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Brésil : La base d'Alcantara

23 Mai 2022, 19:09pm

Publié par Bolivar Infos

Dans une région du nord du Brésil, en un lieu appelé Alcantara, dans l’état de Maranhao se trouve la plus grande population de Quilombos qui reste dans le pays. Là, plus de 300 familles ont déjà été délogées de leur territoire traditionnel. Aujourd’hui, plus de 800 familles sont menacées du même sort. Au total, quelques 4000 personnes sont sans aucun droit et sans aucune réparation pour les dommages causés.

 

Au milieu de cette tragédie humaine, les intérêts de toujours: ceux des impérialistes et de leurs laquais. Dans ce cas, un projet militaire engagé dans les années 80 pour la construction d’une base de lancement de missiles et de satellites brésiliens dans l’économie émergentes du Brésil de l’époque.

 

On s’est imaginé alors que le Brésil ferait partie du groupe sélect de pays qui auraient une technologie aérospatiale et que grâce à elle, les portes du futur s’ouvriraient sur une nouvelle ère.

 

Chronologie

 

L’histoire de la base d’Alcantara remonte à septembre 1980, l’année où le gouverneur de l’État de Maranhao, grâce au décret 780, a expropriés 52 000 ha pour installer une base militaire de lancement de missiles.

 

Elle a été inaugurée en 1983 ( sous la dictature militaire) et en 1986, 312 familles quilombolas qui vivaient là depuis le XVIIIe siècle ont été chassées, déplacées par la force dans des « petites villes agricoles » conçues par les militaires, loin de leur territoire, de sleur culture et sans aucune indemnisation.

 

Sous le Gouvernement du président Collor, dans les années 1990,on a ’expropri 10 000 ha de plus pour atteindre un total de 62 000 ha de terrain.

 

À la fin, le lancement des missiles par les militaires a été un échec. En 2000, après les négociations avec les États-Unis, l’Accord de Sauvegarde Technologique (ATS) a été rejeté par la société brésilienne lors d’un plébiscite sur l’ALCA (Zone de Libre Echange des Amériques) qui a été archivé au Congrès national sous prétexte de « défendre la souveraineté du pays. » Il est important de souligner que dans ce processus, l’opinion de la Société Brésilienne pour le Progrès de la Science a été décisive pour son archivage.

 

Les Gouvernements étasuniens successifs ont mis en évidence, comme le démontre les tentatives du Brésil pour arriver à des accords avec d’autres pays, leur intolérance à l’acquisition souveraine de nouvelles technologies aérospatiales par le Brésil et ont essayé d’empêcher le programme aérospatial brésilien par tous les moyens.

 

Le 22 août 2003 s’est produit un « accident » au centre de lancement d’Alcantara. Une explosion de 40 tonnes de combustible solide a détruit la base de lancement qui est devenue une grosse montagne de fer tordu. Dans l’explosion ont été brûlé instantanément et simultanément quatre compartiments et il y a eu beaucoup plus de dégâts, non matériels, avec la mort de 21 techniciens hautement qualifiés, la plupart diplômés de l’institut technologique de l’aéronautique.

 

À ce moment-là, les responsables de cet institut ont déclaré qu’il était impossible que tous aient été ensemble à l’endroit même de l’explosion et que l’hypothèse de la « panne technique » et de l’« erreur humaine », en définitive, est une conjonction extrêmement improbable, ce qui a conduit à la conclusion logique qu’il ne s’agissait pas d’une coïncidence.

 

Le fait est que le Brésil, après l’accident, a dû former des personnes pour remplacer celles qui ont été tuées là et que cela a pris 30 ans.

 

Après une série de tentatives de lancement de missiles ratée,dans les années 2000, le Brésil a signé un accord avec l’Ukraine pour développer la recherche de la technologie spatiale, accord qui a été rapidement remis en question par le Gouvernement étasunien.

 

En 2009, le département d’État des États-Unis a communiqué à son ambassade à Brasilia sa position sur la demande de l’Ukraine que les États-Unis reconsidèrent leur refus de soutenir l’association avec Alcantara : « Nous aimerions rappeler aux autorités ukrainiennes que les États-Unis ne s’opposent pas à l’établissement d’une plate-forme de lancement à Alcantara à condition que cette activité ne donne pas lieu à un transfert de technologie concernant les missiles au Brésil, » disait le message du département d’État.

 

En 2015, le Gouvernement brésilien a décidé de mettre fin à son accord avec l’Ukraine et immédiatement après le coup d’Etat au Brésil qui a destitué la présidente Dilma, le Gouvernement de Temer a bétonné un accord qui allait se conclure lors du premier voyage à l’étrange du président brésilien : la visite de Jair Bolsonaro aux États-Unis, le 18 mars 2019 qui servira à signer l’Accord de Sauvegarde Technologique (TSA ) ratifié par le Congrès national le 12 novembre 2019 avec le sénateur Roberto Rochad du PSDB de Maranhão comme rapporteur du projet. Sans aucun débat avec la société.

 

Pourquoi tant de bagarre pour Alcantara ?

 

Il faut se demander pourquoi Alcantara est tellement disputée et convoitée

 

L’explication, en partie, réside dans la situation géographique de cette zone :

 

Alcantara est situé à 2° de l’Équateur, ce qui suppose une épargne de 30 % à 50 % de combustible pour un lancement dans l’espace.

 

Azimut : L’inclinaison de la terre par rapport à l’univers (172°) atteint l’orbite terrestre plus rapidement. La rapidité de rotation de la terre est meilleure dans les zones proches de l’Équateur que dans le reste de la planète. Alcantara est à 2° au sud de la ligne.

 

Géopolitique : Bien que les « entrepreneurs » affirment que la base sera utilisée exclusivement à des fins civiles, on ne peut ignorer le fait que cette base est située sur la frontière avec L’Amazonie (où récemment ont été menés à bien des entraînements militaires étasuniens ), avec le Venezuela (un pays qui subit de constantes menaces de la part des États-Unis) et est prés de l’Afrique.

 

Il est important de souligner que depuis Alcantara, intercepter un missile lancé de n’importe quel point de la planète en direction des États-Unis aurait une heure d’avance pour agir.

 

En plus de tout cela, l’accord prévoit certains points très nébuleux:

L’un des aspects les plus importants est le fait que la société brésilienne n’a accès à aucun document concernant les négociations entre les Gouvernements du Brésil et celui des États-Unis. On sait seulement ce que divulguent les médias officiels. Le contenu de l’accord n’a pas été révélé.

 

L’utilisation du territoire de la base n’est pas restreint pour les États-Unis. Ce n’est pas une location de la base mais un prêt de cet espace.

 

Seules les entreprises qui utilisent de la technologie étasunienne peuvent lancer des satellites et des missiles depuis cette base, ce qui bloque automatiquement, par exemple, le plus important partenaire commercial du Brésil, la Chine.

 

Il n’y aura pas de transfert de technologie au Brésil et c’est la principale raison qui est alléguée pour que le Gouvernement brésilien ne puisse pas inspecter les conteneurs scellés qui entrent dans le pays (qui peuvent contenir du matériel radioactif, des drogues, des armes). En d’autres termes, c’est un « paquet fermé. »

 

Pendant le lancement, seules les autorités étasuniennes peuvent recueillir des pièces et des restes sur tout le territoire. Les autorités brésiliennes ne peuvent (ne pourraient ?) qu’accompagner ces activités.

 

Le délai d’occupation est indéfini. (Traditionnellement, nous savons que les États-Unis ne quittent pas ces territoires).

 

Sous-traitance : L’accord est appliqué pour attirer des entreprises privées étasuniennes dans le but d’étendre la construction de nouvelles plates-formes.

 

Les militaires brésiliens n’ont pas l’exclusivité de la question spatiale.

 

Sous le prétexte, avancé par les États-Unis, de minimiser les risques d’espionnage technologique, l’accord restreint l’accès à certaines parties de la base qui sont devenues des espace hors de la souveraineté du pays. Il faut signaler que le Brésil a toujours été opposé à l’installation de bases étasuniennes dans les pays voisins.

 

Non respect de l’accord 169 de l’OIT. Il n’y a pas eu de consultation libre et informée de la population quilombola quand on a discuté de cet accord au Congrès national. Le chancelier Celso Amorim, en 2018, a prévenu de ce que tout le monde avait déjà compris concernant le TSA:

 

Un accord qui dit que nous ne pouvons pas lancer un autre satellite (développé avec les Chinois) depuis Alcantara est un non-sens total. Il y a des valeurs plus hautes que les bénéfices commerciaux immédiats qu’on pourrait avoir. Et on ne doit céder aucun espace un territoire brésilien. Ça commence ici, Alcantara, et ensuite ça atteint l’Amazonie.

 

La résistance

 

Depuis plus de trois siècles, au XVIIIe siècle, les descendants des esclaves, les Quilombolas, vivent et survivent dans la région d’Alcantara. Il y a plus de 4000 êtres humains auxquels l’État n’a jamais concédé leurs terres. C’est la plus importante population quilombola du Brésil qui n’a rien reçu et ne reçoit aucun type d’attention de la part du Gouvernement brésilien. Ce sont eux qui ont réussi à retarder jusqu’à présentl’installation de la base d’Alcantara telle que la voulaient les participants aux différents accords.

 

Depuis les années 1980, pendant ces 40 ans dont certains sous la dictature au Brésil, les Quilombolas ont lutté pour conserver leurs racines et le droit de rester là.

 

Ici, il faut ajouter un avertissement : Les Quilombolas et la société brésilienne ne sont pas contre le centre de lancement d’Alcantara mais ils sont contre le fait qu’on le remette à des intérêts étrangers à cause d’une soi-disant incapacité brésilienne dans un programme aérospatial. Ils protestent aussi parce que la base n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact environnemental dans la région puisqu’il s’agit d’une activité qui aura un impact sur l’environnement sans que les Brésiliens ne sachent rien de cet impact.

 

En 1999, les Quilombolas avec le Mouvement Noir, ont fondé le MABE (mouvement de ce qui sont affectés par la base spatiale d’Alcantara) pour organiser ceux qui sont affectés par cette base dans la résistance.

 

Le Brésil n’a jamais concédé le titre de propriété d’Alcantara malgré le processus administratif en faveur des communautés, publié au Journal Officiel, qui reconnait le territoire comme la plus importante population traditionnelle quilombola du pays avec plus de 200 communautés. De plus, aussi grave, l’État brésilien ne respecte pas l’accord 169 de l’OIT qui exige une consultation libre et informée des peuples indigènes et tribaux dans le cas où ils se verraient affectés par une quelconque activité.

 

L’État brésilien a refusé et a approuvé l’accord. De cette façon, il réduit les communautés au silence. Pour cette raison et à cause de ce non-respect, on a présenté une plainte devant l’OIT qui est actuellement en train de la traiter.

 

Il existait déjà, depuis 2001, une plainte devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme pour les 312 familles réinstallées dans les années 80. De là est sorti un rapport avec une recommandation envers le Gouvernement brésilien et le 5 janvier 2022, elle passe devant la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme où une décision sera prise (dans un délai de deux ans) contre le Gouvernement brésilien qui peut être condamné.

 

Les vie des noirs compte ?

 

On ne peut nier le caractère raciste de ces 40 ans. En plus de ne pas respecter la résolution de l’OIT, il faut dire que la commission parlementaire qui a discuté de la base d’Alcantara n’a même pas mentionné l’existence du peuple quilombola dans la région, c’est-à-dire, qu’elle les a traités comme s’ils n’étaient pas des êtres humains, des Brésiliens avec leurs droits et leurs devoirs.

 

Pire encore : celui qui dans les années 60 a mené à bien la « conversation » avec la population locale pour son déplacement forcé a été, c’est incroyable, un vétérinaire : Monsieur Sergio Antonio Frazao Araujo qui ensuite, à la demande du Gouvernement brésilien, est venu comme nous le raconte Danilo Sarajo:

 

« Récemment, le 12 novembre 2019, lors d’une audience sur l’Accord de Sauvegarde Technologique qui a eu lieu pendant la 174e période de sessions de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme qui a eu lieu à Quito, Équateur, le même vétérinaire a été secondé par l’État brésilien pour agir en tant que témoin dans cette audience. Ce fait confirme le caractère raciste de ce projet, 30 ans après la tentative pour exécuter la troisième phase de l’élimination des communautés. En d’autres termes, rien n’a changé dans la conception et la conduite du programme aérospatial brésilien dont le racisme est la caractéristique la plus importante. De plus, ces faits démontrent que le colonialisme est intemporel et que sa présence, contre la croyance populaire, ne se limite pas au passé esclavagiste.

 

Pour ne pas laisser de doute sur le moment que traverse le Brésil et le caractère raciste que nous affrontons, selon le président de la République lui-même (dans un reportage publié dans le Washington post le 26 mars 2021) :

 

« Le président brésilien, Jair Bolsonaro, nationaliste de droite ami des intérêts patronaux, a clairement exprimé sa position. Il a promis d’exploiter les richesses de la forêt amazonienne, a soutenu les mineurs illégaux, n’a pas accordé de droits territoriaux aux peuples indigènes et a décrit les résidents quilombolas avec des mots tellement offensants que les procureurs fédéraux ont protesté : »

 

« C’était un Quilombo, » a dit Bolsonaro dans son discours public largement condamné en 2017 avant d’être élu président. « L’afro-descendant le plus mince, là, pesait 7 arobes ; » la mesure avec laquelle on pèse le bétail. « Ils n’ont rien fait. » « Et pour la procréation, ils ne valent rien non plus. » « Nous dépensons plus de 200 millions de dollars par an pour eux. »

 

Ainsi, nous arrivons en mai 2022 avec beaucoup plus de menaces. Aujourd’hui, nous sommes dans la grande maison X Senzala 134 ans après la fin de l’esclavage, avec la menace immédiate que 800 familles de 30 communautés quilombolas (quelques 3000 à 4000 personnes) soient expulsées de leur territoire. S’il n’y avait pas eu ces mobilisations et la résistance du peuple d’Alcántara et d’autres endroits, les Américains seraient déjà là. Il faut dire, évidemment, que c’est cette résistance qui a réussi à freiner les éliminations prévues en 2020.

 

C’est pourquoi, en 2022, ils sont toujours vivants.

 

C’est pourquoi il est si important de dénoncer cette réalité partout où on peut en parler.

 

Considérations finales

 

« accord entre le Gouvernement de la République Fédérative du Brésil et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique sur les Sauvegardes Technologiques concernant la participation des Etats-Unis d’Amérique aux lacements depuis le Centre Spatial d’Alcantara,» est le nom pompeux de cet accord.

 

En général, quand on dit « les lancements, » cela signifie qu’on peut lancer n’importe quel engin, ce qui en soi est déjà un objet d’inquiétude dans cet accord à en juger par le caractère belliqueux de ce pays.

 

D’autre part, il faut souligner que le Brésil a signé plusieurs accords et traités sur la non prolifération des armes comme l’accord quadripartite signé avec l’Argentine, l’ABACC et l’organisme international de l’énergie atomique, le traité de Tlateloco, le traité d enon prolifération des armes nucléaires (TNP), la Convention pour l’interdiction des armes chimiques et la convention d’Ottawa sur les mines terrestres et qu’il fait partie du régime de contrôle des technologies des missiles (RCTM).

 

Les Etats-Unis, avec la croissance de leur industrie de l’armement agit en sens contraire tout en mettant en rendant, avec cet accord, le programme spatial brésilien non viable et en l’absorbant dans leurs intérêts. La cession du territoire de la base d’Alcantara au Gouvernement des Etats-Unis en arrive à l’absurdité de ne concéder aux Etats-Unis que ma faculté d’expédier des emblèmes pour entrer dans sa zone, une véritable remise de la souveraineté du Brésil à un autre pays.

 

L’engagement ferme du Brésil envers la paix et le désarmement inscrit dans sa Constitution est confirmé par la déclaration de l’Amérique Latine et des Caraïbes comme zone de paix signée par 29 pays de la région au sommet de la Communauté des etats Latino-américains et Caribéens (CELAC), le 30 janvier 2014 à La Havane. Là, les Etats membres se sont déclarés « engagés de façon permanente envers la résolution pacifique des conflits pour éradiquer pour toujours l’utilisation et la menace de l’utilisation de la force dans la région et envers le respect strict de son obligation de non intervention directe ou indirecte dans les affaires intérieures d’un autre Etat. »

 

Nous attendons, dans l’espoir que nos futurs Gouvernements et nos futurs législateurs seront rationnels et auront le bon sens d’annuler cet accord avec le Gouvernement des Etats-Unis sur le territoire d’Alcantara puisque c’est dans l’intérêt leplus juste de la population locale, de l’environnement, de la souveraineté et du maintien de lapaix dans notre région.

 

La lutte, c’est sûr, va continuer

 

Carmen Diniz, dans son intervention, a exigé qu’il soit prouvé que sur les bases militaires, il n’y ait pas de laboratoires biologiques yankees, que les peuples s’impliquent dans la campagne FreeAssangeNOW dans tous les pays parce que « la condamnation n’est pas cotre lui mais contre nous tous qui avons le droit d’être informés. » Elle a rendu hommage à Alicia Jrapko, valeureuse camarade du Comité International Paix, Justice et `dignité des Peuples : « Alicia Jrapko, présente ! Maintenant et toujours. »

 

Remerciements à Jonas Borges du MST et à Danilo Serejo, tous 2 de Maranhão, pour leur immense contribution à ce travail.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/05/06/brasil-la-base-de-alcantara-en-brasil/

URL de cet article :

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