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Nicaragua : Selon les règles des États-Unis, les prisonniers politiques seraient des criminels

6 Mars 2023, 17:35pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

John Perry,

 

« Le Nicaragua libère des centaines de prisonniers politiques aux États-Unis, »,dit le New York Times du 9 février 2023. Dans un mouvement inattendu, le 9 février, le Gouvernement du Nicaragua a déporté aux États-Unis 222 personnes qui étaient en prison et leur a retiré leur nationalité.

 

Ces prisonniers avaient été condamnés pour différents délits parmi lesquels terrorisme, conspiration pour renverser le Gouvernement élu démocratiquement, avoir demandé aux États-Unis d'intervenir au Nicaragua, dommages économiques et menace pour la stabilité du pays, la plupart en relation avec la violente tentative de coup d'Etat de 2018 et ses conséquences.

 

Le président Daniel Ortega a expliqué que l'ambassadeur des États-Unis avait accepté sans conditions une offre pour envoyer les 222 « mercenaires » (comme les appelle Ortega) à Washington. Deux autres ont opté pour rester en prison au Nicaragua et quatre autres ont été refusés par les États-Unis.

 

Malgré le titre relativement bénin du Times, il attaquait fortement un pays qui avait « glissé vers un gouvernement autocratique » et dont le Gouvernement, avait « attaqué les opposants de la société civile, l'église et les médias. » Pour le Times, les « prisonniers politiques » n'étaient pas des criminels mais « des membres de l'opposition, des patrons, des activistes étudiants et des journalistes. »

 

Pour le Washington Post (9/2/23), ils comprenaient « certaines des personnalités politiques de l'opposition les plus connus du Nicaragua » et « des candidats à la présidence. » Leur libération avait « adouci l'une des saga des droits de l'homme les plus sombres de l'Amérique latine. » Il ajoutait que « plusieurs des prisonniers avaient envisagé de se présenter contre Ortega aux élections de 2021 mais avaient été arrêtés avant l'élection. »

 

The Guardian (9/2/23) rendait responsable des emprisonnements le « régime autoritaire de Nicaragua » et sa « féroce répression position politique de deux ans » destinée à « détruire tout défi », avant les dernières élections présidentielles de 2021.

 

Mauvais quand ils le font

 

Les médias corporatif ont reçu une seconde bouchée de la cerise quand le Gouvernement du Nicaragua a annoncé, six jours plus tard, qu'il retirait la nationalité à 94 autres personnes dont la plupart vivait à l'étranger, dans certains cas depuis très longtemps. La liste incluait des noms aussi connus que les auteurs Sergio Ramírez et Gioconda Belli. The Times (17/2/23), citait l'agence des Nations unies pour les réfugié qui dit que le droit international « interdit la privation arbitraire de nationalité, y compris pour des motifs raciaux, ethniques, religieux ou politiques. » Pour The Guardian (16/02/23), « le régime autoritaire de Daniel Ortega intensifiait sa répression politique. »

 

Aucun ne mentionnait le fait que la loi des États-Unis, de la Grande-Bretagne, et d'autres pays permet de retirer la nationalité, aux États-Unis pour, entre autres choses, être impliqué dans une conspiration « destinée à renverser, briser ou détruire par la force, le Gouvernement des États-Unis » et en Grande-Bretagne à « ceux qui représentent une menace pour le pays. » Le Gouvernement britannique a donné l'ordre de retirer la nationalité à au moins 767 personnes depuis 2010.

 

Il y a d'autres considérations importantes qui s'appliquent dans le cas de Nicaragua et que les médias ignorent. En premier lieu, c'est un petit pays avec des moyens limités pour se défendre qui a été l'objet de l'intervention des États-Unis pendant des décennies : militairement dans les années 1980, politiquement plus récemment, et économiquement depuis que des sanctions lui ont été imposées en 2018.

 

Ceux qui souhaitent des États-Unis encore plus forts (par exemple, des restrictions du commerce), mettent en réel danger le bien-être des Nicaraguayens.

 

Deuxièmement, il existe un précédent du fait que des citoyens non élus d'un pays soient reconnus comme son Gouvernement « réel » par les États-Unis et ses alliés. Une tactique qui, dans le cas du « président », autoproclamé, Juan, Guaidó, au Venezuela, a volé avec succès les actifs du pays (Venezuelanalysis, 11/1/22) bien qu'elle n'ait pas provoqué le coup d'Etat militaire espéré (FAIR.org, 1/5/19).

 

La possibilité qu'ils utilisent des tactiques similaires contre le Nicaragua pourrait bien avoir été un facteur qui a influé sur les décisions qui ont été prises.

 

Le récit des médias corporatif sur les raisons du Gouvernement de de Nicaragua pour les déportations et le retrait de la nationalité a été superficiel et péjoratif.

 

Par exemple, le second article de TheGuardian (16/2/23) disait que le Gouvernement « appelai les déportés qui ont également été dépouillés de leur nationalité, « traîtres envers la patrie. » Le reste de l'article était consacrée à la critique du Gouvernement d’Ortega.

 

Le New YorkTimes (9/2/23) cité, le journaliste nicaraguayen, Carlos  Chamorro, l'un des 94  disant : « tous les prisonniers de conscience sont innocents. » Il n'y avait aucune évaluation de sa protestation.

 

Le Washington Post (9/2/23) citait la critique d'Ortega envers le financement des groupes d'opposants par les Etats-Unis: « Ces gens rentrent dans un pays qui les a utilisés… pour semer la terreur, la mort et la destruction ici, au Nicaragua, », a dit Ortega. Mais le journal continuait en faisant savoir avec sa propre voix que « Ortega a écrasé un soulèvement antigouvernemental national en 2018, le début d'une nouvelle vague de répression. »

 

Comme l'a démontré FAIR dans plusieurs articles, la couverture médiatique du Nicaragua présente en permanence l'image d'un pays qui subit une répression extrême. L'histoire des 222 déportés a été une occasion de plus pour répéter ce récit.

 

Par exemple, dans sa couverture, The Guardian (16/2/23) citait un fonctionnaire de Human Rights Watch qui disait : « Le pays est sur le point de devenir l'équivalent de la Corée-du-Nord dans l'hémisphère occidental. » Que ce soit la fermeture d’O.N.G., les résultats des élections présidentielles de 2021, les raisons de l'augmentation de la migration des Nicaraguayens aux États-Unis ou la réponse du pays au Covid–19, les médias corporatifs ignorent les bonnes nouvelles sur le Nicaragua, donnent la parole aux opposants au Gouvernement, et s’ils citent Daniel Ortega, le font de façon péjorative.

 

L'exemple le plus extraordinaire de ce récit biaisé est le fait que les médias corporatifs soutiennent que « la terreur, la mort, les destructions » de la tentative de coup d'Etat de 2018 n'ont jamais existé où ont été perpétrées uniquement par le « régime autoritaire. »

 

Mais il y a eu de nombreuses preuves, à ce moment-là, et depuis, que des actes horribles de violence avaiten été commis contre la police et des sympathisants sandinistes. On peut en voir des exemples dans deux courtes vidéos (on donne des avertissements sur le contenu) qui comprennent des clips faits par les manifestants de l'opposition eux-mêmes et diffusés sur les réseaux sociaux.

 

Le soulèvement qui a secoué le Nicaragua a duré environ trois mois, fait officiellement 251 morts (dont 22 policiers, d'autres donnent un nombre de morts plus important) et plus de 2000 blessés. Il est supposé avoir « causé 1000 000 000 de dollars de dommages économiques » et a conduit à un effondrement de l'économie. (après des années de croissance, le PIB a baissé à 3,4 % en 2018).

 

La tentative de coup d'Etat a conduit à au moins 777 arrestations et beaucoup des personnes arrêtées ont été condamnées à de longues peines de prison mais le plus important, une chose ignorée la plupart du temps par les médias corporatifs: 492 prisonniers ont été libérés entre la mi-mars et la mi juin 2019.

 

On peut comparer l'expérience du Nicaragua en 2018, l'attaque du Capitole, aux États-Unis, le 6 janvier 2021, et la réponse du système de justice des États-Unis, généralement avec le soutien des médias corporatifs. L'attaque du Capitole a duré seulement quelques heures et fait 5 morts, quelques 140 blessés parmi la police et 2 700 000 $ de dommages.

 

En informant sur les sanctions contre les responsables sans vision critique, le New York Times (19/12/22) disait que plus de 900 personnes avaient été accusées jusqu'à ce moment-là et risquaient des peines de prison pouvant aller jusqu'à 10 ans.

 

Plus tard, le Times (23/1/23) faisait savoir que 4 coupables avaient été accusés de « conspiration séditieuse », selon un statut qui date de la période de la guerre civile. En d'autres termes peu différents de ceux utilisés par le juge nicaraguayen qui a annoncé le retrait de la nationalité à 94 personnes, l'un des procureur disait que les accusés « ont perverti l'ordre constitutionnel. » Il ajoutait qu'ils « étaient prêts à utiliser la force et la violence pour imposer leur vision de la Constitution et leur vision des États-Unis au reste du pays. » A la différence avec les rapports du Times sur le Nicaragua, il n'y a pas d'indice de critique de ces charges et on ne se demande pas si elles sont justifiées.

 

Preuve d'illégalité,

C'est dans ce contexte que les 222 personnes soi-disant « innocentes » libérées aux États-Unis avaient été accusées et déclarées coupables en 2021 et 2022. Les questions sur les mauvaises actions des 222 ont été laissées de côté dans la couverture des médias corporatifs mais il aurait été facile de trouver des preuves d'illégalités. En voici trois exemples :

 

Cristiana Chamorro dirigeait une ONG, la Fondation Violeta Barrios de Chamorro, qui a reçu 76 000 000 de dollars de l’ USAID. Ceux-ci ont été utilisés pour influer sur les élections du Nicaragua grâce a une série de médias d'opposition dont plusieurs étaient  la propriété de la famille Chamorro. Elle a refusé de respecter les lois sur la transparence et a fermé sa fondation. Ensuite, elle a été condamnée pour blanchiment d’argent.

 

Félix Maradiaga a été condamné pour trahison, parce qu'il avait plaidé pour des sanctions économiques contre le Nicaragua.

 

Medardo Mairena et Pedro Mena avaient organisé une série d’attaques à main  armée en 2018 pour lesquelles ils avaient été amnistiés en 2019. Parmi ces attaques, l'attaque du commissariat de Morrito le 12 juillet 2018, lors de laquelle 5 personnes sont mortes. Ensuite, tous deux ont été à nouveau condamnés pour de nouveaux délits. En 2020, un grand nombre de victimes ont apporté des preuves de la violence exercée par Mairena et ses associés en 2018, dans le centre du Nicaragua.

 

Pour les médias corporatifs étasuniens , rien de tout cela n'était important. La véritable raison des arrestations en 2021 était simple : Ortega pensait perdre les élections de cette année-là, c'est pourquoi il a enfermé ses opposants.

 

Il est certain que plusieurs des personnes emprisonnées pensaient se présenter aux élections mais dans une analyse post-électorale conjointe avec le journaliste Rick Sterling, je montrais qu'ils avaient eu peu de possibilités de participer aux élections et encore moins de les gagner.

 

Mais selon le Washington Post (9/2/23), cela signifiait qu'Ortega, « essentiellement sans opposition, naviguait vers un quatrième mandat consécutif. »

 

En fait, il a gagné avec 76 % des voix et une participation de 65 % des électeurs, face à 5 autres candidats dont 2 de partis qui avaient été au Gouvernement pendant les années qui ont précédé le retour d’Ortega au pouvoir.

 

" Un endroit terrible. »

 

Pourquoi ces prisonniers ont-ils été libéré ?… A admis qu'il n'y avait pas eu de « contrepartie», mais ensuite, a publié une déclaration qui affirmait  qu’Ortega achetait une bouffée d'air au niveau international. »

 

The New York Times faisait savoir que les communiqués « renforçaient l'argument que les sanctions étaient efficaces », et décrivait le Nicaragua comme régime autoritaire : « Les sanctions ont aussi mis à l’épreuve la capacité du Gouvernement a soudoyer les paramilitaires pro-Ortega ou à élargir la gendarmerie pour gérer la dissidence. »

 

Ce n'est pas que les sanctions se relâcheront, évidemment : « Les fonctionnaires… ont dit qu'ils continueraient à faire pression sur le Gouvernement d’Ortega,» dit le journal, puisque « le Gouvernement de Biden ne croit pas que « la nature du Gouvernement » ait changé. » Dan Restrepo, conseiller du président Obama à la sécurité nationale pour l'Amérique latine, déclarait : « Le Nicaragua continue à être un endroit terrible pour les Nicaraguayens et il doit faire beaucoup plus que changer. »

 

Les lecteurs des médias coopératifs qui ne sont pas familiarisés avec le Nicaragua reçoivent des impressions sur le pays renforcées par chaque information, disant que c'est « un endroit terrible », aux mains d'un État policier. Comme quelqu‘un qui vit dans ce domaine, j'ai trouvé une grande différence entre ces descriptions et la réalité de la vie quotidienne des Nicaraguayens.

 

Les lecteurs du Times ou du Post  seraient surpris d'apprendre que le Nicaragua a été jugé récemment comme l'endroit du monde où les gens sont le plus en paix (CNBC, 7/1/23 ). InSight Crime (8/2/23) l’a classé comme le second pays le plus sûr d'Amérique latine, selon des données concernant les homicide. Il a abordé le Covid–19 avec plus de succès que ses voisins et a le taux de vaccination le plus haut de la région. Les sites Web consacrés au tourisme le considèrent comme une destination favorite en Amérique centrale. Il font l’éloge de son amabilité.

 

Enfin, la décision du Gouvernement de déporter les 222 a été populaire au Nicaragua même, au moins parmi les partisans du Gouvernement. Il y a eu des manifestations enthousiastes dans au moins 30 villes le week-end suivant, y compris dans la ville où je vis. Pas convaincu, le British Independent (12/2/23) a dit que la « machinerie politique sandiniste avait mobilisé quelques rares milliers de ses fidèles. » Ils ne doivent pas avoir vu les rapports de la capitale, Managua, où des dizaines de milliers de personnes ont empli les rues.

 

Traduction Françoise, Lopez, pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.telesurtv.net/opinion/Los-prisioneros-politicos-de-Nicaragua-serian-criminales-segun-los-estandares-estadounidenses-20230303-0017.html

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/03/nicaragua-selon-les-regles-des-etats-unis-les-prisonniers-politiques-seraient-des-criminels.html