Amérique Latine : Si elles s’unissent pour industrialiser le lithium, l’Argentine et la Bolivie peuvent être des puissances
Interview d’Evo Morales par Pagina 12, 13 juillet 2022
–Que signifie ce retour en Argentine ?
–C’est comme rentrer à la maison, j’ai tant de souvenirs et tant de tendresse du peuple argentin. En 94 ou 95, j’ai commencé à être dirigeants syndical et ils m’ont invité à donner une conférence sur la coca et la souveraineté. Quand je suis entré, ils ont commencé à crier : « Olé, olé, olé, olé, Evo, Evo ! » j’ai eu peur, je suis devenu nerveux ! Le temps a passé et ce cri me plaît. Ma première école a été à Calilegua, à Jujui, et je suis revenu comme dirigeant, député, président et enfin comme réfugié politique. Nous sommes une grande famille. Des pays voisins avec la même histoire de libération, de fondation des républiques. Ici, en Argentine, Juana Azurduy est plus célèbre et en Bolivie peu, malheureusement, mais c’est notre héroïne. Toute cette lutte nous unit. Après que je sois rentré en Bolivie, c’est une rencontre avec des amis, des frères et des compagnons.
– Quelles relations avez-vous avec le président Luis Arce ?
- Nous avons de bonnes relations, quand nous communiquons. Quand la droite, l’année dernière, a à nouveau tenté de faire un coup d’Etat, par exemple, en février, Luis Fernando Camacho a dit « Lucho (Arce) prends soin de t’unir avec Evo. » Entre mai et avril, il a dit, au comité civique de Santa Cruz : « ils recrutent l’avion au Mexique. » (Allusion au départ de Morales au Mexique après le coup d’état). Mais avant la prise de possession de Lucho Arce, le 8 novembre 2020, nous pensions que ce serait le dernier round. J’ai organisé la marche pour la patrie, je me suis uni avec la Centrale Ouvrière Bolivienne, avec la Confédération Syndicale des Paysans, une marche de plusieurs jours pour défendre Lucho président et notre processus. Nous avons emmené presque 1 500 000 personnes. Lucho est venu à l’inauguration avec le vice président David Choquehuanca malgré la pluie. Malheureusement, la presse de droite essaye de nous montrer divisés. L’administration de l’État revient à Lucho et à moi, il me revient de diriger le mouvement politique. Ensemble, nous débattons de certains sujets et évidemment les problèmes ne manquent pas, c’est normal. Le MAS est une grande famille : nous avons prouvé que la Bolivie a beaucoup d’avenir.
- À ce propos, comment voyez-vous les désaccords entre Alberto Fernandes et sa vice-présidente Cristina Fernandez de Kirchner ?
- Je n’en sais pas grand-chose mais il est toujours important de bien s’entendre. Avec notre président Lucho, nous nous entendons bien, avec le vice-président aussi, nous sommes en contact permanent. Évidemment, il y a des problèmes mais nous les résolvons à huis clos et devant le peuple, nous sommes toujours unis.
- Est-ce que c’est le conseil que vous leur donneriez ? Comme je l’ai dit lundi, l’unité dans la diversité…
–Évidemment, cette responsabilité et la nôtre. Unité dans la diversité pour affronter l’adversité ensemble. Nous sommes différents. Nous, nous sommes des peuples originaires. Nous commençons à différencier les Quechuas et les Aymaras qui sont des peuples originaires millénaires. et d’autres qui sont arrivés après les deux guerres mondiales ou la guerre civile espagnole. Ils sont venus en Amérique latine, leurs enfants et leurs petits-enfants y sont nés et nous les appelons aussi peuples originaires, mais eux, nous les appelons peuples originaires contemporains. La pluri-nationalité, c’et l’unité des peuples originaires contemporains et des peuples originaires millénaires mais cette unité dans la diversité est destinée à nous reconnaître ensemble avec l’objectif de garantir notre souveraineté et la dignité pour le peuple.
–Et comment avance le progressisme dans la région ? La victoire de Gustavo Pétro en Colombie, de Gabriel Bouric au Chili. Cela ressemble-t-il à la première vague de Gouvernements de gauche donc vous avez été un acteur ?
–L’héritage de Kirchner, de Chávez, de Fidel est en train de se réaliser en Amérique latine et dans les Caraïbes. Quand nous cherchions l’intégration de l’Amérique du Sud avec la CELAC, les États-Unis ont créé l’Alliance du Pacifique pour perpétuer les politiques de l’ALCA. Ils ont créé le Groupe de Lima pour attaquer Maduro en permanence. L’Argentine, le Mexique, le Pérou, le Chili, la Colombie. Où est à présent le Groupe de Lima ? C’est clair, les États-Unis, malheureusement, sont bons à donner des sanctions économiques aux pays libres ou à soutenir des coup d’Etat mais de cela, nous sommes en train de nous en libérer. Avant, être expulsé de l’OEA faisait peur, maintenant, c’est un luxe. C’est en train de changer. Les États-Unis n’ont déjà plus l’hégémonie en Amérique latine. Ce ne sont déjà plus une puissance économique, à cela s’ajoute le fait de pouvoir être une puissance militaire. Dans les années 30 ou 40, les États-Unis avaient plus de 40 % du PIB mondial. Maintenant, ils sont autour de 20 %. Il y a 30 ou 40 ans, la Chine représentait 8 % du PIB mondial et maintenant elle représente plus de 30 %. Les États-Unis ne vivent que de la guerre. Cette doctrine immorale, la doctrine Monroe de « l’Amérique aux Américains » va s’achever. Nous, par contre, nous avons proposé « l’Amérique pluri-nationale des peuples pour les peuples. » Les pays anti-impérialistes expulsés de l’OEA : Cuba, le Venezuela et le Nicaragua n’ont pas été invités à ce sommet des Amériques. L’OEA était destinée à intégrer les pays de toute l’Amérique et maintenant ils sont ignorés et expulsés. Ce sont les États-Unis qui ont organisé le coup d’Etat en Bolivie. Et pour moi, la meilleure intervention a été celle de mon frère Alberto Fernandez qui y est allé pour dire sa vérité. 22 pays se sont révoltés devant le président des États-Unis, chez lui.
–Vous dites que Washington était derrière le coup d’Etat en Bolivie mais l’ancien ministre de l’intérieur du Gouvernement de fait, Arturo Murillo, est également condamné et en prison aux États-Unis…
- Pour des problèmes de corruption. Rien à voir avec le coup d’Etat. Le fait que déjà, lors de son premier voyage, il avait ouvert des comptes bancaires à Los Angeles m’avait surpris et de l’argent a tourné illégalement. Là, il est en prison pour des problèmes de corruption et de blanchiment d’argent. Le problème politique est différent et cela ne les regarde pas.
–Pour sa part, l’ancienne présidente de fait, Jeanine et Añez, à été condamnée à 10 ans de prison pour l’affaire « coup d’Etat II. »
Pour la rupture de l’ordre constitutionnel, pour les résolutions contraires aux règles juridiques. Seulement après vient le procès pour le génocide ou pour les crimes contre l’humanité où elle risque 30 ans de prison et nous souhaitons tous que justice soit faite pour que jamais plus il n’y ait de coup d’Etat non seulement en Bolivie mais dans toute l’Amérique latine. C’est le désir que nous avons.
Et quel a été le rôle du président du Brésil Jair Bolsonaro d’après vous ? En tenant compte du fait que déjà deux fois il a dit ouvertement qu’il avait rencontré Añez?
- Ici, en Argentine, certains frères militaires, quand j’étais là en 2020, m’ont dit qu’Añez s’était rendue au Brésil secrètement. Maintenant, Bolsonaro l’a dit , il y a eu des voyages clandestins. Ce n’est pas confirmé mais ils m’ont qu’ils avaient amené des millions de dollars au Brésil pour ouvrir leurs comptes bancaires.
- Qui a amené ces millions ?
–Des membres de la famille d’Añez. Une information non confirmée, les militaires eux-mêmes me l’ont dit. Il suffirait de croiser des données, je n’ai pas voulu parler mais quand Bolsonaro parle, Bolsonaro le confirme. Moi, cela m’a surpris et j’ai partagé le message de l’ancien président Correa qui a dit que nous vivions un second Plan Condor à cause du lithium avec la participation des présidents de l’Argentine, de l’Équateur, du Brésil avec les États-Unis à leur tête.
- Et à propos de ce nouveau Plan Condor dans la région, il y a un an que la plainte contre le Gouvernement de Mauricio Macri pour contrebande d’armes en Bolivie présumé a été déposée. Est-ce que cette affaire avance dans votre pays ?
–L’histoire est intéressante, non ? Certains présidents, il nous envoient des armes mais Alberto Fernandez pendant la pandémie nous envoie des médicaments. Tout cela est juste et il sera également juste d’accélérer l’enquête correspondante mais la même version est totalement confirmée par la police et les forces armées qui disent que le président Macri a envoyé des armes. Puisse la justice accélérer ses investigations pour le bien de la démocratie en Amérique latine!
–Les élections d’octobre au Brésil provoquent-t-elle des attentes ?
–Oui nous avons beaucoup d’attentes et une grande confiance en Lula. Si Lula gagne, les peuples d’Amérique latine continueront à avancer, les processus de libération démocratique se poursuivront. Et encore une fois, toutes les politiques des États-Unis échoueront. Il n’y a plus de guerre froide, de lutte contre le communisme. Et combien de dirigeants d’orientation communiste ou socialiste son présidents maintenant ? Nous, les mouvements sociaux, sommes des terroristes pour l’empire. Combien de dirigeants syndicaux son présidents ou ont été présidents ? Je me souviens toujours quand la presse nord-américaine m’a appelé en me demandant ce que je pensais de Pedro Castillo. J’ai dit : un membre des rondes de paysans et un paysan, le dirigeant enseignant est maintenant président du Pérou. Un « terroriste » de plus qui est président. Nous, qu’on appelle terroristes, nous sommes et nous avons été présidents. Les guérilleros sont présidents, maintenant : Daniel Ortega, Dilma Rousseff, Pepe Mujica, Gustavo Pétro. Cela signifie qu’ils ont raison d’organiser des guérillas face a la domination des oligarchies dans chaque pays.
–Vous considérez que les États-Unis sont en train de perdre l’hégémonie qu’ils ont pu avoir à un moment donné. Est-ce que ce n’est pas alors une opportunité historique pour que la région plante son drapeau et s’organise pour renforcer les revendications comme la fin du blocus de Cuba ?
–C’est à voir, dans les votes aux Nations unies sur le blocus économique, les États-Unis, Israël et une île de plus l’approuvent. Tous sont contre le blocus mais les États-Unis ne respectent pas ces résolutions. Alors, de quelle démocratie peuvent-ils parler ? Les États-Unis n’ont ratifié aucun traité ou aucun accord international sur les droits de l’homme. De quels droits de l’homme peuvent-ils parler ? Nous avons de profonds différends, c’est pourquoi nous remettons en question la politique du Gouvernement états-unien, pas le peuple nord-américain. Et je pense que c’est notre obligation de renforcer des organismes comme la CELAC ou l’UNASUR ; la prochaine étape doit être de penser à la façon dont nous pouvons avoir notre propre monnaie sud-américaine.
- Lula l’a envisagé, une monnaie du sud…
–Et auparavant, nous l’avions envisagé au moment de constituer l’UNASUR. Cela a été paralysé mais il faut le relancer. C’est le souhait que nous partageons avec Lula. À un moment, je me demandais pourquoi tant de coups d’Etat. Évidemment, les coups d’Etat sont destinés à contrôler les ressources naturelles. Malgré le pillage de plus de 500 ans, du temps de la colonie, du temps de la république, des ressources naturelles continuent à apparaître à fleur de terre. Le lithium, par exemple. Alors, les transnationales, en utilisant les militaires, à présent l’OTAN, imposent une intervention militaire et un contrôle politique pour sortir les ressources naturelles. Et selon mon expérience, d’en haut, ils planifient pour diviser le peuple. Et ils nous divisent pour nous dominer. Ils disent : s’il y a plus de pauvres et plus d’ignorants, il sera plus simple de les dominer.
Et quand ils ne peuvent pas nous enlever les ressources naturelles, un coup d’Etat. Alors, quand la politique vient des mouvements sociaux, la nationalisation ne vient pas de la Banque Mondiale, les services de base ne viennent pas du FMI, ils viennent des mouvements sociaux. Selon mon expérience, il y avait le pouvoir communal mais avec le pouvoir communal, nous ne pouvions pas faire la base militaire, avec le pouvoir syndical, nous ne pouvions pas nationaliser. Là est apparu notre instrument politique. Cette lutte est la lutte permanente.
–Et la lutte permanente, c’est aussi les conditions d’une dette envers le FMI. L’Argentine a obtenu un accord, que pensez-vous de celui-ci ?
–Moi, sous mon gouvernement, je me suis libéré de la dette du FMI. À Añez, on a prêté environ 300 000 000 de dollars. Lucho (Arce) est arrivé, il a rendu tout cet argent et il ne reste aucune dette. Évidemment, nous avons besoin de crédits et je le comprends parfaitement. La Banque Interaméricaine de Développement (BID), le Japon et l’Espagne ont été très solidaires avec moi. La BID m’a accordé 500 000 000 de dollars, le Japon m’a accordé 300 autres millions, c’étaient des dettes envers des Gouvernements néolibéraux. L’Espagne m’a prêté 300 000 000. Pour cet argent que je devais rendre à l’Espagne, ils nous ont dit : investissez dans des infrastructures pour l’éducation. Mais évidemment, même s’il y a un Gouvernement de fait ou de droite, s’il y a un engagement, il faut le payer.
–Dans le cas de l’Argentine, on est en train de payer une dette souscrite par le Gouvernement de Macri.
–Pourquoi aura-t-on prêté ou comment va-t-on payer, c’est un problème intérieur de chaque pays. Mais aussi bien les Banques que le FMI sont des usuriers, il ne vont jamais accorder de prêt pour le bien, pour les gens humbles.
–Vous avez proposé lundi que les pays de la région avec des réserves de lithium contrôlent directement l’exploitation de cette ressource naturelle. Ne pensez-vous pas que c’est un défi compliqué si on considère que souvent certains pays ne veulent pas aller aussi loin que la Bolivie ?
–J’ai commenté l’expérience de ma gestion publique. Être président, c’est faire de bonnes affaires pour le pays. J’ai eu 2 réunions avec le président du Japon, je lui ai dit : « pourquoi ne pas assembler la Toyota japonaise en Bolivie mais avec le lithium bolivien ? » Ils nous ont répondu « non » mais il nous demandaient le lithium comme matière première. En 2010, j’ai eu une réunion avec la Corée-du-Sud pour un accord d’investissement et de coopération. Ils m’ont invité à voir une usine de batteries au lithium très belle mais elle coûtait 300 000 000 de dollars. Quand je suis arrivé au Gouvernement, les réserves internationales étaient de 700 000 000 de dollars. En 2010, nous étions à environ 10 000 000 000 de dollars de réserves internationales. Alors, j’ai dit au Coréen que 300 000 000 de dollars, ce n’était rien, que je garantissais l’investissement en Bolivie mais les Coréens ne voulaient pas non plus, ils voulaient seulement le lithium. La même chose s’est produite en Allemagne et dans d’autres pays. Je me rends compte que l’Occident ne nous veut que pour que nous garantissions la matière première. Ils ne veulent pas que nous donnions de la valeur ajoutée à nos ressources naturelles. Avec le frère vice-président Alvaro Garcia Linera, nous avons dit : commençons, nous. Nous avons convoqué des experts internationaux et quand nous sommes arrivés à construire l’usine d’El Alto, les nouveaux professionnels ont appris. Quand j’ai vu le laboratoire, cela m’a presque fait pleurer, on n’avait jamais vu ça en Bolivie. Ils travaillent là avec des batteries de lithium, du carbonate de lithium de l’hydroxyde de lithium. Nous continuons à construire de nouvelles usines de lithium. Le plan que nous avions est de 42 usines en 2029. Sur les 42 usines,16 seulement de lithium et d’autres usines seront pour des matières premières, d’autres pour des sous-produits. Quand nous avons commencé à développer ce plan est arrivé le coup d’Etat. Là, on voit Elon Musk (CEO de TESLA) avouer; « Nous avons financé le coup d’Etat pour le lithium. » Et je continue à être convaincu qu’il faut poursuivre le chemin de l’industrialisation, non seulement en Bolivie mais aussi en Argentine, au Chili. Le Mexique est déjà en train de nationaliser son lithium. Nous devons nous unir en tant qu’Amérique latine, industrialiser le lithium sous l’administration de l’État. Si nous travaillons ensemble en industrialisant le lithium, la Bolivie et l’Argentine peuvent devenir des puissances.
–Mais ne pensez-vous pas que dans certains pays, il y a une certaine faiblesse de l’État pour prendre le pouvoir économique ?
–Nous pouvons avoir des différences, évidemment. Certains sont plus humanistes, socialistes, de gauche, certaines sont plus anti-impérialistes, ce sont nos différences mais finalement nous parions tous sur la paix avec la justice sociale. Nous travaillons pour les gens les plus humbles. Satisfaire les demandes du peuple signifie avoir de l’argent, et avoir de l’argent, c’est avoir de profonds différends avec la Banque Mondiale et en particulier avec le FMI.
Que proclame le Fonds ? Un Etat minimum, un État nain, un État qui ne régule pas et n’investit pas. Ainsi, reviennent les conflits. Et j’ai appris en tant que président sans formation académique que nous ne pouvons pas négliger l’aspect du travail ni l’aspect social et que nous ne pouvons pas non plus négliger l’investissement public. En plus de cela, nous devons garantir le bonheur du peuple.
Certains pays préfèrent éviter l’inflation et la contraction de l’économie et ce n’est pas bon pour l’économie principalement pour les gens. Nous, nous nous occupons de l’inflation avec l’expansion économique. En 2007, il y avait un groupe de patrons spéculateurs qui ont fait manquer le pain et l’huile, ils les cachaient. Et quand les prix ont commencé à augmenter, ils ont commencé à m’en rendre responsable. Pour le blé, c’est le même problème, j’ai appelé ma sœur Christina quand elle était présidente, elle m’a dit que là-bas, ils étaient en train de spéculer sur la farine, il y avait des quotas attribuées pour vendre à l’étranger, 2,3 jours ont passé et elle m’a envoyé de la farine et du blé. Les peuples voisins nous ont complété, nous travaillons de façon solidaire.
–Le processus de transformation que vous défendez trouve-t-il de nouvelles limites suite aux effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine ?
–Nous avons des problèmes dans le monde entier, une crise financière, une crise alimentaire. Et il y a eu un coup d’Etat en Bolivie. Je prends un exemple, nous avons fait avec les réserves internationales l’usine d’urée, une fabrique de fertilisants, une usine qui exporte au Brésil 300 000 tonnes par an et qui satisfait le marché intérieur. Elle a été construite sous ma gestion, le coup d’Etat l’a paralysée et le camarade Arce, après avoir gagné les élections, l’a réactivée, il a fallu sept mois mais mon frère Lucho disait à la ré-inauguration que 470 000 000 de dollars avaient été perdus. Et je parle seulement d’une usine, je peux parler du chlorure de potassium, de petites et moyennes entreprises 100 % d’État. Le passage de la pandémie, les mauvais soins pendant la pandémie, des mois enfermés. Les gens pauvres devenaient plus pauvres, le commerce international continuait à être bloqué et les gens se rendent compte quand le pays est mal administré. Maintenant, avec cette guerre provoquée et dirigée par l’OTAN et les États-Unis entre la Russie et l’Ukraine, le problème que nous avons, nous, les pays voisins, c’est le combustible. L’essence, le diesel que nous importons. Le problème des subventions a augmenté. Je suis convaincu en tant qu’ancien président que les subventions exagérées à n’importe quel produit sont un cancer pour notre économie. En 2005, avant que l’investissement soit présidentiel, il était à peine de 600 000 000 de dollars et 70 % étaient à crédit. Dans les quatre dernières années de mon Gouvernement, nous avons programmé plus de 8000 000 000 de dollars d’investissement public. Comment pouvez-vous le croire ? L’année dernière, on a approuvé 4000 000 000 d’investissement et nous continuons à les augmenter. C’est le résultat de notre révolution démocratique et culturelle.
–Il y a quelques jours, le député du MAS Rolando Cuéllar a dénoncé l’apport illégal du trafiquant de drogue argentin José Miguel Farfán au parti en 2014. Que pensez-vous de cette dénonciation ? Pensez-vous qu’il faille enquêter ?
–Je pense qu’on enquête mais j’ai parlé avec le vice-président du MAS, Gerardo Garcia et il n’a jamais signé aucune lettre. Ceux comme Cuéllar, je les appelle traîtres, opportunistes. Essayer de nous lier au trafic de drogue a toujours été le message de la droite. En 2002, on m’a expulsé de la chambre des députés en m’accusant d’être un trafiquant de drogue et un assassin, un terroriste. Ils voulaient me juger, me condamner et m’empêcher de me présenter comme candidat à la présidence sur instructions des États-Unis. Quand j’étais là-bas en 2020, certains fonctionnaires du palais Quemado m’ont dit que le ministre Murillo donnait des instructions pour m’impliquer dans la corruption et le trafic de drogue. Que pouvaient-ils monter ? Et Murillo leur disait : si ce n’est pas lui, au moins, impliquez ses petits amis. Ils ne pouvaient rien nous imputer. La DEA enquête sur nous. Si j’avais été impliqué, pensez-vous que la DEA allait me pardonner ? Les États-Unis allaient -t- ils me pardonner ? Certains frères se prêtent à ce jeu. Cuéllar est un agent de l’empire avec ses diffamations. Et la droite accuse et demande qu’on annule le sigle du MAS. Cette classe d’infiltrés est expulsée de n’importe quel parti. Maintenant, nous sommes en train de commencer l’enregistrement de nouveaux militants. Le MAS–IPSP a enregistré légalement plus d’1 000 000 de nouveaux militants et le second parti, les démocrates, 260 000 militants. D’autre partis en ont au moins de 100 000. Le MAS–IPSP est le mouvement politique le plus important de l’histoire de la Bolivie. Et c’est quelque chose d’unique dans le monde : ce mouvement vient des Quechuas, des Aymaras, des Guaranis. Ceux qui sont menacés d’extermination, les plus méprisés et discriminés. Depuis les années 80, nous, un groupe de dirigeants paysans nous demandons pourquoi nous ne nous gouvernons pas nous-mêmes. Nous aussi, nous avons des droits politiques. Et en 500 ans, nous sommes passés de la résistance à la prison du pouvoir. En 1995, nous fondons notre instrument politique. Les premières années, les Quechuas et les Aymaras ne voulaient pas que des professionnels entrent dans ce mouvement politique, moins encore s’ils étaient avocats. Nous, les dirigeants indigènes, nous sommes experts pour faire des votes de résolution de protestation, nous sommes experts pour faire des cahiers uniques de revendications mais nous ne savons pas faire de décrets, nous ne savons pas faire de lois. Alors, j’ai incorporé les professionnels avec chagrin parce que certains professionnels nous faisaient beaucoup de tort. Moi, ils m’accusaient en permanence d’être un trafiquant de drogue, un terroriste, un assassin. Lors de ma première candidature en 2002, l’ambassadeur des États-Unis, Manuel Rocha, a dit qu’Evo était « le Ben Laden des Andes. » Il disait que si Evo était président il n’allait pas y avoir d’investissements ni de coopération, moi, au lieu de me chagriner, j’ai dit que mon meilleur chef de campagne était l’ambassadeur des États-Unis. En entendant ce message, les dirigeants syndicaux, les militants communistes et socialistes étaient convaincus de voter pour Evo. Alors, cette accusation n’est pas nouvelle, il nous en ont accusé en permanence. Ces dénonciations sont destinées à essayer de nous discréditer, de nous enlever notre image mais le peuple s’en rend compte.
–Vous n’écarte pas l’idée d’être à nouveau candidat à la présidence ?
- Oui, je vais être président de la fédération bolivienne de football (rires). Je pense qu’être l’autorité principale du pays demande beaucoup de force, beaucoup d’énergie et beaucoup de courage. Quand j’ai décidé de nationaliser, il y avait des ministres qui ne voulaient pas nationaliser, ils avaient très peur. Ils me disaient que si je nationalisais les entreprises, ils allaient nous traduire devant le CIADI, devant la Banque Mondiale. Je leur ai dit : s’il veulent porter plainte contre nous qu’ils le fassent sur notre territoire. Nous avons rédigé une lettre pour nous retirer du CIADI. Pour cela, il fallait du courage. Non seulement tu dois garantir la libération politique mais aussi la libération économique. Ceci a été fait, pour cela, nous résistons tant de temps. Pour cela aussi nous rétablissons la démocratie. Pour l’instant, ma responsabilité est de renforcer le MAS, de prendre soin de la révolution démocratique et culturelle, de défendre Lucho président. Nous l’avons déjà dit la direction nationale du MAS–IPSP, dans un an, aura une portée nationale. Ainsi, nous allons asseoir les bases sur lesquelles on va élire des députés, des sénateurs, des candidats à la présidence, à la vice-présidence. Ainsi, nous élisons démocratiquement.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
source en espagnol :
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