Pérou : Pedro Castillo, président du Pérou, arrêté en flagrant délit ?
Par Guido Croxatto et Wilfredo Robles Rivera,.
L'arrestation du président José Pedro Castillo, le 7 décembre dernier et les mesures coercitives postérieures prises contre lui ont été justifiées sous le prétexte que le président avait été arrêté « en flagrant délit ». Cette soi-disant configuration relative au procès a servi aussi à ne pas observer les protocoles légaux et à déclarer la vacances de la présidence, a oublier le procès politique préalable et les autres procédures judiciaires qui, du coup, deviennent sans objet.
La Constitution politique du Pérou, dans son article 2, incise 24.f établit comme règle que « personne ne peut être arrêté » et, comme exception à cette règle (non observée dangereusement dans toute la région, et donnant aux magistrats une large marge pour agir arbitrairement en punissant avec des peines de prison préventive sans condamnation qui inverse dans les faits la charge de la preuve, en violant le droit à un procès correct, le principe d'innocence et le droit à la défense dans le procès) qui ne peut survenir que pour un ordre judiciaire suffisamment argumenté ou de la part les autorités policières quand celle-ci observent un « cas de flagrant délit. » Ainsi, même le code de procédure pénale dans son article 259 établit quatre présupposés pour ce type d'arrestations qui, aux modalités classiques de flagrant délit, ajoutent un délai exagéré de 24 heures entre le fait délictueux et l'intervention contre l'auteur présumé, une modification qui a été critiquée même par la cour suprême.
Ainsi, les arrestations en flagrant délit impliquent nécessairement que l'agent doit être surpris au moment de la commission du délit ou immédiatement après l'avoir commis ou, parce qu'il est surpris en possession des effets ou de matériel impliqués dans la commission du délit et sont toujours liées à la perception sensorielle de celui qui arrête l'auteur présumé du fait. Mais, dans le cas du président Pedro Castillo, on introduit une étrange et non prévue forme de flagrant délit que nous allons appeler « flagrant délit par ordre supérieur » car c'est le premier qui survient, si nous tenons compte de la description faite, à propos de ce cas, dans la résolution qui a imposé la prison préventive : « José Pedro Castillo Terrones ayant déjà été destitué, le colonel PNP, Walter Bryan Erick Ramos Gómez (chef de la division de sécurité de la présidence), a reçu un appel téléphonique du Général PNP Ivan Lizzetti Salazar (Directeur de la sécurité de l'État), lui disant que sur ordre, il arrête José, Pedro Castillo Terrones parce qu'il se trouve en flagrant délit. »
Les faits ainsi décrits, on vérifie que, pour l'arrestation du président du Pérou, un ordre supérieur a été donné, ce qui disqualifie la procédure de flagrant délit, car cette catégorie, par sa configuration typique, implique l'immédiateté et la sensorialité d'un fait évidant : cette procédure se caractérise par la preuve sensorielle.
Nous pensons que derrière l'utilisation de cette forme atypique de flagrant délit, on cherche à mettre en œuvre une consigne politique de vengeance. Il est de notoriété publique que dans le cas de Monsieur Castillo Terrones, non seulement on l'a arrêté pour un fait atypique et par conséquent qui manque d'importance pénale pour lequel il ne pourrait exister, aucune sorte de flagrant délit, mais qu'il n'y a pas non plus de flagrant délit, parce que ceux qui l’ont détecté n'ont pas agi sur la base de leur perception sensorielle, mais sur « des ordres supérieurs » (et l'image de Keiko Fujimori avec Dina Boluarte et le blocus médiatique autour des dizaines de morts que vit le Pérou, produit par un Gouvernement illégitime ne font qu'aggraver ces soupçons), ce qui à son tour reflète la matérialisation d'une consigne politique qui se concrétise en plan putschiste pour chasser le premier président andin d'origine paysanne.
Il est important de remarquer que les morts n'ont commencé qu’après le coup d'Etat contre Castillo et sont le produit de celui-ci : pour ce maintenir au pouvoir, le régime de Boluarte qui négocie déjà avec le fujimorisme alors qu'on viole toutes les garanties d'un procès correct à Castillo et qu'on réduit son droit à la défense, en faisant obstacle, et en rendant plus difficile même le travail de ses avocats, a déjà assassiné, plus de 60 Péruviens en réquisitionnant et en arrêtant de façon illégale (« préventive ») des dizaines d'étudiants à Lima ou à Ayacucho. La CELAC ne peut continuer à garder le silence. L'image des chars entrant par la porte 3 de l'université de San Marcos est l'image d'une dictature, pas d'une démocratie. Les étudiants ont été menottés au sol.
Il est curieux que Fujimori soit emprisonné à Barbadillo pour des crimes contre l'humanité mais que le Gouvernement de Dina Boluarte continue à appliquer encore aujourd'hui ses lois antiterroristes pour assassiner et arrêter des gens. Ces lois sont anticonstitutionnelles mais les médias et l’OEA ne disent rien à ce sujet.
Personne ne se fait non plus l’écho de l'histoire qui se cache derrière l'absolution de la sœur de la procureur de la Nation, Patricia Benavides, actionnaire d'entreprises minières, qui a remplacé le procureur qui enquêtait sur sa sœur, une juge liée au trafic de drogue, dans une affaire qui avait été dénoncée par Castillo lui-même.
Guido Croxatto (UBA) et Wilfredo Robles Rivera (USMS) sont les avocats de Pedro Castillo.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
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