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Chili : Comprendre les résultats du référendum

7 Septembre 2022, 16:15pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

 

Avec un record de participation, l'option « je rejette » a gagné avec 61,8 % des voix contre 38,1 % pour l'option « j'approuve » au plébiscite de dimanche.

 

Le Chili vit un scénario de terre dévastée. Après l'écrasante victoire du « non » au plébiscite constitutionnel, le pays est devenu le premier de l’histoire mondiale à rejeter une proposition de Constitution rédigée par un organisme élu par le vote populaire. Avec presque 80 % de participation, l'option « rejeter » a gagné avec 61,8 % des voix, ce qui équivaut à 7 800 000 voix face aux 38,1% de l'option « j'approuve » au référendum de dimanche dernier.

 

Alors que le « non » a triomphé dans tous les états et dans 338 districts chiliens, le « oui » a été majoritaire dans seulement 8 communes.

 

La coordination de la campagne «Aprovo Dignidade» a défendu la création d'une nouvelle circonscription. « Nous acceptons le résultat et son contenu. En tant que pays, nous méritons d'avoir une nouvelle Constitution qui contienne le sentiment de du peuple chilien, » a-t-elle déclaré peu après la publication des résultats.

 

Pour l’internationaliste Andiara Valloni, le conservatisme dur continua être la tendance de la société chilienne. « Clairement, la société n'était pas préparé à cette proposition. Le Chili vit une crise d'identité, une crise politique en plus de la crise économique qui affecte tous les pays. » a-t-elle dit à Brasil de Fato.

 

Dans ses premières déclarations après le dépouillement, le président Gabriel Boric a célébré la participation historique de l'électorat et appelé les dirigeants du Congrès, y compris de l'opposition, à discuter des prochaines étapes du processus constituant.

 

« Cette décision des Chiliens exige que les institutions et les acteurs politiques travaillent avec plus d'engagement, de dialogue, de respect et de tendresse pour obtenir une proposition que tout le monde puisse comprendre, qui nous donne confiance, qui nous unisse en tant que pays. » a-t-il affirmé.

 

« Malgré les légitimes différences, je sais que la volonté de dialogue et de rencontre prévaut. Nous continuons et nous avançons, » a écrit Boric sur son compte Twitter.

 

Les secteurs de droite, regroupés dans la plate-forme «Chile Vamos» ont refusé d'assister à la réunion organisée par le président au palais de la Moneda mais se sont engagés à poursuivre le processus. Avant le référendum, l'une des propositions de la droite était que la nouvelle Constitution soit rédigée par un comité d'experts ou une commission parlementaire pour «raccourcir et améliorer le processus. »

 

L'ancien candidat à la présidence José Antonio Kast (parti républicain), représentant de l'extrême droite chilienne, a célébré le résultat : « Des millions de Chiliens ont fermé la porte à ce processus qu'on voulait nous imposer et qui a échoué. »

 

Le Gouvernement, pour sa part, face aux prédictions des sondages d'opinion sur une possible victoire du « je rejette » au référendum, a défendu l'élection d'une nouvelle Constituante pour rédiger une autre Constitution. Maintenant, le président parle de rencontrer les chefs des trois pouvoirs, des partis et des représentants de la société civile pour recueillir les propositions et définir la voie à suivre pour que le pays abandonne l'actuel Constitution promulguée en 1980 sous la dictature d’Augusto Pinochet.

 

« Le Gouvernement fera pression pour une composition plus équilibrée. Évidemment, la droite sort renforcée de ce processus mais elle n'a pas su capitaliser les revendications populaires, elle a seulement réussi à vaincre le rejet, « » analyse Sabrina Aquino, historienne et membres de Social Convergencia, un parti au Gouvernement.

 

Les raisons du « rejet»

 

La campagne de désinformation a été l'une des clés pour comprendre le changement d'opinion concernant un processus qui a débuté grâce à un plébiscite avec 78 % d'approbation en 2020. Le référendum a rendu légitime avec environ 5 800 000 voix la rédaction d'une nouvelle Constitution qui serait formulée par une Convention Constituante élue avec la parité de genres. Maintenant, en 2022, la campagne du « rejet » a gagné avec 68 % des voix mais avec 2 000 000 de voix de plus par rapport au premier référendum qui a donné lieu au début du processus.

 

« Il existe aussi un processus de dépolitisation, de crise de la représentation qui est liée à ce processus constitutionnel. La gauche chilienne n'a pas su combattre ni prédire les fausses informations. Il est très difficile de combattre les posvérités installées à partir de la peur, quelque chose de viscéral n'est pas rationnel. En ce sens, il a manqué une éducation civique plus profonde, » a commenté Aquino.

 

Un autre facteur serait l'affaiblissement du référendum la semaine précédant les élections avec des déclarations aussi bien du Gouvernement que de l’opposition sur l'engagement de poursuivre le processus constituant indépendamment des résultats des urnes. Alors que le Gouvernement  plaidait pour « approuver le fait de réformer » la Constitution, l'opposition de droite a défendu une autre rédaction : elle voulait que soit déclaré un Etat multiculturel au lieu d’un Etat plurinational, que le Sénat soit maintenu tel qu'il est aujourd'hui et qu’elle soit préparée par des « experts. »

 

Parmi les 155 députés élus à la dernière Convention Constituante, 47 étaient indépendants et 37 appartenaient à des partis progressistes alors que la droite n'avait que 25 sièges.

 

Pour Aquino, le fait que le vote obligatoire, suspendu depuis 2012, ait été rétabli pour le référendum a aussi favorisé la victoire du « non». « Le vote obligatoire a l'obligé à y participer des gens qui n'avaient jamais voté. Il est plus facile de dire « non » »

 

Remaniement ministériel

 

Le président Boric a aussi annoncé, dimanche soir, qu'il réaliserait un remaniement de son cabinet ministériel en remplaçant la ministre de l’intérieur Iskia Siches et le secrétaire général de la présidence Giorgio Jackson. Tous deux sont des amis personnels du chef de l'État et ont été coordinateurs de sa campagne présidentielle.

 

Actuellement, 25 ministres font partie de la coalition «Aprovo Dignidade» créée au moment de l'appel au plébiscite pour engager le processus constituant, en 2020. Maintenant, mais une des possibilités est que les ministères vacants soient destinés à la coalition Socialisme Démocratique avec des organisations qui ont gouverné le pays durant ce qu'on appelle la Concertation (1990–2010), au  Parti pour la Démocratie (PPD) et lau Parti Socialiste de l'ancienne présidente Michel Bachelet qui occupent actuellement 4 ministères.

 

« Je n'ai aucun doute sur le fait que les changements dans le cabinet visent la conciliation. Je pense qu'il continuera à être un Gouvernement de gauche mais qu’il doit chercher à améliorer le dialogue avec les partis de centre-gauche, » analyse l’internationaliste  Andiara Valloni.

 

Boric a été l'un de 11 représentants des partis de centre-gauche et de centre-droite qui ont signé avec le Gouvernement de Sebastián Piñera en 2019 l'accord de paix qui  a mis fin aux manifestations populaires et a ouvert la voie au premier plébiscite constitutionnel et à la campagne en faveur de la nouvelle Constitution.

 

La défaite de dimanche est considérée par la droite et par les médias comme une défaite du nouveau Gouvernement.

 

« N'en doutez pas, cette défaite est une énorme défaite pour le Gouvernement de Boric , » a écrit l'opposant José Antonio Kast sur Twitter.

 

Les voix du « j'approuve » sont proches du résultat du deuxième tour des élections présidentielles. En décembre 2021, Gabriel Boric a obtenu s 4 500 000 voix aux élections présidentielles. L'option du « oui » a obtenu 4 800 000 voix au référendum de dimanche dernier.

 

Le président chilien semble avoir accepté les critiques et, dans son premier discours, a conseillé aux partisans du processus constituant de faire une « autocritique » et de recevoir« avec humilité » le résultat écrasant des urnes.

 

« J'accepte le message avec humilité et je sais qu'il faut écouter la voix du peuple. Pas seulement aujourd'hui mais à propos de tout ce que nous avons vécu ces dernières années. Nous n'oublions pas comment nous sommes arrivés ici, le mal-être continue d'être latent  et nous ne pouvons pas l’ignorer. »

 

Pour l'historienne Sabrina Aquino, ce moment exige l'unité de toute la gauche chilienne pour que le processus constituant avance et que le Gouvernement ait la stabilité pour gouverner. « La lecture des forces qui sont avec Boric est de défendre le Gouvernement qui est sous de constantes attaques de la droite, un secteur organisé au niveau international. Il faut avoir une vision globale de ce qui se passe au Chili localement et internationalement, » a-t-elle conclu.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/09/06/538412/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/09/chili-comprendre-les-resultats-du-referendum.html