qui sont le véritable pouvoir de n’importe quel État. « Seulement si j’ai du soutien » dit-elle, le soutien de qui ? Dans un régime constitutionnel, le soutien doit d’abord venir de la population qui vote et en cas de succession constitutionnelle, du Parlement en session plénière, une chose qui évidemment n’est pas arrivée. Le soutien, alors, a dû venir de ceux qui ont pris l’État par la force, ici il y a une autre reconnaissance implicite du coup d’Etat et de la rupture constitutionnelle.

 

Le couronnement de la plaidoirie d’Añez , nous le trouvons quand elle affirme qu’elle ne fuit pas ses responsabilités, qu’elle ne demande pas l’immunité. C’est une reconnaissance implicite du fait qu’elle a commis un délit. Ce qu’elle exige, c’est un procès en responsabilité qui, selon l’accusée et ses avocats, lui revient en tant qu’ancienne présidente de l’État et non un procès pénal ordinaire. Cette exigence, elle la fait à partir du présupposé qu’un procès en responsabilité demanderait à être approuvé par les deux tiers de l’Assemblée Législative Plurinationale et que ces votes dépendraient des groupes de Communauté Citoyenne et Nous Croyons, c’est-à-dire des partis des coauteurs du coup d’Etat, Carlos Mesa et Luis Fernando Camacho. Nous pouvons conclure rapidement que ce procès serait pratiquement impossible à mener à bien car il demanderait une totale impunité des putschistes et laisserait sans justice l’enquête sur les massacres de civils sous le régime de fait que Madame Añez a présidé de façon délictueuse.

 

Pour freiner les procès pénaux ordinaires qui sont déjà en cours, la stratégie juridique et politique des putschistes et d’aller vers le procès en responsabilité en le restreignant uniquement à Jeanine Añez , une façon de ne pas faire comparaître devant les tribunaux les autres responsables du coup d’Etat sournois de 2019 (Luis Fernando Camacho, Jorge Quiroga, Carlos Mesa et d’autres) qui ont apporté le deuil, la douleur et la mort parmi le peuple humble, travailleur, qui a défendu au risque de sa vie un processus de changement qu’il a fait sien.

 

Ce qui est inacceptable, c’est que cette stratégie soit partagée par des fonctionnaires du Gouvernement qui sont entrés dans la bureaucratie de l’État grâce aux voix de ce peuple qui demande justice et a voté en 2020 à une large majorité pour la poursuite du processus de changement avec un nouveau Gouvernement du MAS–IPSP présidé par Luis Arce à qui on a donné pour mandat de chercher la justice pour les martyrs de la démocratie et la prison pour les putschistes.

 

L’un des principaux individus de l’actuel Gouvernement qui se manifeste en faveur du procès en responsabilité est le ministre de la justice Ivan Lima. En contradiction avec le discours du président Luis Arce qui soutient depuis le début qu’il y a eu un coup d’Etat et que les coupables doivent répondre de leurs actes mais en évidente concordance avec le discours conciliant du condor et de ses deux ailes (droite et gauche) que gère le vice président David Choquehuanca. Le ministre lui-même ainsi que d’autres hauts personnages du Gouvernement actuel deviennent la cinquième colonne qui trahit le processus de changement.

 

Ce qui est sûr, c’est que nous trouvons beaucoup de coïncidences entre ce ministre membre de l’Opus Dei et Madame Añez qui est entrée au Palais avec la Bible à la main, des ressemblances qui pourraient expliquer la liberté dont jouissent actuellement plusieurs putschistes dont certains font actuellement partie des autorités nationales ou régionales. Des ressemblances qui montrent implicitement qu’il existe une sorte de pacte politique inacceptable avec la droite.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos 

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/05/02/bolivia-alegato-de-anez%EF%BF%BC/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/05/bolivie-la-plaidoirie-d-anez.html