Venezuela : Le vol d’un faucon humanitaire
Samantha Power, une fonctionnaire qui a été importante dans la militarisation des droits de l’homme, dirige « l’assistance humanitaire » au Venezuela.
Pendant la première année où elle a été en charge de l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Samantha Power s’est distinguée par un remodelage silencieux de la stratégie contre le Venezuela. Mais on voit certains traits de ses actions qui commencent à trahir un schéma qu’elle a développé dans ses autres responsabilités politiques.
Trajectoire d’un rapace de haut vol
La fonctionnaire démocrate qui s’est surnommée elle-même « faucon humanitaire » a donné des cours à l’école du gouvernement Kennedy de l’université de Harvard avec la charge de « professeur de pratique de direction mondiale et des politiques publiques. » Elle a eu le prix Pulitzer en 2003 pour son livre « un problème de l’enfer : l’Amérique et l’ère du génocide » et elle a exercé comme conseillère principale de Barack Obama.
Dans l’orbite de l’ancien président démocrate, en tant que représentante permanente des États-Unis au conseil de sécurité de l’ONU en 2013, la diplomate a été le détonateur du processus de perfectionnement de l’intervention « humanitaire » en tant qu’arme favorite pour le changement de régime.
Elle a été considérée comme le chef des « faucons libéraux », l’autre visage d’une monnaie partagée avec les « néoconservateurs » dans la promotion de l’interventionnisme de « l’empire étasunien » en plus du suprémacisme pur de ceux-ci, le combustible de son interventionnisme est les droits de l’homme dont l’industrie mobilise des quantités importantes de millions de dollars. Pendant son audience de confirmation devant le Sénat, Power a déclaré : « Ce pays est le plus grand de la terre. Jamais je me ferais d’excuses pour les États-Unis ! »
Auparavant, durant les années 1990, elle a fait partie de la constellation médiatique qui a participé à la désintégration de la Yougoslavie et elle en est même venue à travailler comme journaliste sportive à CNN, la télévision d’information internationale dont la rédaction héberge des membres du quatrième groupe d’opérations psychologiques de Fort Bragg.
Ensuite à la fait partie de la Carnegie Endowment for International Peace comme assistante de Morton Abramowitz qui fut administrateur de la National Endowment for Democracy (NED), le visage légal de la CIA. Elle est également fondé le Centre Carr pour la politique des droits de l’homme financé par la fondation de l’ex patron Grégory C. Carr et par la fondation du Libano-saoudien Rafik Hariri.
En 2020, elle a été conseillère de la commission internationale sur l’intervention et la souveraineté des Etats créée par le Canada s’est infiltrée la notion de « responsabilité de protéger » (R2P) : sous prétexte de prévenir des massacres comme ceux de Srebrenica ou du Rwanda, le conseil de sécurité de l’ONU devrait intervenir quand il n’y a pas d’Etat.
Elle a milité dans d’autres organisations interventionniste comme lCrisis Group de l’oligarque hongro-étasunien Georges Soros et dans le Genocide Intervention Network, qui s’appelle à présent United to End Genocide.
Avec son mentor et époux, Cass Sunstein, elle a formé ce que le journaliste populiste Glenn Beck appellerait « le couple le plus dangereux des États-Unis. » Ils jouent au bon policier (elle) et au mauvais policier (lui) à propos des droits de l’homme et « sont capables de défendre n’importe quoi et son contraire avec la même ardeur à condition que ce soit utile à leurs intérêts, » écrit l’analyste Thierry Messiaen dans un article sur la trajectoire de Power.
Dans son livre The Education of an Idealist: A Memoir, publié en 2019, Power écrit sur la façon dont elle s’est presque immolée dans sa propre auto-estime ardente tandis qu’elle informait de Bosnie dans les années 1990.
Il y a un peu plus d’un an, Joe Biden l’a nommée administratrice de l’USAID Il la décrit ainsi : « une voix leader pour l’engagement humain des Etats-Unis basé sur des principes dans le monde, elle réunira la communauté internationale et travaillera avec nos partenaires. »
Chef de la militarisation humanitaire
La trajectoire de Samantha Power est un exemple didactique et puissant de la militarisation du discours des droits de l’homme. Dans son livre, elle soutient que les États-Unis ont fait un faux pas pendant les génocides du XXe siècle en prenant comme exemple ce qui s’est passé en Bosnie et au Rwanda. À ce sujet, l’avocat Chase Madar écrit : « Pourquoi les États-Unis restent-ils en marge avec tant d’indolence ? Power concède que « de modestes progrès ont été faits au moment de répondre au génocide. » Mais il s’agit de progrès insuffisants. Ce qui manque, c’est de défendre avec courage la présence de nos forces armées pour prévenir des catastrophes en matière de droits de l’homme, leur engagement actif avec ce que le jargon de l’élite qui contrôle la politique étrangère appelle « intervention humanitaire ». »
Mais dans son œuvre, elle ne fait pas allusion à un problème qui est en vigueur aujourd’hui : l’impact génocidaire des mesures coercitives unilatérales. Déjà, en ce temps-là, Power oubliait, par exemple, de se demander si les milliers de morts irakiens attribués aux sanctions économiques étasuniennes des années 90 devaient être considérées comme un génocide.
Madar évoque les centaines de milliers d’habitants du Timor assassinés par l’Indonésie, les 200 000 paysans mayas assassinés au Guatemala pendant la guerre civile, les communistes indonésiens en 1955-1956, tout cela patronné par les États-Unis. Le même rapace « humanitaire » a soutenu en 2013 que « les États-Unis doivent prendre au sérieux les principes humanitaires et agir avec fermeté pour combattre le génocide et d’autres abus envers les droits de l’homme. » Mais elle signale que leur capacité à persuader d’autres nations de suivre leur exemple sur ces questions à été terriblement affecté par la guerre en Irak et l’ensemble d’abus commis au nom de la « guerre contre le terrorisme. »
Avec l’assistant de Hillary Clinton, Jeffrey Feldman, elle a préparé le « printemps arabe » au conseil de sécurité nationale en cherchant à renverser les régimes laïques arabes (Tunisie, Égypte, Libye, Syrie et Algérie) qu’ils soient ou non alliés des États-Unis pour mettre au pouvoir les Frères musulmans.
Power a soutenu aussi le clan Clinton– Feltman-Petraeus-Allen pour lutter contre la Russie, l’Iran et la Syrie et a défendu avec succès les guerres de l’OTAN déclenchées par les « printemps » et dirigées par les États-Unis en Libye et en Syrie « pour arrêter le prochain Rwanda. »
En mars dernier, elle était à Miami, en Floride où elle a parlé avec des journalistes de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela de « l’importance de la liberté de la presse » et avec des dirigeants de la communauté patronale de Miami pour discuter de l’engagement du secteur privé en Amérique centrale.
Comme on l’a appris ces dernières années, une bonne partie des ressources de l’opération de changement de régime au Venezuela a eu pour destinataires les médias corporatifs, c’est pourquoi l’option de renforcer cette stratégie d’intoxication médiatique massive et d’instruction permanente d’un dossier contre le chavisme en charge du Gouvernement vénézuélien est évident.
Intensification de l’orgie de fonds humanitaires
L’USAID constitue pour Power une position parfaite pour exercer l’aide extérieure comme garrot pour frapper les Gouvernements jusqu’à ce qu’ils s’alignent derrière les dictats de Washington qu’elle considère comme une campagne interminable pour arrêter des génocides et défendre les droits de l’homme.
En 2021, un rapport du bureau de l’inspecteur général de l’USAID a critiqué le rôle de cette agence sous le Gouvernement Trump en affirmant que les objectifs politiques de cette gestion ont constamment interféré avec la réponse à la crise humanitaire régionale causée par « l’effondrement politique » du Venezuela.
En outre, il remet en question l’efficacité des actions « humanitaires » sous la direction de Trump en soulignant que sur les 368 tonnes métriques d’aide que le bureau d’assistance pour les désastres à l’étranger et le bureau des aliments pour la paix de l’USAID ont envoyé à la frontière colombienne en 2019 (pour un coût de 2 000 000 de dollars), seulement 8 tonnes métrique (2 %) ont été réellement remiseS au Venezuela. Le reste des fournitures d’aide humanitaire dont certaines ont été stockées dans un dépôt contrôlé par les militaires colombiens dans les environs de Cúcuta, ont été distribués en Colombie ou envoyés en Somalie.
Le rapport a aussi révélé que le Gouvernement Trump a utilisé l’aide étrangère des États-Unis pour apporter un soutien au faux président intérimaire Juan Guaido qui n’aurait pas rendu de comptes et a été accusé par ses coreligionnaires anti-chavistes eux-mêmes d’avoir détourné jusqu’à 500 000 000 de dollars. Il faut souligner que Guaido, de plus, gère les fonds des entreprises publiques vénézuéliennes à l’étranger parmi la desquelles CITGO, Petroleum Corporation Et même un peu Monómeros Colombo-Venezolanos mais jusqu’à présent il n’a rendu de compte à personne sur l’utilisation de ces ressources.
Mais rien ou presque n’a changé après la diplomatie de Trump, en tout cas, elle s’est renforcée. Le 23 mars dernier, l’USAID a publié une feuille d’information avec des données sur les dépenses qu’ont réalisées le bureau d’Assistance humanitaire, le bureau pour la population, les réfugiés et de la migration du département d’État.
Ce document dit : « La grave pénurie d’aliments et de médicaments a conduit les Vénézuéliens à fuir au Brésil, au Chili, en Colombie, en Équateur et au Pérou et aussi en Argentine, au Mexique, au Panama et dans des pays des Caraïbes et d’Amérique centrale» et justifie ainsi les plus de 1 600 000 000 de dollars qui ont été déboursés dans 18 pays de la région entre 2017 et 2021. On y inclut le Venezuela lui-même où un peu moins de 10 % des fonds, 158 000 000, ont été dépensés sur la ligne « partenaires exécutants » (Implementing Partners o IP’s).
Presque 40 % de ces dépenses ont été distribués par le Gouvernement Biden en 2021 (655 100 000 000 de dollars) et les débours les plus importants ont été destinés à des agences internationales comme l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (ACNUR) et l’organisation internationale pour les migrations (OIM) qui ont gonflé énormément les chiffres de l’immigration du Venezuela.
L’USAID de Samantha Power a ajouté au récit sur la migration les opérations de la Force Armée Nationale Bolivarienne sur la frontière avec la Colombie en disant :
« Une augmentation de la violence entre les groupes armés non d’État tout le long de la frontière entre la Colombie et le Venezuela au début de 2022 a fait des victimes civiles, provoqué des déplacements et augmenté les besoins humanitaires des migrants vénézuéliens. »
La réalité est que le chiffre de déplacés internes en Colombie est beaucoup plus important et significatif que les déplacements occasionnés par le les groupes que le Gouvernement vénézuélien appelle TANCOL.
Ces agences, dont le représentant spécial pour le Venezuela est l’opérateur Eduardo Stein (lié aussi à la doctrine R2P) ont lancé en décembre dernier un plan de 1 790 000 000 de dollars pour « satisfaire les besoins des réfugiés et des migrants vénézuéliens et de leur communauté d’accueil en 2022. »
Un point à souligner : en 2021, c’est le développement d’actions concrètes comme la signature de l’accord avec le directeur exécutif du programme mondial pour les aliments des Nations unies (ONU) David Beasley, qui a impliqué le Gouvernement constitutionnel du président Nicolas Maduro et un secteur de la diplomatie des États-Unis qui jusqu’à présent avait été fidèle au plan Guaido.
Dans la droite ligne de l’intoxication médiatique massive, Samantha Power continuera l’orgie de fonds « humanitaires » qui serviront à renforcer des Gouvernements de droite et de gauche qui prennent position contre le Venezuela, Cuba et le Nicaragua.
Entre-temps, l’action des faucons « humanitaires » dirigée par Power et l’USAID s’est focalisée sur l’extension du récit de la diaspora vénézuélienne dans des zones comme la forêt de Darién (entre le Panama et la Colombie) et le Rio Bravo et pour cela ont organisé des mises en scène qui mobilisent l’attention aussi bien des pays d’Amérique Centrale que du public étasunien.
Comme dans le cadre de l’Irak, Power ne considère pas comme un génocide ni comme un crime contre l’humanité les plus de 30 000 morts provoquées par les mesures coercitives unilatérales depuis que son allié Obama a déclaré le Venezuela « menace inhabituelle extraordinaire. »
Le double rôle de Samantha Power comme « promotrice » des droits de l’homme et comme infatigable avocate en faveur de la guerre ne la dérange pas et il commence par le Venezuela.
Traduction de Françoise Lopez pour Bolivar infos
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