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Mexique: Le plan républicain contre les cartels met en danger la souveraineté du pays

14 Mars 2023, 19:01pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Deborah Martinez

 

Plusieurs politiciens ont demandé à Washington de déployer l'armée dans le pays voisin, notamment après l'enlèvement de quatre de ses citoyens.

 

Depuis que Donald Trump, en 2019, a suggéré l'intervention des forces armées étasuniennes au Mexique pour aider le pays à combattre les cartels de la drogue, l'initiative a fait des adeptes au sein du parti républicain, malgré le rejet permanent du Gouvernement d'Andrés Manuel López Obrador.

 

La proposition a pris une grande importance ces derniers jours, après l'enlèvement de quatre Etasuniens dans la ville de Matamoros, au nord du Mexique, qui a entraîné la mort de trois personnes, dont deux des États-Unis.

 

Mais alors que les républicains continuent d'insister pour mener cette politique qu'ils défendent comme un recours pour défendre la sécurité nationale, López Obrador prévient que, si elle était mise en œuvre, elle violerait la souveraineté de son pays et les statuts du droit international.

 

« Ce n'est pas de nous contre vous [López Obrador]. Il s'agit des États-Unis et du Mexique qui se battent ensemble contre un ennemi commun, les cartels de la drogue", a déclaré mercredi le député du deuxième district du Texas, Dan Crenshaw, par le biais d'une vidéo partagée sur les médias sociaux.

 

Violation de la souveraineté

 

William Barr, chef du parquet sous le Gouvernement de Donald Trump, a récemment estimé que le Mexique était sur le point de devenir un « narco-état en faillite ».

 

L'avocat a fait valoir que le pays a été pris par des groupes "terroristes", engagés dans le trafic de drogue, et que les autorités mexicaines n'ont ni la capacité ni la volonté de les combattre et même les "les protège ».

 

« Si un Gouvernement ne veut pas ou ne peut pas le faire [combattre les cartels], alors le pays lésé a le droit de prendre des mesures directes pour éliminer la menace avec ou sans l'approbation du pays hôte », a écrit Barr dans un article d'opinion controversé publié la semaine dernière dans le Wall Street Journal.

 

Malgré ces arguments, l'article 2 de la Charte des Nations Unies reconnaît l'égalité entre les États et interdit l'utilisation de la force d'un pays sur un autre. La réglementation préconise en outre le respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique des nations.

 

Dans le même sens, la Constitution du Mexique elle-même reconnaît la souveraineté du pays et indique dans son article 33 que les étrangers ne peuvent pas s'immiscer dans les affaires politiques du pays. Alors que la loi sur la sécurité intérieure souligne que toute ingérence étrangère sera considérée comme une menace pour l'État et que, par conséquent, le Gouvernement est en mesure de répondre comme bon lui semble.

À cet égard, López Obrador a annoncé que, si la proposition d'intervention militaire des républicains avançait, le Mexique fera appel aux Nations unies et demanderait la mise en œuvre de sanctions contre les États-Unis.

 

Le principe de non-intervention

 

Une autre voix en faveur de l'intervention militaire américaine est celle de Barry McCaffrey, le tsar antidrogue de l'ancien président Bill Clinton, qui estime que la mesure contre les cartels mexicains est nécessaire en raison de l'incapacité de son voisin à lutter contre le crime organisé.

 

"Le Mexique est un désastre massif", a déclaré le général à la retraite mardi dernier, lors d'une interview télévisée, après avoir rapporté que plus de 200 groupes criminels opèrent dans le pays.

 

Pour défendre sa position, l'ex-militaire a rappelé les milliers de personnes disparues dans la nation latino-américaine, ainsi que les avertissements de voyage de Washington contre cinq entités mexicaines, qui sont à égalité avec des pays comme l'Afghanistan, l'Iran et la Syrie, a-t-il assuré.

 

Néanmoins, l'intervention étrangère sur n'importe quel territoire est contraire au principe de non-intervention établi dans la Charte des Nations Unies qui stipule qu'aucun pays ne peut s'immiscer « dans les affaires qui sont essentiellement de la juridiction interne des États ».

 

L'article 51 de l'organisation stipule également qu'une nation ne peut exercer son droit de légitime défense qu'en cas d'attaque armée, à condition qu'elle informe au préalable les Nations Unies de l'événement et qu'il soit prouvé qu'il n'existe pas d'autres mécanismes de règlement pacifique.

 

Malgré cela, dans le cadre de l'attaque des tours jumelles en septembre 2001, les États-Unis ont introduit une politique interne connue sous le nom de "Doctrine Bush", qui stipule que le pays peut utiliser sa puissance militaire dans un autre État face à de simples soupçons d'attaques potentielles, c'est-à-dire lancer ce que l'on appelle une « guerre préventive. »

 

« Il faut rejeter toutes ces prétentions d'interventionnisme. Le Mexique est un pays indépendant", a déclaré López Obrador la semaine dernière pour rejeter ouvertement cette doctrine et mettre l'œil sur la question de fond : qui donne aux États-Unis l'autorité de déclarer de telles mesures ?

 

« On ne peut pas faire face à la violence avec la violence », a ajouté le président, en insistant sur sa politique contre l'utilisation de la force armée pour freiner le trafic de drogue et en faveur de la prise en charge des causes structurelles qui le provoquent.

 

En ce qui concerne les alertes de voyage, le président a déclaré lundi que le Mexique est plus sûr que les États-Unis et qu'il n'y a "aucun problème" pour voyager dans le pays. Il a également souligné que le flux de touristes vers la nation ne s'est pas arrêté, tout en rappelant l'augmentation du nombre de nomades numériques étasuniens enregistrés à Mexico au cours des derniers mois.

 

Double standard


Selon le député Dan Crenshaw, les cartels mexicains sont directement responsables de l'"empoisonnement" de plus de 70 000 Américains par an avec le trafic de fentanyl, un opioïde synthétique qui est jusqu'à cinquante fois plus fort que l’héroïne.

 

Les chiffres les plus récents de l'Institut national américain sur l'abus de drogues. (NIDA) révèlent qu'en 2021, 106 699 personnes de ce pays sont mortes d’une overdose  et que 80 411 sont décédées après avoir consommé des opioïdes synthétiques, principalement du fentanyl.

 

Cependant, pour l'ancien procureur William Barr, l'abus de drogues est également mesuré par le coût de l'« épidémie » pour l'État, qu'il estime à 5 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, fruit des dépenses générées par les soins médicaux, la justice pénale, la perte de productivité et les services sociaux et familiaux.

 

"Le fentanyl est une arme de destruction massive qui est tirée sur les États-Unis depuis son pays", a reproché à López Obrador le sénateur républicain Lindsey Graham, représentant de la Caroline du Sud, d'où venaient les quatre Américains enlevés.

 

En réponse, López Obrador a affirmé que son Gouvernement avait obtenu la plus grande confiscation de fentanyl de l'histoire, en confisant plus de six tonnes de l'opioïde. « Faites le compte [...] pour chaque kilo de fentanyl, c'est un million de doses », a expliqué le président, après s'être interrogé sur le fait que les États-Unis tentent d’éluder leur responsabilité dans ce phénomène.

 

« Pourquoi [les États-Unis] ne combattent-ils pas la distribution de fentanyl ? », a demandé le président lors de sa réunion habituelle avec les médias. D'ailleurs, López Obrador a rappelé qu'il y a quelques mois, le chef de la délégation mexicaine de la Drug Enforcement Administration (DEA) a été démis de ses fonctions.

 

"On ne sait rien, la DEA n’arien dit mais ils ne l'ont pas fait là non plus", a déclaré le président lors de sa conférence de lundi, au cours de laquelle il a critiqué les médias pour avoir propagé le discours républicain et les conservateurs qui cherchent à attaquer son Gouvernement.

 

Jeudi dernier, une délégation étasunienne dirigée par Elizabeth Sherwood-Randall, conseillère à la sécurité intérieure de la Maison Blanche, a rencontré López Obrador et une partie de son cabinet pour s'attaquer à la crise du fentanyl.

 

Les parties ont convenu de lancer la première campagne binationale de l'histoire pour informer les jeunes de ce que représente l'opioïde synthétique et pourquoi il s'agit d'une menace, tout en convenant de se réunir à Washington en avril prochain.

 

Une proposition « propagandiste »


Selon López Obrador, le récit républicain est une stratégie électorale en vue de l'élection présidentielle aux États-Unis l'année prochaine.

 

"Ce qu'ils veulent, c'est sortir la politique électorale, c'est pourquoi l'arrogance, l'arrogance", a-t-il déclaré. Face à ce scénario, la stratégie que le Mexique adoptera sera de rencontrer les consuls mexicains aux États-Unis pour les informer des mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre le fentanyl.

Pour cette raison, le chancelier mexicain Marcelo Ebrard s'est rendu ce lundi sur le territoire étasunien. "Le Mexique sera défendu", a déclaré le ministre. Le devoir des diplomates sera de devenir des diffuseurs de cette information parmi les ressortissants vivant aux États-Unis.

 

« S'ils continuent à offenser le Mexique, nous allons continuer à les dénoncer et nous allons demander à nos compatriotes de ne pas voter pour eux », a déclaré le président.

 

Une « intervention » sans consultation

 

Le député du Texas, Dan Crenshaw, et le représentant du sixième district de Floride, Michael Waltz, ont présenté en janvier dernier un projet au Congrès visant à autoriser l'utilisation des forces armées étasuniennes contre les "responsables" du trafic de drogue au Mexique, sans l'autorisation du pays envahi.

 

Dans la motion, les législateurs ont défendu la nécessité d'une intervention en raison de la "déstabilisation" provoquée par les cartels en Amérique du Nord, ainsi que des attaques perpétrées contre les forces armées étasuniennes.

 

Mercredi dernier, les sénateurs Lindsey Graham, représentant de la Caroline du Sud, et John Kennedy, de Louisiane, ont envoyé une autre initiative au Congrès pour demander à Washington de déclarer les cartels mexicains comme des organisations terroristes, ce qui permettrait à la Maison Blanche d'activer les mécanismes permettant à l'armée de les combattre, en passant au-dessus de la souveraineté du Mexique.

 

Sans présenter de preuves concrètes, les législateurs ont assuré que la crise de la sécurité au Mexique a permis à des groupes terroristes comme ISIS ou Al-Qaïda d'opérer dans le pays, ce qui, selon eux, représente une menace pour les États-Unis. Ils ont souligné la nécessité impérieuse d'« intervenir » dans la nation latino-américaine pour éradiquer les laboratoires qui produisent du fentanyl et les organisations criminelles qui en font  le trafic.

 

Les propositions des législateurs doivent encore être débattues au Congrès mais pour pouvoir être mises en œuvre elles ont besoin de l'approbation des deux Chambres, le Sénat, dominé par les démocrates, et la Chambre des représentants, où le vote  des deux tiers des parlementaires est requis, une majorité que n'atteint pas la faction républicaine.

 

Face à ce scénario, López Obrador a montré sa confiance dans le fait que les initiatives interventionnistes ne recevront pas le soutien de la Maison Blanche. "Le président Biden n'a pas cette position, ce sont ces législateurs républicains", a-t-il déclaré la semaine dernière.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/03/13/mexico-por-que-el-plan-republicano-contra-los-carteles-en-ee-uu-pone-en-riesgo-la-soberania-del-pais/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/03/mexique-le-plan-republicain-contre-les-cartels-met-en-danger-la-souverainete-du-pays.html