Honduras : Le FMI veut-il le pays ?
Par Javier Suazo
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Au Honduras, les batteries sont dirigées contre la présidente élue Xiomara Castro qui a gagné les élections démocratiquement avec plus d’1 700 000 voix. On remet en question le fait qu’elle promeuve un modèle socialiste démocratique soutenu par la participation du peuple et des politiques moins orthodoxes que celles auxquelles les organismes internationaux comme le Fonds Monétaire International (FMI) donnent leur aval. C’est le cas de l’universalité de la santé, de l’éducation, de l’équité de genre, du logement populaire, de la protection de l’environnement et de la revendication des droits de l’homme rognés aux citoyens qui inclut les droits économiques et sociaux.
C’est un Gouvernement qui affronte de forts déséquilibres économiques et financiers à cause des 12 ans du gouvernement du parti national mais en plus qui élargit les brèches sociales qui demandent des actions urgentes. L’augmentation de la dette publique totale (et du paiement du service de la dette) située à 19 000 000 000 de dollars est le principal problème auquel s’ajoute la spirale inflationniste causée majoritairement par l’augmentation des prix à cause de la crise internationale du pétrole, des matières premières et des aliments. et des brèches ou les retards sociaux parmi lesquels se détachent le retard dans la santé, l’éducation, le logement populaire, la production d’aliments, le chômage, le sous-emploi et la pauvreté.
Il y a également des preuves d’une crise des attentes politiques. La première est de respecter les promesses de campagne, ce qui implique d’assigner plus de ressources au budget sans qu’il y ait de garantie d’un impact positif dans la réduction de ces brèches. La seconde est la revendication d’un emploi public pour les militants du parti Liberté et Refondation (LIBRE) dont les institutions affrontent des problèmes de ressources.
Mais le plus visible est la récente déstabilisation de la gestion du Gouvernement stimulée non seulement par le Parti National et la presse mais aussi par des groupes de pouvoirs et des acteurs syndicaux et sociaux qui espèrent que le Gouvernement satisfasse leurs revendications sans considérer le moment de crise d’instabilité économique et sociale qu’affronte le pays. On demande une augmentation du tarif de transport, des terres, l’élimination d’impôts, de nouvelles routes, des emplois publics, des ajustements de salaire et des ressources financières et on demande aussi le renvoi des fonctionnaires publics qui ne satisfont pas les demandes dans le temps imparti.
L’idée que l’unique « sauveur » qui existe et peut résoudre la crise financière et les problèmes collatéraux est le FMI car c’est le « gendarme » de la banque internationale (privée et multilatérale), du groupe des pays les plus développés et des groupes de pouvoirs extérieurs et intérieurs a été mise à la mode par des Gouvernements de droite et même pas certains Gouvernements de gauche de couleur. En plus de l’accès aux ressources de la banque multilatérale et privée dans de meilleures conditions que les conditions actuelles, il introduit des conditions et des défis que le Gouvernement doit remplir comme la réduction du déficit fiscal, le contrôle de la dette publique, la réduction de l’inflation, une meilleure croissance du PIB, la flexibilité du change, le contrôle des valeurs ajoutées monétaires et l’augmentation du taux de politique monétaire (TPM) avec une banque centrale plus indépendante des décisions politiques.
À deux mois de l’investiture de la présidente Xiomara Castro, une mission du FMI s’est rendue dans le pays entre le 27 et le 29 avril. Dans le communiqué divulgué, la mission a partagé le diagnostic présenté par les autorités du Gouvernement concernant la nécessité de protéger la population la plus vulnérable et en situation de pauvreté, de combattre la migration vers les États-Unis, d’améliorer la gestion publique, les institutions, la transparence et les investissements. Ce qui a été vu par les deux parties comme un premier rapprochement pour asseoir les bases d’un accord futur.
Selon le communiqué, « La croissance économique au Honduras atteint 12,5 % en 2021 stimulée par de forts envois d’argent de l’étranger qui ont soutenu la consommation privée et par la solide demande extérieure stimulée par le rétablissement des États-Unis. Après être restée au rang de référence de la banque centrale entre 3% et 5 % pendant la majeure partie de 2021, l’inflation a dépassé la limite supérieure en décembre et s’est approchée des 7% inter-annuels fin mars, ce qui reflète dans une grande mesure des facteurs du côté de l’offre et certaines pressions de la demande qui découlent des solides envois d’argent de l’étranger et de l’augmentation de la dépense publique. »
Le COVID-19, ETA IOTA, ont augmenté la vulnérabilité, la pauvreté et la migration mais l’inflation dont la réduction est l’un des objectifs politiques des accords de prêt est aussi la première priorité de la politique monétaire de la Banque Centrale, s’est également développée à cause du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Une autre réunion avec le FMI a eu lieu à Washington, dirigée par la ministre du SEFIN, Ricci Moncada, pour expliquer les mesures prises concernant les problèmes économiques soi-disant mal vus par l’Empire et les patrons locaux qui sont devenus nerveux à cause de « l’abrogation » ( il manque sa ratification) des zones d’emploi et de développement (ZEDE), détournées sous le Gouvernement de JOH si on les compare à la proposition du prix Nobel d’économie Paul Romer et à cause des réformes de la loi énergétique dans laquelle l’entreprise d’énergie électrique (ENE) n’a plus de participation, l’une des mesures de politique auxquelles le FMI avait donné son aval sous le Gouvernement de JOH. S’y ajoute l’éventuelle élimination (appelez cela régulation) des exonérations fiscales qui atteignent plus de 37 000 000 000 de lempiras par an et pourraient servir à aider ceux qui n’ont pas de quoi manger.
Une autre visite de personnalités du FMI au Honduras s’est terminée récemment (du 20 au 24 juin 2022). Dans une conférence de presse, la chef de mission, Madame Wong, a souligné que les priorités sont : réduire la pauvreté (depuis quand?, protéger et sauver les démunis et les vulnérables, combattre les corrompus en débandade vers le Nicaragua ( Les mauvaises langues disent que la Chayo1 touche 1 000 000 d’entrées ) et une meilleure gestion fiscale (licencier des employés publics, privatiser et réduire les dépenses d’investissement public).
Une recommandation qui découle d’autres expériences latino-américaines qu’on a à l’esprit est celle qui dit : il vaut mieux être avec le FMI que contre lui. Le président de la Bolivie « Lucho » Arce a dit autre chose : « Messieurs du FMI, nous allons bien, nous n’avons pas besoin de vos prêts ni de vos recettes pour les moment. » C’est une approche graduelle en politique économique ou si ce sont des mesures de politique qui peuvent prendre du temps, cela implique un processus d’ajustement économique calibré concernant les mesures de politique à exécuter.
À notre avis, le FMI veut l’accord avec le Honduras avant décembre comme à la fin de la première année du gouvernement de « Pepe» Lobo. Ce désir est partagé par la ministre du SEFIN, Ricci Moncada, impressionnée par le langage et l’amabilité des fonctionnaires de cet organisme. Une lecture contraire est celle qui dit que le FMI n’est pas intéressé par la signature d’un accord en 2022 puisque le Gouvernement a donné des preuves qu’il allait contre les lois approuvées par JOH, son principal allié, comme par exemple la non participation de la ENEE. Mais ils savent qu’il vaut mieux tôt que tard dans une situation économique instable où le dogme monétaire est peut-être la seule solution pour contrôler l’inflation bien qu’il augmente le chômage et la pauvreté.
À l’intérêt interne du FMI, c’est-à-dire que le Gouvernement de Xiomara Castro paie ponctuellement ses dettes, s’ajoute la politique du Gouvernement des États-Unis destinée à soutenir le pays dans les problèmes migratoires, la lutte contre le trafic de drogue et le contrôle militaire des frontières avec le Salvador et le Nicaragua. Le Honduras est la clé de cette politique et est vu comme la clé de contrôle de la région au-delà du discours du Gouvernement sur la validité d’un modèle socialiste démocratique.
Viktor Méza dirait que le Honduras est la pièce clé de la politique contre les insurrections des États-Unis dans la région de l’Amérique centrale.
Il est important que le Gouvernement et ses autorités fiscales et monétaires définissent dès à présent les conditions d’un éventuel accord, au moins ce qui n’est pas négociable. Le FMI recommandera une Banque Centrale plus indépendante, la flexibilité du change, le contrôle des moyens de paiement et la réduction de la dépense publique ajoutés à la « résolution » définitive du problème de l’ENEE, l’élimination des exonérations fiscales et la protection de la propriété privée bien que dans les champs on respire des relents d’oisiveté.
Le Gouvernement n’a pas encore formé et installé le système national de planification économique et social ni les tables du pouvoir populaire, c’est pourquoi il faut qu’il donne plus de soutien au ministère de la planification stratégique. Cela doit se faire avant la signature de l’accord avec le FMI. Cet organisme et ses employés ne croient pas à la planification ni à ce qu’ils appellent le pouvoir populaire.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
NOTE de la traductrice:
1Rosario Murillo, la femme de Daniel Ortga.
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/06/28/honduras-el-fmi-quiere-al-pais/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/07/honduras-le-fmi-veut-il-le-pays.html