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Cuba : Question de taille

27 Juin 2022, 17:11pm

Publié par Bolivar Infos

Par Rosa Miriam Elizalde

 

C’est une question de taille mais ça dépend comment on la mesure. Dans une conférence de presse au département d’État la semaine dernière, le porte-parole Ned Price s’est lancé dans une grande tirade contre les grands Etats qui intimident les petits et les empêche « d’exercer leur souveraineté, de choisir leurs propres associations, d’adopter leur propre politique étrangère (…) La domination est le nom de ce jeu. » Le pouvoir est un monsieur très distrait. Price parlait de la Chine, évidemment.

 

Le journaliste Matt Lee de l’agence AP, sans aucun doute un monsieur très attentif, a posé la question vicieuse : « Nous parlons du Gouvernement de Biden et de sa politique envers Cuba qui est encore sous blocus, naturellement ? N’est-ce pas le cas d’un grand État qui cherche à dominer un autre plus petit ? » Au sourire gêné de Ned Price a succédé celui de toujours, le Gouvernement des États-Unis ne voit pas de contradiction mais un monde volatil et complexe dans lequel il est impossible de pratiquer une politique rigide qui soit applicable dans toutes les situations.

 

« C’est un cas dans lequel les États-Unis cherchent à aider à encourager les aspirations démocratiques du peuple de Cuba, » a déclaré le porte-parole qui a réussi à cacher à grand peine que la nostalgie de la guerre froide voltige toujours dans la bulle des experts en politique étrangère de Washington.

 

« Tu peux aller loin avec un sourire. Tu peux aller beaucoup plus loin avec un sourire qu’avec un pistolet, » avouait donner sucré et portant des vêtements rayés le mafieux Al Capone à la revue Real Détective Tales dans une interview faite derrière les barreaux il y a près d’un siècle. Il n’y a pas eu jusqu’à aujourd’hui de meilleure définition de la politique étasunienne dans le monde. Ses effets catastrophiques pour les petits Etats sont là malgré l’ombre que l’amnésie étend sur les porte-parole du département d’État.

 

La politique du blocus depuis John F. Kennedy jusqu’à Joseph Biden a été mal pensée, mal évaluée, mal jugée, mal calculée. Elle est également parfaitement illégale et c’est probablement elle qui finira par mettre le dernier clou au cercueil de l’OEA comme cela a été dit au neuvième sommet des Amériques où le pays qui bloque et exclut est resté complètement seul.

 

Comme l’est resté Luis Almagro, maréchal d’une diplomatie irresponsable, belliciste et arrogante qui provoque des manifestations de dégoût jusque chez les conservateurs latino-américains et qui ne peut déjà même plus avancer blindé par des gardes de sécurité sans qu’on on lui rappelle sa complicité dans le coup d’Etat en Bolivie et sans qu’on lui crie qu’il a les mains pleines de sang.

 

Ce mélange d’oubli sélectif et d’arrogance dont a fait preuve Ned Price dans sa conférence de presse de routine est celui de son Gouvernement. La mégalomanie du sourire et du pistolet les a empêché de voir à Los Angeles que l’Amérique latine n’accepte pas la logique tordue d’un environnement d’intégration avec des exclusions et que les pays de la région réclament avec de plus en plus de force une association libre de toute influence des États-Unis.

 

Cette raison est l’une des puissantes raisons du retour de la gauche dans les Gouvernements du continent avec un effet inédit et humiliant pour la Maison-Blanche, la victoire de Gustavo Pétro en Colombie qui peut servir de coup de pied pour unir les énergies encore dispersées du progressisme latino-américain.

 

La grande erreur du panaméricanisme, Il faut l’attribuer, comme le disait Jorge Castañeda il y a plus d’un demi-siècle, à la pratique de l’intimidation d’un grand État puissant qui n’a jamais permis la convivialité en égalité de conditions et au fait que Washington impose ses politiques et ses intérêts aux pays du Sud en les empêchant « d’exercer leur souveraineté, de choisir leurs propres associations, d’adopter leur propre politique étrangère. »

 

C’est une question de taille, oui, et de bon sens. Le bon sens est l’une des rares ressources qui existent pour que les petits États, les gens ordinaires et les journalistes décents puissent se défendre contre l’histoire officielle écrite par les vainqueurs de ce jeu appelé « domination » et que Ned Price connaît très bien bien qu’il en soit le fou.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos 

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/06/26/522903/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/06/cuba-question-de-taille.html