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Brésil : L'énigme Lula

21 Février 2023, 17:37pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Emir Sader

 

Dans mon livre « El Nuevo Topo. Los Caminos de la Izquierda Latinoamericana », il y a un chapitre intitulé « l'énigme Lula », parce que comprendre cette figure n'est pas simple.

 

La droite et l'extrême gauche n’ont pas déchiffré la devinette et ont été dévoré par lui. Toutes deux sous-estiment ce que représente Lula et  ne comprennent pas la signification de l'ère néolibérale ni comment lutter contre elle. Le néolibéralisme a essayé d'imposer de fausses dichotomies, des pièges pour la gauche. Parce qu'il s'agit de démonter de fausses dichotomies. L'accepter, c'est accepter la polarisation inflation/ajustement fiscal ou Etat/société civile.

 

L'ère néolibéral à représenté une nouvelle période historique due aux profondes transformations introduites pendant les dernières décennies du siècle dernier. Il n'est pas possible de la comprendre sans comprendre les nouvelles formes de lutte politique. On est passé d'une période marquée par la polarisation entre deux superpuissances à une autre d’hégémonie d'une seule grande superpuissance, une transformation qui a eu de profondes conséquences. On est passé d'un long cycle d’expansion du capitalisme, que Hobsbawn a qualifié « d'âge d'or du capitalisme » à un long cycle de récession encore en vigueur et sans horizon final. Et on est passée de l'hégémonie d'un modèle de bien-être social dans lequel l’Etat assumait, dans une plus ou moins grande mesure, des responsabilités concernant les droits des personnes à un modèle libéral de marché, de lutte de tous contre tous, face à un Etat réduit à sa plus simple expression.

 

L’ensemble de ces transformations régressive a eu comme le principal victime l'Amérique latine à cause de trois phénomènes principaux : premièrement, la crise de la dette, de la fin des années 70, au début des années 80 qui a mis fin à la période de plus important développement économique de la région ; deuxièmement, les dictature militaires dans certains des pays politiquement les plus importants du continent : le Brésil, l'Uruguay, le Chili et l'Argentine, qui ont affecté la capacité de lutte des mouvements populaires. Troisièmement, les Gouvernements néo-libéraux : l'Amérique latine a été la région qui en a eu le plus et dans leurs modalités les plus radicales.

 

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Ainsi, l'Amérique latine a été aussi la seule région dans laquelle ont surgi des Gouvernement anti-néo-libéraux mis en place par des forces qui ont su comprendre la nature du néolibéralisme et construire des Gouvernements qui ont avancé dans son dépassement.

 

Le néolibéralisme est arrivé avec la fin du camp socialiste et la critique radicale du rôle de l'État et dessus règles. Le panorama de la gauche a complètement changé dans le monde : la social-démocratie a adhéré au néolibéralisme. Et les partis communistes ont pratiquement disparu ou sont devenus inconséquents,  avec les courants trotskistes.

 

La gauche du XXIe siècle est devenu la gauche des forces anti-néolibérales ou post-néolibérales dont les dirigeants ont été Hugo Chávez, Lula, Nestor et Cristina Kirchner, Pépé, Mujica, Evo Morales et Rafael Correa.

 

Lula a parfaitement compris la nature du néolibéralisme et même la façon dont il avait réussi à s'imposer sous prétexte de combattre l'inflation. Lula à su incorporer ce phénomène en comprenant que l'inflation est un impôt sur les salaires des travailleurs, mais déjà plus un objet central et une fin en soi mais un instrument destiné à changer la priorité fondamentale du Gouvernement et à mettre en place des politiques sociales et lutter contre les inégalités.

 

La droite a tenté de dévorer les dirigeants populaires. Elle pensait qu'il était impossible de concilier croissance économique, distribution du revenu et contrôle de l'inflation. Elle a essayé de discréditer Lula et d'autres dirigeants de gauche en les accusant de corruption et de populisme. Ainsi, l'extrême gauche assurait que le Parti des Travailleurs « avait trahi » la classe ouvrière et allait échouer. Aucune de ces prédictions ne s'est réalisée.

 

La droite a dû comprendre que le succès des politiques sociales du Gouvernement de Lula a obtenu un large soutien du peuple et l'extrême gauche ne s'est pas résignée à avouer que ce Gouvernement avait servi des intérêts fondamentaux de la classe ouvrière, jouissait du plus large soutien populaire et que le Gouvernement de Lula a été le meilleur de l'histoire du Brésil.

 

D'une certaine manière, il y a aussi aujourd'hui des gens qui ne comprennent pas la stratégie de Lula. Ce sont ceux qui n'ont pas compris que l'hégémonie de la gauche a été obtenue grâce au programme anti-néolibéral qui donnait la priorité aux politiques sociales, à l'intégration régionale et aux échanges Sud–Sud, et au rétablissement du rôle actif de l'État et à la construction d'un front large qui a dépassé l'isolement de la gauche au niveau politique. Ce sont ceux qui, bien que certains aient soutenu, le gouvernement de Fernando Enrique Cardoso, considèrent que tout alliance politique qui va au-delà du cadre de gauche est une « conciliation ». Comme si, à un certain endroit, il y avait un Gouvernement de gauche qui n'ait pas organisé un cadre d'alliances plus larges. Il n'y a jamais eu un Gouvernement de « classe contre classe » comme  semblent le dire ceux-ci.

 

Parce qu’ils ont une vision pré-gramscienne, ils ne comprennent pas que l'essentiel c'est de faire ou de ne pas faire des alliances. Le pouvoir dépaend de qui a l'hégémonie dans ces alliances. Lula, par exemple, a achevé son mandat avec 87 % de soutien malgré les 80 % de références négatives dans les médias et à représenté l'apogée de l'hégémonie de la gauche dans le pays. Quand cela arrive, les secteurs secondaires du bloc de pouvoir dans le Gouvernement ont un poids secondaire tandis que la gauche impose ses objectifs fondamentaux.

 

Certains secteurs ont commencé à se sentir troublés par la stratégie utilisée par Lula pour vaincre le coup d'Etat et faire triompher à nouveau un Gouvernement anti-néolibéral. Ils ne se rendent pas compte que seule, la gauche serait isolée et serai à nouveau vaincue.

 

Aujourd'hui, la polarisation essentielle se trouve entre le rétablissement du projet de développement avec distribution du revenu représenté par Lula et la préservation du modèle néolibéral, objectif fondamental du coup d'Etat. Pour vaincre les forces putschistes qui, même si elles ont un très faible soutien social, ont le pouvoir des médias, du Pouvoir Judiciaire et celui du Congrès, il faut avoir des alliés qui dépassent le camp populaire. C'est pourquoi Lula propose un front en large qui inclurait tous ceux qui, d'une certaine manière, s'opposent à Bolsonaro. Le Gouvernement du Parti des Travailleurs compte sur sa direction pour vaincre la droite. Ce sont de grands objectifs mais indispensables pour sauver la démocratie et les conditions de gouvernabilité, pour reprendre le modèle victorieux dans les Gouvernements du Parti des Travailleurs.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/02/19/brasil-el-enigma-lula/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/02/bresil-l-enigme-lula.html