Pérou. Dictature : Des rapports sur les massacres du Gouvernement putschiste transmis à des députés argentins
Le député national Alejandro Vilca et la députée de la ville de Buenos Aires Alejandrina Barry - fille de disparus de la dernière dictature civile et militaire d'Argentine - ont reçu au Pérou des rapports élaborés par la Fédération universitaire de San Marcos (FUSM) et par la coordinatrice nationale des droits de l'homme, sur les crimes commis par la police et l'armée sous les ordres su Gouvernement putschiste de Dina Boluarte.
Ces rapports contiennent des données - jusqu'à la fin du mois de janvier - sur la violence institutionnelle et les meurtres commis depuis le coup d'État parlementaire qui a mis Boluarte à la présidence.
Dans chacune des réunions tenues par les députés du Front de gauche et des Travailleurs Unité (Vilca et Barry sont des référents du Parti des travailleurs socialistes d'Argentine, parti membre de la Fraction Trotskiste-Quatrième Internationale-) avec des étudiants de la Fédération Universitaire de San Marcos et avec la Coordinatrice des Droits de l'Homme du Pérou, ils ont été informés des données que les deux organismes ont pu recueillir sur la brutalité criminelle des forces de répression depuis que le 7 décembre de l'année dernière a commencé la lutte des travailleurs, des paysans et des peuples originaires à laquelle elle se sont le joint les étudiant contre le Gouvernement illégitime de Boluarte.
La FUSM affirme que « l’intention de ce rapport est de faire savoir que les violations signalées font partie d’une conduite systématique de l’État qui affecte le droit non seulement des étudiants de l’Université nationale de San Marcos, mais aussi de tous les défenseurs des droits de l’homme et des personnes provenant de secteurs populaires, dissidents de la Constitution de 1993 et du Gouvernement de fait de Dina Boluarte. »
Dans la rubrique « La communauté étudiante de l'Université nationale de San Marcos en tant que victime de violence de l'État », elle rappelle que « Le 21 janvier dernier, l'Université nationale de San Marcos a fait l'objet d'une intervention policière arbitraire. »
C'est le jour où la police, grâce à un petit char, a brisé des portes et est entré dans l’université pour réprimer les étudiants et les les délégations de manifestants de diverses régions du pays qui s’étaient rendus à Lima. Une scène qui a rappelé les dictatures militaires de la région des années 70 comme celle de l'Argentine, où les parents d'Alejandrina Barry ont disparu.
Le rapport continue de détailler les crimes du Gouvernement de Boluarte : « à la date d'élaboration de ce rapport, le défenseur du Peuple du Pérou a signalé 46 civils morts dans des affrontements. Ces assassinats étaient dus à un impact de balle sur les organes vitaux et à plus d'une balle, les zones les plus touchées étant le thorax et l'abdomen, pour ne citer que quelques-unes de nos proches : Sonia Aguilar (35), membre des rondes paysannes, qui a reçu une balle dans la tête, Salomón Valenzuela (30) un impact de balle dans la thorax, Atoche Bekam Romario Quispe Garfias (18), David Arequipa Quispe (15), Jhamileth Aroquipa Hancco (17), Clemer Rojas García (22), un impact sur le thorax, le biologiste et interne en médecine Marco Antonio Samillán Sanga (29) sur qui ils ont tiré alors qu'il soignait les blessés, Gabriel Lopez Amanqui (35). En outre, parmi les victimes se trouvaient des mineurs. Seulement à Juliaca, pour le 09 janvier 2023, le Réseau de Santé de San Roman a signalé 112 blessés et 17 morts. »
Face aux actions des médias qui se placent du côté des intérêts des grands patrons, des intérêts défendus par la droite putschiste et son Gouvernement, ils affirment : « La campagne de diffamation et les discours de haine émis par la presse nationale afin de diviser le pays sont une atteinte à la liberté d'opinion et d'expression vécue par les étudiants de l'UNMSM, qui les stigmatise. Pendant ce temps, les médias continuent d'émettre des informations non vérifiées, de diffamer et de servir des intérêts patronaux.
Pour sa part, en ce qui concerne la campagne de diffamation, la police nationale du Pérou est responsable des fausses accusations et de leur diffusion dans les médias. » Encore une fois les actions de la presse dans les dictatures sont les mêmes. Alejandrina Barry elle-même, à peine 3 ans, a fait l'objet d'une campagne médiatique de propagande en faveur de l'armée, qui mentait sur ses parents.
Rapport de la coordinatrice des droits de l’homme
Le rapport, rédigé au 21 janvier, intitulé « 50 jours de répression au Pérou : violations des droits de l’homme pendant les mobilisations » confirme que « Comme principales pratiques de violations, nous avons identifié les suivantes : l’usage arbitraire de la force, entraînant 46 exécutions extrajudiciaires et 912 civils blessés. L'utilisation de munitions interdites pour le contrôle des foules, telles que celle des plombs de chasse, y compris le calibre 00, des billes de verre et des balles. L'utilisation de fusils automatiques, y compris les fusils AKM dans le cas de la PNP et les fusils GALIL dans le cas de l’armée inquiète particulièrement. Utilisation de bombes lacrymogènes lancées directement sur le corps des manifestants (...) »
Il poursuit : « La répression du cortège funèbre de deux des jeunes tués dans la région d'Andahuaylas le 12/12/22 a provoqué une indignation particulière. Les participants ont été gazés malgré le caractère pacifique de la réunion et le grand nombre de mineurs, des camarades des jeunes décédés. Le lancement de bombes lacrymogènes à partir d'hélicoptères a même été enregistré à Ayacucho le 15/12/22 et à Juliaca le 09/01/23, renforçant leur létalité et leurs impacts aveugles sur la population. Un groupe de 8 personnes arrêtées à Andahuaylas le 12/12/22 a été brutalement battu pendant sa détention. Il a également été exposé à un froid extrême sans manteau et privé de nourriture. »
En ce qui concerne l'intervention de l'armée, la coordinatrice des droits de l'homme déclare : « L'habilitation des forces armées à intervenir dans le contrôle de l'ordre interne et de la société augmente le risque de violations des droits de l'homme. L'armée a été responsable du massacre perpétré à Ayacucho le 15 décembre 2022. L’armée a aussi été déployée ailleurs dans le pays, y compris dans la capitale. »
Sur l'invention de preuves contre des manifestants : « Selon le parquet lui-même, à Pichanaki (Chanchamayo, Junín), un militant a été arrêté par la police à la fin d'une mobilisation et transféré au commissariat où, pour l'incriminer, on lui a mis de la drogue et on l’a dénoncé pour trafic de stupéfiants. À Lima, la police a essayé de présenter comme preuves contre des paysans logés dans les locaux de la Confédération paysanne du Pérou, des machettes neuves qui portaient encore les étiquettes du supermarché d'origine. »
En ce qui concerne la violation du droit démocratique élémentaire à la défense, le rapport est clair : « De façon récurrente, les avocats qui se rendent dans les services de police subissent de mauvais traitements et des obstacles à l'exercice de leur travail. Même le 21/01/23, certains avocats ont été poussés et sont tombés. Plusieurs médias ont publié des images et même celles des maisons des défenseurs des droits de l'homme, les exposant à des agressions directes. Des messages menaçants ont été reçus sur cinq lignes d'assistance juridique du mouvement des droits de l'homme, ainsi que des scratches de groupes d'extrême droite dans trois locaux institutionnels. Les membres du Collectif 14N, qui fournissent des premiers secours et documentent les violations des droits de l'homme pendant les mobilisations, ont été présentés par un média comme des membres d'une organisation criminelle et la police a enquêté sur eux. »
La même ligne est adoptée par le bureau du procureur national : « Le nouveau procureur de la nation a réduit les procureurs des droits de l'homme de 12 à 7, réduisant considérablement le personnel et les ressources logistiques alloués aux enquêtes sur les graves violations des droits de l'homme perpétrées pendant les mobilisations. Dans le même temps, en décidant que ce soient les procureurs du crime organisé qui assument initialement les enquêtes, on fait obstacle à la conduite initiale des procédures conforme aux normes des droits de l'homme et une forte méfiance est générée chez les victimes et les témoins, car ce sont les mêmes qui enquêtent initialement sur les manifestants détenus. Cela a fait que les victimes du massacre de Juliaca ont refusé, initialement, de témoigner, ou de signer leurs déclarations. »
Enfin, le rapport parle de « Violation des droits des peuples autochtones et de discrimination » : « Des obstacles ont été enregistrés pour l’accès au droit d’avoir un interprète et donc au droit à la justice. Les expressions vexatoires et la violence inutile déployée contre les femmes et les hommes paysans lors de l'intervention à l'UNMSM mettent en évidence une profonde charge raciste et sexiste dans l'action des forces de l'ordre. »
Dans le rapport hebdomadaire du 6 au 12 février, la coordinatrice a déclaré : « Le 8/02, des images de la façon dont Víctor Santiesteban a été assassiné à Lima lors des manifestations du 28 janvier ont été dévoilées. Ces images montrent des manifestants poursuivis et acculés et l'effondrement de la victime suite au tir d'une bombe lacrymogène qui frappe à l’arrière de la tête, à droite, provoquant une contusion et une lacération cérébrale, une fracture du crâne et un traumatisme crânien grave. Le tir a été exécuté de manière droite et non parabolique comme l'exige l'utilisation réglementaire de ce type d'armes. Le 9/02, une forte répression a eu lieu à Juliaca, dans le département de Puno, qui a fait 23 blessés, dont une fille de 11 ans, dont 4 ont été blessés par un projectile d'arme à feu. »
Ces plaintes de la Fédération des étudiants et de la coordinatrice des droits de l'homme, documentées avec des dates et des noms, reflètent fidèlement le régime dictatorial auquel sont confrontés dans les rues les travailleurs, les paysans et des peuples autochtones.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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